Ce dont on te prive, c’est de vents, de pluies, de neiges, de soleils, de montagnes, de fleuves et de forêts : les vraies richesses de l’homme! Tout a été fait pour toi ; au fond de tes plus obscures veines, tu as été fait pour tout.
Comme elle est belle, simple et grandiose à la fois cette campagne oubliée que Giono rappelle à nous. A travers ce texte qui mélangerait la verve de l’essai et la force narrative du récit, Giono écrit toute la nostalgie d’une époque qui paraît révolue: celle d’une campagne qui se veut le berceau d’une terre nourricière, choyée par le noble travail de l’homme, celle d’un monde porteur de valeurs humanistes qui s’éteint, disparaît ou se voit dénaturé par la folie d’une modernité qui arrache tout sur son passage… Pour mieux renforcer son argumentaire, quoi de plus percutant que de commencer son récit par une errance parisienne où la foule, troupeau urbain anxiogène, semble désincarnée, vide de cette richesse qui construit et nourrit chaque être humain…
Cette foule n’est emportée par rien d’unanime. Elle est un conglomérat de mille soucis, de peines, de joies, de fatigues, de désirs extrêmement personnels. Ce n’est pas un corps organisé, c’est un entassement, il ne peut y avoir aucune amitié entre elle, collective, et moi.
Il y a dans le discours de Giono de profonds questionnements qui trouvent un vrai écho dans nos vies effrénées ou l’on tend à être réduits à de vulgaires consommateurs, noyés sous l’excès et le besoin intrinsèque de posséder, d’avoir. Il y a, dans le discours de Giono, l’exagération du passionné révolté, l’envie de réveiller l’Homme qui a peut-être, à ses yeux, oublié l’essentiel.
La vie devant eux est toute noire et quand je leur parle de joie, je m’aperçois que ces lèvres épaissies de jeunesse connaissent déjà le sourire du vieillard.
La style de l’auteur est à l’image du monde rural qu’il décrit. Son texte oscille entre grande simplicité du phrasé – énumératif et succinct à souhait – et une langue virtuose qui s’accorde des envolées lyriques un poil excessives… Ses mots font indéniablement réfléchir et m’ont souvent fait penser au livre de Pierre Rabhi – Vers la sobriété heureuse – qui s’inscrit incontestablement dans cette philosophie de vie. Quatre vingts ans après la publication de ce texte, ce paradis (perdu?) tant loué par la plume de Giono peut sembler vraiment très loin de nous. Bien que les Hommes prennent doucement conscience de la nécessité de changer leur mode de consommation et de vie, bien des prises de conscience doivent encore avoir lieu pour trouver un équilibre acceptable où l’on se sentirait à sa juste place, riche du chemin parcouru pour nous gorger de ces vraies richesses dont il loue les vertus au fil des pages.
Au fond, il s’agit surtout de faire entrer la vie dans ce qui est devenu machinal et mécanique.
Certaines passages se font ainsi le pamphlet d’un monde aveuglé par la vitesse, l’abondance, le gaspillage et le « consumérisme à tout prix ». Si le discours est parfois virulent et sans concession, il a le défaut d’être un peu trop manichéen dans sa façon d’envisager ces deux mondes présentés comme inconciliables, l’un incarnant les valeurs essentielles, l’autre étant allégrement diabolisé pour ce qu’il a détruit chez le premier… Le/la politique, l’argent, l’homme de la ville y sont profondément décriés et montrés du doigt comme des profanes qui auraient oublié ce que la vie dans sa plus grande beauté peut offrir à l’homme.
A la lecture de ce texte inspiré qui repose sur de profondes convictions exposées avec ferveur, il serait difficile de ne pas se laisser charmer, convaincre par certains aspects de cette vision nostalgique d’un passé glorifié, idéalisé. Il serait également difficile de ne pas admettre les ravages provoqués par le monde ultra libéral et profondément individualiste… Sans complaisance pour le milieu urbain, Giono ne jure toutefois que par ce retour à la terre qui semble être la source la plus évidente de joies intenses, de richesses sincères, immatérielles. Mais n’est-ce pas un peu facile, naïf ou réducteur de n’envisager cela que comme la seule voie possible d’accès au bonheur? Les Vraies richesses est un texte intense et puissant, qui a le mérite d’ouvrir le débat, d’inviter intelligemment à la réflexion… A méditer à la lumière de nos expériences et convictions…
On a dû te dire qu’il fallait réussir dans la vie, moi je te dis qu’il faut vivre, c’est la plus grande réussite du monde.
Les Vraies richesses – Jean Giono
160 pages / 7€50
ISBN: 978-2-246-12385-9
Un auteur que je n’ai honteusement toujours pas lu… Je note ce titre. Merci.
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Je t’avoue que je suis curieuse d’avoir ton avis tiens… Et de rien, naturellement. 😉
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Il va falloir que je me dépêche alors…
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Tu as tout ton temps. Je suis une fille très patiente… ^^
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je n’ai que peu de goût pour Giono, je sais ce n’est pas bien mais il m’agace lus q’il ne m’enchante.
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Je ne pense pas que ce soit bien ou mal à vrai dire… Je comprends parfaitement qu’il puisse agacer, mais je le trouve touchant quelque part. Même dans ses excès… Mais s’il t’irrite, ce livre n’est clairement pas celui qui te fera changer d’avis…
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Ton billet est… ❤
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Toi-même !
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❤ ❤ ❤ ❤
Giono mon élu, tout com' toi ma belle ❤
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#Oulala
J’apprends en te lisant que tu l’aimes d’amour. Je ne savais pas du tout tiens ! Ô ma Framboise pleine de mystères…
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tu sais quoi? ça fait trop trop longtemps que je n’ai pas lu Giono et tu me fais comprendre que ça ne va pas du tout, du tout!
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Ah ah ah ! Tu sais donc ce qu’il te reste à faire !
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J’ai toujours lu Giono avec plaisir, mais ça fait longtemps maintenant. J’en relirai volontiers un, même avec les exagérations.
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Je n’ai lu que celui-ci et Le Grand Troupeau. Une amie m’a vivement conseillée Regain… Je poursuivrai ma découverte sans aucun doute…
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Dire que je n’ai jamais lu Giono. Et dire que tu me donnes terriblement envie de le découvrir est une évidence.
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Je l’ai découvert sur le tard en lisant mon premier titre « Le Grand Troupeau » lors d’un voyage en Roumanie. Captivant ! Je te souhaite de t’y frotter
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Je ne suis pas certaine d’avoir beaucoup lu Giono (peut-être pendant mes études ?)… il faudrait, au vu de ce que tu dis de ta lecture, j’ai l’impression que ça me parlerait.
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Si un jour tu y viens… Dis-moi.
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Je n’ai jamais lu Jean Giono, je ne m’y suis jamais intéressée il faut dire… Le sujet de ce roman en particulier pourrait me plaire. Merci pour cette chronique détaillée 🙂
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Tu es convaincante.
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Coïncidence! Je viens de terminer Nos richesses de Kaouther Adimi, qui retrace l’histoire de l’éditeur Charlot, en Algérie, premier éditeur de Camus, entre autres, dans les années 40. Sa librairie s’appelait nos richesses en hommage au livre de Giono qui avait accepté ce « baptême ». Pour qui aime les livres, c’est une lecture hautement recommandable.
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Oups!la librairie s’appelait Les vraies richesses
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Bonjour. Quel talent ce Giono. Un des très grands écrivains français. Il n’y en a pas beaucoup des comme lui. Le Hussard sur le toit, Un roi sans divertissement, Les Ames fortes, Que ma joie demeure : je me souviens de ces chefs-d’oeuvre (surtout les deux premiers) comme si je les avait lus hier.
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Je n’ai lu que L’homme qui plantait des arbres. C’est un peu le même thème finalement.
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