BD de la semaine·Et mon coeur fait boum·Neuvième art

1984 – George Orwell & Xavier Coste

Comment ignorer l’omniprésent, l’omniscient, l’omnipotent Big Brother dans cette ville de Londres qui contrôle les moindres faits et gestes de ses dociles citoyens? C’est au milieu de cette foule de pantins de la City – raides comme des buildings – qu’évolue Winston Smith. Démarche mécanique, pas un pas de côté, nul chemin de traverse autorisé. Il est désormais un camarade, employé par le parti au Ministère de la Vérité.  Son quotidien? Réécrire l’Histoire, tailler le lexique dans le vif pour l’appauvrir et lui faire dire ce que le pouvoir désire.

Il importait maintenant de rester vivant aussi longtemps que possible.

Dans la ville bétonnée, les caméras font face aux regards vides et fuyants. Tous et toutes ont fini par accepter que leurs vies étaient épiées à longueur de journée, n’autorisant ni instant d’intimité, ne laissant aucune place aux secrets. Dans cette société où la mémoire n’est plus, les sentiments sont abolis et toute déviance fait de vous un criminel à supprimer.

Un jour, il disparaîtrait. C’était écrit sur son visage.

Dans ce monde sans surprise, froid et impitoyable surgit Julia. Winston Smith passe alors de la suspicion au désir en quelques signaux qui lui laissent croire qu’une autre vie est possible. L’art de la transgression devient le plus désirable des modes de vies. Mais entrer dans ce jeu-là, c’est accepter de se mettre en danger, oser naïvement défier une force répressive qui les dépasse. Combien de temps pourra durer cette passion dans ce pays liberticide qui ne laisse de place qu’à la fascination et au culte de Big Brother?

Êtes-vous prêts à vous séparer et à ne plus jamais vous revoir?

J’ai lu 1984 sur le tard peu intéressée par les dystopies politiques. J’ai finalement cédé parce qu’on me l’avait surtout présenté comme une grande histoire d’amour de la littérature britannique. Au fil des années, ma première lecture a souffert de quelques malencontreux oublis et replonger dans les pages de cet album a su raviver les souvenirs flous de ces pages signées Orwell. Xavier Coste, s’empare de cet immense classique en lui donnant cette part de sensualité et désir qui sont comme des respirations dans ce monde d’interdits. Si les corps se dénudent et se trouvent joliment, leurs rapprochement ne fait qu’entretenir avec insouciance la plus grande des illusions de liberté.

On ne pense qu’à soi à ce moment-là. On se fiche que l’autre souffre.

C’est une fois de plus un très beau travail éditorial que nous offrent les éditions Sarbacane. Le choix d’un format carré – assez rare – en BD et le magnifique Pop Up final – réservé à la première édition – confère aussitôt une place à part à cette publication qui ne manque pas de concurrence. (Pas moins de cinq 1984 sur les étagères des librairies d’ici juin.)

La forme épouse à merveille le fond – comment ne pas songer à un petit écran à l’affût de la moindre réaction du lecteur? Une publication dense et ambitieuse, à l’image de l’œuvre que Xavier Coste s’approprie avec le talent qu’on lui connaît. La géométrie rectiligne, les effets de perspective et la palette de tons froids parfois tranchés par le rouge vif servent à habilement le propos. Le trait de Coste se déleste ainsi aisément du superflu et des fioritures, il épure le trait à l’instar de cette novlangue qui abolit l’histoire et le passé. À la différence près que Xavier Coste crée. Et crée du beau. Le bel acte de résistance et le joli pied-de-nez à l’actualité, en ces mois où la culture est à ce point mise de côté. Orwell visionnaire? Assurément. Et Xavier Coste lui rend là un vibrant hommage en se payant le culot de réaliser son grand rêve d’adolescent. Une réussite totale.

La BD idéale pour ma semaine consacrée aux classiques de la SF dans le cadre du rendez-vous « Les classiques c’est fantastique » que je partage avec Fanny. Pas étonnant de retrouver Alice et Natiora pour deux chroniques consacrées à l’adaptation de Fido Nesti.

Xavier Coste au milieu des livres: Egon Schiele / A comme Eiffel / L’Enfant et la Rivière

1984 de Xavier Coste d’après le roman de George Orwell
Éditions Sarbacane
35 € / 224 pages / 2021
BD de la semaine / 9e Art / Sur les étagères de David

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Ce mercredi…

La BD de la semaine est au milieu des livres!

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Chroniques des amoureux des bulles

Blandine      Gambadou        Mylène       Itzamna       Eimelle     

Nath       Hélène      Natiora      Amandine      Pati

Noukette            Bidib             Karine         Maël

Alice                              Stephie                           Caro

 

43 réflexions au sujet de « 1984 – George Orwell & Xavier Coste »

  1. À chaque fois, ta façon de dire les choses me rend admirative ! J’ai beaucoup aimé replonger dans l’atmosphère de 1984 par le biais de la BD mais je note ta version car le graphisme me plait énormément ! Celle de Nesti est beaucoup plus froide, j’ai été réceptive mais pas le coup de cœur.

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