Alors que les Bandini sont installés dans un petit quartier populaire du Colorado et qu’on ne cesse de leur rappeler qu’ils ne sont que des tout petits dans cette immense Amérique, la vie se fait de plus en plus dure. Croulant l’accumulation de dettes alimentaires dans tous les commerces alentours, les voilà contraints de vivre pauvrement et leur quotidien manque cruellement d’éclat. Tentant par tous les moyens de grappiller l’argent là où il saura le trouver, Svevo, le père de famille cède malheureusement aussi très facilement au chant du zinc et aux parties de poker qui se soldent rarement par des gains faramineux.
Arturo Bandini était quasiment certain de ne pas aller en enfer après sa mort. Pour aller en enfer, il fallait commettre un péché mortel. Certes, il croyait en avoir commis beaucoup, mais le confessionnal l’avait sauvé à chaque fois. Il se confessait toujours à temps – c’est à dire avant de mourir.
Le couple se fissure en silence et les enfants vivotent dans un cercle familial qui n’a rien de bien épanouissant et dans lequel le maître-mot est la mauvaise foi. Un soir, Svevo ne rentre pas et disparaît sans autre forme de procès. Dès lors, les rumeurs vont bon train et sa femme capitule face à une profonde dépression qui la submerge. Pour mieux enfoncer le clou, sa mère ne cesse de ressasser combien ce triste mari n’est qu’un lâche et qu’elle n’est qu’une idiote d’avoir choisi cette vie-là. Arturo, fils aîné d’une fratrie de sales gosses, est alors le témoin de la chute infernale de cette figure maternelle qui ne peut plus porter sa famille à bout de bras et qui trouve refuge dans la religion. Et l’on n’est pas sérieux quand on a quatorze ans…Difficile de conjuguer cette vie à la dérive avec ses aspirations amoureuses et amicales. L’occasion de mieux comprendre le chaos dans lequel grandit le héros et de mieux cerner, l’homme qu’il deviendra au fil des tomes.
Les livres, très peu pour lui. Les soucis de son existence ne lui avaient laissé aucun loisir pour les livres. Mais il avait pénétré le langage de la vie plus à fond qu’elle, malgré ses livres omniprésents. Son esprit débordait d’expériences dignes d’être racontées.
Avec Bandini, œuvre de jeunesse et prémice d’un cycle composé de quatre romans, Fante pose les jalons du destin d’un anti-héros au cul éternellement entre deux chaises en remuant les entrailles de l’adolescence d’Arturo. En germe, cette sensation de ne jamais être à sa place, ce besoin de plaire, de jouer avec les règles et de se moquer des codes. En germe, un jeune garçon qui ne sait ni comment aimer mieux ses parents, ni comment les haïr définitivement.
Dans Bandini, il reste pourtant légèrement en retrait, prêt à faire les quatre cents coups entre deux crises familiales. Fante installe ainsi les thèmes qui ne cesseront de hanter son protagoniste. Il dit toute la honte et la pudeur de ceux qui vivent chichement, il laisse croître au plus profond de lui ces envies de grandeurs qui ridiculiseront l’adulte qu’il sera, adulte en constante recherche d’un idéal bancal qu’il fantasme sans jamais se donner les moyens de l’atteindre.
Un premier opus qui permet d’entrevoir toutes les émotions contradictoires qu’on étouffe face aux figures parentales en perdition. Ce roman dit aussi – avec une finesse de plume qui gagnera en désinvolture à mesure que grandira son emblématique protagoniste – ce que l’on vit quand on naît en Italie et que l’espoir vous fait traverser l’Atlantique pour n’être plus que l’étranger qui s’endette et s’entête en espérant s’extirper de sa condition sans toutefois renoncer totalement à ses valeurs. Un terrible portrait de famille – bien moins léger et sacrément plus coriace – que les titres qui prolongeront le portrait de ce fils prêt à dévorer l’Amérique tel un Rastignac désenchanté. Peut-être mon préféré des Fante que j’ai pu lire jusqu’à maintenant.
Prolongements littéraires :
- Le cycle Bandini : « Quatuor Bandini »
- Demande à la poussière.
- Sur la route de Los Angeles
- Bandini
- Rêves de Bunker Hill
- Le cycle Molise :
- Les Compagnons de la grappe
- Mon chien stupide
Bandini– John Fante Éditions 10/18 6,60 € / 192 pages / 1982 Lire l’ailleurs / Littérature américaine. |
Cet écrivain me fait toujours penser à un de mes profs de français qui l’adorait. C’est grâce à lui que j’avais lu La route de Los Angeles et que j’avais été séduite à mon tour. Je n’ai pas lu celui que tu présentes et je dois dois dire que lire /relire Fante me tente beaucoup.
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Il me reste justement La Route de LA à lire pour achever ce cycle Bandini. Mais je lirai très probablement Les compagnons de la grappe avant, dont on m’a dit beaucoup de bien.
Je me souviens aussi de l’enthousiasme de Jérôme qui adore cet écrivain. Tout ça pour te dire que je ne peux que t’encourager à retrouver Fante.
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Un auteur dont je n’apprécie pas les romans. Peut-être parce que je n’ai pas lu celui-ci.
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Si tu n’aimes pas ses romans je ne sais pas si ce titre changera ton regard sur eux.
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je n’ai lu de lui que « mon chien stupide » que j’avais beaucoup aimé.
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Je t’invite à continuer !
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