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Des Souris et des Hommes – John Steinbeck & Rebecca Dautremer

Des Souris et des hommes est le premier roman de Steinbeck que j’ai lu. L’histoire de George et Lennie et de leur amitié sur les routes de la campagne américaine profonde. Un binôme à l’épreuve de la dureté du monde paysan et des petits emplois précaires qui vous donnent juste de quoi tenir en attendant des lendemains meilleurs, qui alimentent avec quelques dollars les rêves qui n’ont pas pour autant la folie des grandeurs. Celui de Lennie et George ? Une ferme tranquille, quelques bêtes – surtout des lapins – et un lopin de terre rien qu’à eux.

Ça me semble juste un peu drôle, un dingo comme lui et un dégourdi comme toi qui se baladent comme ça ensemble.

En attendant de voir leur projet prendre forme, il parviennent à travailler dans une petite ferme . Un lieu où se côtoient les hommes rustres et envieux, les hommes odieux et fragiles, les hommes injustes et orgueilleux. Seule la femme de Curley, fils du propriétaire a des allures de bouffée d’oxygène dans sa robe incandescente qui fait bouillonner le sang des corps fascinés par ses courbes généreuses. Mais dans ce monde de petits chefs infectes et puants, difficile de trouver sa place quand on s’appelle Lennie Small et que la protection de votre ami le plus précieux ne suffira pas toujours pour faire face à la bêtise humaine.

– Les types comme nous, qui travaillent dans les ranches, y a pas plus seul au monde. Ils ont pas de famille. Ils ont pas de chez-soi. Ils vont dans un ranch, ils y font un peu d’argent, et puis ils vont en ville et ils le dépensent tout… et pas plus tôt fini, les v’là à s’échiner dans un autre ranch. (…)
— Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que… parce que moi, j’ai toi pour t’occuper de moi, et toi, t’as moi pour m’occuper de toi, et c’est pour ça.

J’avais, depuis sa sortie, seulement pris le temps de feuilleter ce roman illustré qui m’est précieux avec des yeux déjà follement admiratifs du trait de Rebecca Dautremer. Le lire fut un véritablement enchantement. Tant pour les retrouvailles avec le texte qui fut le début d’une grande histoire d’amour littéraire avec l’auteur, tant pour le travail absolument virtuose de Rebecca Dautremer.

Sous ses pinceaux, c’est tout l’univers de Steinbeck qu’elle s’approprie avec une apparente aisance qui frôle l’insolence. Chaque page est un émerveillement et donne tout son sens à l’expression roman graphique. Illustrations à couper le souffle, séquences narratives qui rappellent la bande dessinée, mises en scène vertigineuses, choix de gros plans qui guident notre regard sur ces petits détails qui deviennent symboles,  ostentatoires publicités vintage made in USA purs produits du rêve américain. Absolument tout ce que j’aime est là, au point de revenir sans cesse sur les pages lues, au point de freiner chaque instant qui me mène à la page suivante, au point de rester saisie, foudroyée face à la puissance suggestive incroyable de ses pinceaux.

Il y a des choses qu’on est obligé de faire, des fois.

420 pages d’un voyage graphique qui allie deux talents fous : ceux des mots ciselés d’un auteur américain admirable et celle d’une artiste dentellière, orfèvre qui fait de cet univers un livre qui semble avoir tout saisi des nuances des paysages, des tourments et tortures des personnages, des tensions qui règnent au creux des lignes prêtes à générer les plus grands drames. Un chef d’œuvre riche de l’immense diversité de son trait hypnotique et fort de son interprétation graphique audacieuse qui rend encore plus fascinante l’histoire d’amitié de George et Lennie. Indispensable, un point c’est tout.

Mourir ne nous est pas aussi étrange qu’on le croit, nous mourons tous les jours dans les profondeurs sans rêves du sommeil.

Ma troisième chronique pour le thème Jamais sans mon Steinbeck ! et le rendez-vous Les classiques c’est fantastique ! de janvier coorganisé avec Fanny.

Les classiques c’est fantastique [Saison 3]

John Steinbeck au milieu des livres :

Des Souris et des Hommes – John Steinbeck & Rebecca Dautremer
Traduit par Maurice-Edgar Coindreau
Éditions Tishina
 37 € / 420 pages / 2020
Lire l’ailleurs / Littérature américaine. / Les classiques c’est fantastique [Saison 3]

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Et ce mercredi, les chroniques de la BD de la semaine sont au milieu des livres.

Rendez-vous mercredi prochain chez Noukette !

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Fanny             Eimelle          Brize         Gambadou

Pati                  Blandine             Mylène               Caro     

Hilde               Maël            Stephie            Noukette           Amandine

43 réflexions au sujet de « Des Souris et des Hommes – John Steinbeck & Rebecca Dautremer »

  1. Je n’ai encore jamais lu Steinbeck mais j’ai des livres dans ma PAL. J’ai repéré ce roman graphique car j’aime le travail de Rebecca Dautremer et les adaptations. Comme toi, j’aime bien retrouver ses « publicités » vintages et si typiques dans ses livres. Je m’offrirai celui-ci, c’est certain, mais je lirai d’abord le roman!

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  2. J’aime beaucoup les illustrations de Rebecca Dautremer, ça doit être une très belle BD. Je ne connais pas très bien l’œuvre de John Steinbeck, ça me plairait de découvrir cette adaptation. 🙂 Je note pour la médiathèque.

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  3. Ouah, 420 pages, je vois que tu es fan de Rebecca Dautremer… et de Steinbeck ! J’aime beaucoup aussi alors je note bien sûr mais j’espère que la bibliothèque l’a acheté car 37 € ce n’est pas donné (même si je comprends le prix par rapport au travail et au nombre de pages) 😉

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    1. Je ne pense pas. J’ai beau baigner dans les classiques avec mon métier, il y a des tas d’incontournables que je n’ai jamais lus. La littérature (classique) nous impose une certaine humilité en tant que lecteur·trices qui avons encore bien des titres à découvrir. Je te souhaite qu’il arrive entre tes mains.

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