BD de la semaine·L'Art du récit·Neuvième art·Pages historiques

Seules contre tous – Myriam Katin

Au commencement, les ténèbres recouvraient toute la surface de la terre.

Par la fenêtre étroite, on peut apercevoir un drapeau flottant qui masque progressivement le ciel bleu. Le rouge devient alors plus envahissant et laisse apparaître quelques touches de noir et de blanc, jusqu’à distinguer de l’infâme et glaçante croix gammée. En 1944, l’insouciance n’est plus et il ne fait pas bon vivre dans les rues de Budapest lorsque l’on porte le nom de Lévy. Traqué·es et soumis·es à des lois arbitraires et liberticides, les juif·ves sont persécuté·es avec une violence insidieuse et quotidienne qui conduit celles et ceux qui le peuvent encore à fuir et céder leur identité à l’oubli, le mensonge et les souvenirs brûlés pour seuls bagages.

Bon alors d’accord… Sais-tu mentir ?

Entre ces pages, nous suivons alors une mère et sa fille qui n’auront pas d’autre choix que de partir. Seules contre tous est le récit de cette errance et de toutes les angoisses qui la hantent: les trahisons, dénonciations et coups du sort qui ne les épargneront guère s’inviteront ainsi dans cette douloureuse échappée. Au milieu de ce  sombre tableau où règnent les ombres, surgissent toutefois des figures aimantes et des mains tendues, solidaires et salvatrices qui redorent par petites touches lumineuses le blason de l’humanité, tel un doigt d’honneur dressé insolemment face à ce pouvoir qui gouverne par la terreur.

Dans ce petit album au format carré Miriam Katin entremêle ses souvenirs flous de petite fille et son regard d’adulte pour nous offrir un témoignage historique et entrevoir un épisode douloureux de son histoire familiale. Au cœur de ces planches au graphisme dense, le trait peut paraître un peu âpre et rugueux tant le coup de crayon, lourd de son gris épais, envahit et griffe les cases comme pour mieux souligner l’urgence de la fuite.

Quelques planches colorées surgissent pour distinguer les différentes époques de ce récit qui repose sur un démantèlement narratif qui colle parfaitement à l’esprit de l’écriture mémorielle. Ce récit par bribes permet alors de dessiner les contours d’un portrait de femme courageuse, prête à tout pour sauver sa fille du danger de la mort qui rôde.  Ces pages sont aussi, en filigrane, le récit d’une attente aux multiples visages: celle de l’être aimé, du possible retour à la vie et, qui sait, à la légèreté.

Un titre choisi pour notre RDV thématique de mai : les bulles de guerre.

Miriam Katin au milieu des livres : Lâcher prise

Échos et prolongements :

Seules contre tous – Une mère et son enfant dans otages du terrible destin de la Hongrie – Miriam Katin
Éditions Futuropolis

20 € / 136 pages / 2014
9e Art / BD de la semaine / Bulles de guerre

∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇∇Et ce mercredi, les chroniques de la BD de la semaine sont au milieu des livres.
Quelques jours après les cérémonies du 8 mai, la thématique du mois porte sur les bulles de guerre
en lien avec la Seconde Guerre Mondiale.

Blandine                      Eimelle                 Nath                     Enna                    Fanny

Gambadou                                Hilde                           Caro                                Maël

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