Un univers empli de toutes les variations que prend la voix du vent: frémissante, gémissante, chantante ou hurlante à travers les pins sombres et les immenses mélèzes à la couleur de feu. La forêt, le vent et moi étions de tous leurs contes, poésies et chansons.
Là, au cœur de la montagne coule une rivière, témoin des années qui filent, reflétant les hommes et les femmes qui s’en approchent, la contournent, se laissent bercer par sa musique que chaque oreille ou humeur interprète. L’onde indomptée se fera donc narratrice, gardienne des mémoires et de l’histoire d’un territoire loin de la fureur du monde. Comme un écho, une femme venue s’isoler dans la région pour écrire prêtera également sa voix à un récit qui nous contera son histoire intime, ses questionnements profonds à l’aube d’un possible grand bouleversement pour elle. Progressivement, la ligne du temps se brisera pour voir se mêler deux histoires comme deux affluents viendraient se jeter dans une rivière pour faire corps avec elle.
Chaque histoire qui commence contient en elle les germes de sa trame narrative et de son dénouement. Suffit d’être attentive. Observer par avance où la faille va s’ouvrir. Guetter la vibration du tout puissant premier séisme, voir la terre sous mes mains se lézarder un peu. Observer les zébrures qu’elle dessine au sol. Tenter d’anticiper sa profondeur future. Car c’est précisément là où s’ouvrira la faille que naîtra la musique, que le récit vaudra la peine d’être conté. Parce qu’un amour heureux […] un amour qui serait absolument serein, n’est pas du matériau dont on fait les récits. Si bien que pour écrire, il faut souffrir un peu.
C’est ainsi que dialoguent les chapitres écrits par Wendy Delorme. Petit à petit, sa plume d’une poésie enveloppante nous livre la vie de deux jeunes femmes ayant vécu dans cette vallée à la frontière franco-italienne dans les années 20/30 et d’une femme qui nous est contemporaine. À chaque génération ses affronts, ses tourments, ses carcans, ses attentes et sa façon d’appréhender un monde qui contraint ou émancipe : ici, l’autrice tisse un récit qui nous murmure toute la beauté d’un monde qui se voit parfois ternie par ses facettes bien plus sombres.
Je n’ai attendu personne avec cette ferveur-là. Nos premiers baisers ont eu le goût d’une eau venant désaltérer un immense incendie.
Wendy Delorme signe ici un texte absolument envoûtant, ode incantatoire à la nature et à l’amour, au fil duquel sa langue se veut puissante et libératrice pour qui acceptera de tendre l’oreille et d’être à l’écoute de ce que la rivière veut nous chanter. (Et quelle belle idée que l’annexe-épilogue qui livre aussi le chemin parcouru pour donner vie à ce très beau roman.)
Je me souviens aussi très bien de mon intime et brutale conviction que nous allions nous aimer vraiment et longtemps.
BO des pages tournées : Magicienne – Clara Ysé
Échos et prolongements :
- Sous le vent – Maria Borrély (Conseillé par l’autrice dans son roman)
- Les heures abolies – Lou Darsan
- Mon Corps de ferme – Aurélie Olivier
- Le Mur invisible – Marlen Haushofer
Le Chant de la rivière – Wendy Delorme |
il faudrait que je découvre!
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Oh oui vraiment !
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j’ai toujours un peu de méfiance pour les écritures poétiques, parfois j’adore parfois ça me laisse froide et alors, le roman a bien du mal à me plaire .
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Un éditeur que j’ai découvert il y a peu. Je note ce titre qui t’a enchanté.
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