BD de la semaine·Les classiques c'est fantastique·Neuvième art

La Ferme des animaux – George Orwell et Odyr

Il était une fois, un havre de paix.

Une ferme dans laquelle tous les animaux vivaient sereins, loin de la bêtise crasse et de l’autorité des hommes. Refusant un jour d’être réduits à des êtres serviles, ils ont obtenu – par l’insurrection – leur liberté et leur autonomie. Un principe absolu, irréfutable. La liberté avant toute chose. C’est d’ailleurs non sans une certaine fierté qu’ils affichent leur devise sur la porte de l’enclos: dans la ferme des animaux, tous égaux.

Face à cet idéal, une organisation qui force l’admiration. Grâce à cette vie en communauté, en bons camarades, chacun·e apporte sa pierre à l’édifice. Ainsi, les récoltes sont au beau fixe et cette autonome harmonie force l’admiration. Mais discrètement, dans les coulisses de la ferme, les cochons s’affairent. Ils étudient, nourrissent leurs esprits avides de connaissances et semblent s’octroyer quelques privilèges à l’abri des regards… Un premier grain de sable dans un mécanisme prêt à dérailler pour un projet utopique qui va vite perdre de sa superbe.

L’air était saturé d’une odeur de sang.

Après 1984 de Fido Nesti, les éditions Grasset s’attaquent à la célèbre fable animalière d’Orwell. La Ferme des animaux, nouvellement traduit, entre dans la lignée des récits anthropomorphes au ton acerbe qui se prêtent volontiers à la critique sociale. Entre ces pages, l’Histoire de l’humanité se raconte dans ce petit théâtre rural aux échos évidents avec un monde en perdition, à la dérive, en proie aux totalitarismes et à la déchéance.

Le trait d’Odyr très pictural, transforme les cases en une succession de petits tableaux. Un choix qui rompt un peu avec les codes et horizons graphiques de la bande dessinée. Cela n’est pas toujours très convaincant car cette approche fige à mon sens le dessin qui manque de mouvement et paraît un peu engoncé dans sa case. (Reproche que je faisais déjà à l’adaptation de Matin Eden d’Aude Samama.)

Il a néanmoins le mérite de se vouloir audacieux et de sortir des sentiers battus. La noirceur des pinceaux s’immisce ainsi progressivement dans les planches et les magnifiques scènes hivernales d’un blanc immaculé cèdent alors leur place à de sombres cases sanglantes qui en disent long sur les dérives sordides d’un système politique terrifiant.

Après quoi, on ne s’étonna plus de rien.

Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres.

L’animal et l’homme ici ne font qu’un. Et cette lecture rappelle tout le talent d’Orwell à dire son monde, celui dévoré par un second conflit mondial glaçant. Le parallèle est clair, le constat percutant. Et d’autant plus quand l’on sait que ce récit-là peut aisément avoir le goût de la mise en garde et de l’éternel recommencement

Prolongements et échos :

  • 1984 de Fido Nesti
  • 1984 de Xavier Coste
  • Ma récente lecture de Rhinocéros de Ionesco
  • Une semaine de classiques qui racontent l’Histoire sur nos blogs pour le RDV « Les classiques c’est fantastique » que j’organise avec Fanny.

La Ferme des animaux d‘Orwell – Adapté et illustré par Odyr
Éditions Grasset
 20€ / 172 pages / 2021
Bande dessinée / 9e Art / L’Histoire

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Les chroniques des amoureux des bulles se trouvent

Au milieu des livres

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Fanny                          Eimelle                       Gambadou                    Mylène   

Antigone                        Natiora                        Nath                          Cristie  

Maël                               Pati                         Blandine                         Caro

 

15 réflexions au sujet de « La Ferme des animaux – George Orwell et Odyr »

  1. Le roman m’a laissé une si forte empreinte que je crains d’être déçue par une adaptation graphique. Pourtant, malgré tes réticences sur le dessin, je suis plutôt sensible à la planche que tu présentes. Je ne me l’achèterai pas mais si je la trouve à la médiathèque, je tenterai.

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