C’est l’été, et à l’heure où tout le monde fuit pour se gorger encore de soleil, où tout le monde s’échappe, au-delà des frontières quotidiennes, d’autres restent, faute de mieux. Ils sont une bande de copains et s’accommodent d’un rien pour oublier qu’ils vivotent dans ce quartier qui leur a fermé depuis longtemps beaucoup de portes. L’autoroute n’est pas loin, la ville non plus. Mais c’est peut-être déjà trop pour ces familles de la « vie périphérique ». Petits méfaits, petites alliances, la vie là-bas n’est que débrouille et magouilles. La petite délinquance ordinaire: de celle qu’on ne relève plus.
Je m’appelle Tomas, j’ai douze ans et je ne sais pas qui est mon père. Mais après tout, c’est banal dans la vie d’un gamin, et d’ailleurs je crois que ça n’intéresse personne, même pas moi, et puis j’en ai vraiment marre de toujours entendre la même histoire.
Un jour, un drame vient bousculer leur petit monde. Au milieu du chantier voisin, le léger va-et-vient d’un corps sans vie rappelle – comme le balancier d’une vieille horloge – que le temps ici passe trop lentement. Lucas, leur camarade est retrouvé pendu. Si les gens du quartier se sont endurcis dans leur routine sans espoir, cet événement sordide échauffe les esprits et tout le monde peine à comprendre ce qui pousse un enfant à commettre l’irréparable.
Pour raconter le pire, la narration se fait dans la bouche de Tomas, ami du petit Lucas. Questionnements, incompréhension, effervescence et tristesse trouvent un écho dans sa bouche. Il relate, volubile, tantôt stoïque tantôt en proie à l’angoisse, ces gens qui s’agitent face au drame, avec pour seule obsession une somme de pourquoi. Parce que ce jour-là, il a tout vu. Parce qu’il faut qu’il parle, lui qui sait, qui a compris. Il faut qu’il raconte ce drame dont il a été témoin et qui l’a hélas fait grandir trop vite.
Il m’a dit qu’il me voulait muet, comme une tombe, et moi, comme dans les films, j’ai soutenu son regard et j’ai juré, sur mes morts, que je préférais mourir plutôt que le trahir.
Isabel Alba livre ici un roman qui se lit d’un souffle, entraînant son lecteur dans une spirale infernale de violence qui rythme la vie de cette cité madrilène. Nous voilà témoins d’un récit cru, sans concession à la rapidité presque oppressante qui dérange et qui glace d’effroi. L’auteur maîtrise l’art de la concision et nous met face à ce que le jeune narrateur a à nous dire. Nous l’écoutons malgré tout, pour l’alléger de ce choc qu’il n’aurait jamais voulu subir. Au-delà du drame, c’est aussi le portrait d’une société en perdition que l’on dépeint pour forcer à voir ce que chaque jour on cache.
Nous voilà les éponges d’un récit dans lequel la langue et l’écriture sont un peu le miroir de la rue: torturées, abîmées, malmenées par cette pauvreté propre à ces endroits qu’on a isolés pour mieux les abandonner. Les mots griffent, accrochent, écorchent et vous conduisent vers les dernières pages qui nous sonnent, comme les victimes d’un uppercut.
Un titre percutant qui se fait pour l’instant discret dans la rentrée littéraire et que je voulais partager avec vous afin de le mettre un peu en lumière pour Les Matchs de la Rentrée Littéraire. Une publication des Éditions de La Contre Allée, maison découverte avec le merveilleux Pas dans le cul aujourd’hui de Jana Cerna.
N’oubliez pas que vous avez encore jusque demain, 12 septembre pour faire votre choix avant le tirage au sort! Une belle occasion pour le découvrir n’est-ce pas ?
Baby Spot – Isabel Alba
Traduit par Michelle Oturno
Éditions La Contre Allée
Août 2016
96 p / 13 €
ISBN: 9782917817520
Rentrée littéraire 2016
Oh là là, il faut être en forme pour le lire.
Mais pourquoi pas …
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Suis ravie de l’avoir mis dans ma sélection 😉
Et il devrait drôlement plaire aux étudiants ! Alors quoiqu’il arrive hein je vais le lire 😉
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Effectivement, une très belle occasion… Et moi aussi j’ai découvert les Éditions de La Contre Allée avec le même titre que toi.
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Bien envie de le lire moi aussi… 😉 Ce que tu en dis me fait penser qu’il pourrait m’intéresser.
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Ce serait chouette. Nos petites envies et découvertes respectives de rentrée nous offrent de beaux moments de lecture.
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Dans ta sélection, j’ai choisi le Garçon pour les MRL16. Mais d’une manière générale j’ai noté tous vos titres et je les ai achetés pour la bibli car certains sortent des sentiers battus et je vous fais à toutes confiance 🙂
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Quelle jolie critique, et j’aime ces romans à l’écriture torturée, alors pourquoi pas…
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Ta critique me donne également envie de découvrir ce roman. Une belle mise en lumière effectivement dans l’effervescence de la rentrée
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Cette fin punaise, je ne l’a! pas vue venir…
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Elle pique n’est-ce pas?
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Mais, mais, mais… il a tout pour me plaire celui-là et il était passé sous mes radars… va falloir réparer cette erreur au plus vite !
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C’est un texte qui surprend et étonne. J’espère qu’il te plaira bien que la plume puisse déranger. Tu me diras.
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Un titre que l’on voit peu, en effet. Sacré coup de projecteur, et titre noté.
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Je pense que les lecteurs des Matchs iront plutôt vers des titres « grand public » ou vers des noms plus connus, mais j’avais envie d’en parler en espérant avoir semé quelques graines chez les curieux. ^^
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Zut alors je regrette de ne pas l’avoir sélectionné ça a l’air vraiment bien!!
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Il te reste une possibilité: te faire plaisir et te l’offrir. Son prix est raisonnable pour un bouquin de rentrée. Et il mérite qu’on parle de lui.
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Je n’ai pas du tout entendu parler de ce livre avant cette chronique.
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Il était dans ma sélection des matchs de la rentrée littéraire.
J’espère qu’il trouvera son lectorat.
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