Elle était pourtant adorable, mon Harriet : vingt-cinq ans qu’elle tenait le coup à mes côtés ; elle m’avait donné trois fils et une fille, dont j’aurais joyeusement échangé n’importe lequel, voire les quatre, contre une Porsche neuve, ou même une MGGT ’70.
Un chien au poil hirsute vient divertir un couple en perdition, rongé par l’habitude lasse de se croiser chaque matin. Des parents soumis au diktat de leurs adultes progénitures idiotes, impulsives et dépendantes. La famille selon Fante n’est qu’un incessant constat de désolation et l’on peine à comprendre ce qui les lie et les maintient à flot. Une envie de fuir et d’échapper à l’embourbement dans le quotidien insipide saisit le narrateur qui en parfait raté et loser ordinaire, déconstruit avec un talent certain pour l’ironie le schéma familial rêvé.
Le mariage brutalise un homme. La paternité aussi. Et puis le chômage. Et les chiens.
L’arrivée de la bestiole dans la vie du protagoniste vient le tirer de l’ennui dans lequel il sommeille. Il faut dire que Stupide lui donne du fil à retordre: fugues, frottements ostensiblement excités contre les passants sur lesquels il jettera sa dévotion, grognements féroces et bonds déstabilisants… Sa présence ne fera qu’exacerber les personnalités de tout ce petit monde qui se supporte à défaut de savoir comment s’aimer et provoquera, tel un jeu de domino, bien des mésaventures en chaîne au grand plaisir des lecteurs amusés par ce joyeux bordel. L’occasion de voir les langues se délier sans que personne ne soit épargné.
– Pourquoi es-tu écrivain, P´pa ? Bordel, comment as-tu fait pour être publié ?
– Oh, merde. Je ne suis pas si mauvais ! H.L. Mencken me trouvait plutôt bon. C’est lui qui m’a publié le premier.
– Tu pues, P´pa, tu pues vraiment. […] Encore une chose. Tu es un con.
– Ça va, le compte est bon.
Il a jeté sa cigarette et nous sommes retournés vers les autres.
– Ça fait un sacré bien de se sentir respecté par ses enfants, j’ai dit. Merci pour toutes les bonnes choses que tu m’as dites ce soir.
Mon Chien Stupide est le roman-portrait d’une famille américaine nourrie à l’amertume et à la frustration, dont le scotch à bas prix coule dans les veines. Humour grinçant, cynisme jubilatoire et accrocs sarcastiques, la plume de Fante est une morsure qui vous fait sourire souvent, et malgré tout. Elle griffe, désarçonne, amuse. Elle dépeint avec lucidité les esprits blasés et se moque de la bien-pensance et des conventions sociales.
La narration, portée par un je désabusé et indolent, vous montre l’Amérique des petits esprits et des grands laissés-pour-compte qui ont accepté la médiocrité bon an mal an comme le plus habile des compromis face à l’absurdité de l’existence. Et pourtant, au milieu de ce marasme familial, dans ce jeu du qui m’aime me fuit, on parvient à entrevoir de l’amour. Maladroit, bancal, mélancolique. L’enfer c’est les autres ? Peut-être. Mais quelque chose me dit que son antichambre se trouve derrière la porte battante de la maison d’Harriet et Henry et que l’on s’y complaît drôlement.
BO des pages tournées : I Wanna Be Your Dog – Iggy Pop

- Lundi, j’étais en Angleterre et je gambadais joyeusement dans les plaines vallonnées de Watership Down de Richard Adams
- Mardi, je traînais sous le soleil brûlant des routes californiennes dans les pas de Fanny avec Des Souris et des hommes de Steinbeck.
- Aujourd’hui, je prolonge mon séjour américain et je m’invite dans le petit quartier résidentiel d’Henry avec Mon Chien Stupide de Fante.
Une autre histoire de chien pour les plus petits qui mérite même que les grands la découvrent: La Légende du chien noir – Levi Pinfold
Fante au milieu des livres :
- Le cycle Bandini : « Quatuor Bandini »
- Demande à la poussière.
- Sur la route de Los Angeles
- Bandini
- Rêves de Bunker Hill
- Le cycle Molise :
- Les Compagnons de la grappe
- Mon chien stupide
Mon Chien Stupide de John Fante Traduit de l’anglais (USA) par Brice Matthieussent Éditions 10/18 – Collection Domaine étranger ISBN: 978-2264050243 6,60€ / 192 pages / Novembre 2007 (1985 pour l’édition originale) Lire l’ailleurs – Les classiques c’est fantastique! |
Enfin mon cher Fante !
Je n’ai pas lu celui-là mais je le ferai ! J’ai adoré Demande à la poussière et La route de Los Angeles.
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Encore jamais lu Fante mais je suis intriguée depuis un moment, reste plus qu’à me lancer pour de bon!
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Allez go go go ! On n’hésite pas et on se lance !
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J’ai trouvé le roman lourd, et même poussif… je n’ai vraiment pas réussi à accrocher.
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Fante, j’adore, je le lisais beaucoup à une certaine époque… J’ai de la nostalgie en y repensant… Snif snif
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C’est mon rôle d’entretenir la nostalgie. Pas tenté par une relecture?
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Trop peur d’être déçu…
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À ce point? Un peu d’optimisme voyons !
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Je ne relis quasiment jamais mes livres…
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(Je fais celle qui insiste mais moi non plus. Excepté Steinbeck, récemment. )
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Moi, c’est (récemment) excepté la peste de camus 😉
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Lors de la sortie de l’adaptation cinématographique il y a quelques mois (que je n’ai pas vue) je me suis dit qu’il fallait que je découvre cet auteur….. Mais j’ai une petit peur mais je vais franchir le pas et peut être par celui-ci 🙂
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Il faut se lancer je crois…
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oui maintenant je me lance ….. Qu’ai-je à perdre et ce serait dommage de passer à côté d’une belle découverte….. sinon je serai fixée 🙂
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As-tu vu le film ?
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Non. Mais j’avoue qu’il ne me tente pas spécialement…
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j’ai découvert cet auteur avec ce roman , c’est une voix très originale et un style grinçant et percutant , un grand romancier à mon avis.
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Je ne pensais pas aimer autant à vrai dire ! J’ai beaucoup ri !
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Je découvre cet auteur grâce à ta chronique. Les histoires de chien, elles me parlent. D’ailleurs, j’en ai trois à la maison. 😉
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Découvert sur le tard et j’en suis ravie ! Et pourtant, les histoires animalières ne m’attirent guère… Vivement le prochain !
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Ayé, acheté !! 🙂
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So let’s read now !
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Ah, un grand classique, j’aime beaucoup !
Mais je n’ai pas vu le film (que la bande annonce), et toi ?
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J’avoue que j’aime beaucoup Charlotte Gainsbourg mais je n’ai pas du tout envie de voir l’adaptation. J’ai dans l’idée que le côté « film français » aura du mal à rendre compte de l’atmosphère romanesque de ce titre américain. Je le sens d’avance un peu trop fade et convenu, soit tout le contraire de la plume de Fante.
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J’aimerais bien lire Fante depuis le temps que j’en entends parler, mais ce titre ne m’a jamais tentée. Et aujourd’hui toujours pas, rien à faire ^^
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Il y a suffisamment de titres pour que tu puisses faire ton choix. Demande à la poussière sera mon prochain…
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John Fante est mon auteur culte, au même niveau que ce vieux dégueulasse de Buk, c’est dire. Il faut que tu lises Demande à la poussière, son chef d’oeuvre. Et Bandini bien sûr. Et tous les autres, sans exception !
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Il est sur ma PAL et je compte bien le découvrir bientôt. (Rien que le titre déjà est d’une poésie folle.) Quant à Bandini, il sera dans mes prochains achats en librairie. (J’ai des envies persistantes d’Amérique depuis ma semaine USA/UK…)
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Ah mais je veux ! J’ai un recueil du fiston Dan à mon chevet dans lequel je pioche de temps en temps (Bons baisers de la grosse barmaid, ce titre déjà…) mais jamais lu John Fante, plus pour longtemps !
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