Tu lui donneras un nom, lui assigneras une place, son coin, son temps, une fonction, vous cohabiterez. Vous vivrez en plus ou moins bon voisinage, vous vous respecterez. A distance toujours, autant que possible, mais avec une certaine forme de politesse, voire d’estime, voire de tendresse parfois. Vous développerez une relative complicité. Après tout, vous êtes sur la même galère. Vous vous apprivoiserez. Parfois même vous vous serrerez les coudes. Parfois même vous vous épaulerez. Le temps avancera et vous avancerez ensemble avec lui. Parfois, elle disparaîtra quelque temps, parfois elle te manquera un peu, parfois elle te prendra par surprise, mais toujours son parfum et le tien dans l’air feront l’odeur de ton pays, de ta maison, et même de ta famille. C’est une bête qu’il faudra apprendre à connaître. Ta douleur.
Récits/poèmes de la nature et des hommes. Poèmes de la soif intarissable de la beauté des mots. Poèmes qui racontent les matins, les jours et les ombres toujours différents si l’on veut bien s’en donner la peine. Des mots bleus. Des lignes tracées comme des sillons, bercées dans le silence étourdissant de la lecture. Des herbes folles gorgées de la rosée fraîche des mots qui se heurtent à nos cœurs embrumés, qui réveillent les griffures et les souvenirs de coton. Des récits/poèmes qui mélangent l’aurore à de la boue et inondent de pluie les crépuscules incandescents. Il y a un audacieux mélange de tout cela dans les écrits de Thomas.
On porte, quelque part, à l’intérieur de soi, ce que la vie nous a pris. On porte cette absence. Le poids, l’empreinte, le relief, du mal que l’on nous fit. Il est là le bagage. Dans ce qui manque. Dans ce qui est fini. Toutes les bêtes de notre espèce portent le collier de perles noires. Un sac de pierres vides sur les lombaires.
Difficile de rendre compte d’une lecture comme celle-ci tant l’émotion qui la parcourt vous transcende et vous remue violemment les tripes ou vous laisse à côté de la page. En marge. Vous devinerez aisément que je suis de celles qui ont goûté à l’ivresse de cette poésie-là.
Thomas Vinau cultive comme de jeunes pousses précieuses l’art de l’écriture fragmentaire. Nourrissant ses écrits d’une poésie tantôt douce puis sauvage, il sème de jolies graines qui restent en nous et laissent insidieusement leurs petites racines faire leur place, trouver leur voie. Bleu de travail se relira, parce que les mots y sont d’une beauté furieuse, d’une force telle que l’on peine à trancher pour dire à la première lecture s’ils font plus de bien que de mal.
Sous une plume sublime et grinçante, il réveille l’anaphore, titille l’énumération, façonne le beau verbe, collectionne les instants. Il laisse ainsi surgir les êtres et les ombres qui sont un peu les miroirs de nos nostalgies, de nos combats, de nos espoirs tapis derrière la multitude de nos abandons. Il saisit, capte, capture. Il y a quelque chose de très photographique dans ces petites bribes, mais aussi ce petit supplément qui surpasse l’image figée, en refusant l’immobilité du clic, en distribuant une immense claque.
Il y a l’usure des mots. Des mots de tous les jours. Des mots de petit jour. Des mots dont on se sert, jusqu’à la corde. Jusqu’à la patine du sens. La rondeur de l’usure. La trace sur le manche. C’est matière première, brute, de l’échange. De la guerre. De la consolation. Qui disent la blessure. Qui disent l’évidence. Qui disent l’essentiel. Simplement le poème ou le texte les remet au centre. Leur redonne une place. Un peu d’espace. De largeur. Un peu d’air et de silence dans le vacarme aseptisé de la course. Ce sont des mots de soif comme on parle d’un vin de soif. Un vin de tous les jours. Un vin de table. Des mots de tous les jours. Des poèmes de tous les jours. Des poèmes de table. Des poèmes de soif.
Les billets d’Aifelle, Leil, Mon Petit Carré Jaune.
Le site de Thomas Vinau.
Bleu de travail – Thomas Vinau
83 pages / 13€
ISBN: 978-235707066-0

De la poésie, un temps bleu, des mots qui habitent une douleur…À travers ton billet, toute cette lecture m’apparaît sublime…
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Que dire de plus après ça…
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Que lire après ça surtout…
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🙂
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Inutile de te dire que je suis entièrement d’accord avec ton billet 🙂
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C’est bien que des écritures aussi atypiques puissent aussi trouver leur place… Il m’avait bien plu ce petit livre bleu.
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Il parvient à casser l’aspect parfois hermétique de la poésie tout en conservant sa part de mystère. Et le résultat a une grâce folle.
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J’adore cet auteur et particulièrement ce petit recueil de lui !
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Je suis conquise et surprise par cette plume qui me parle terriblement.
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Tu as vu, ce matin sur son site, il met la première page de son futur roman 🙂
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J’ai vu ça hier via la grand mur bleu. Et je trépigne d’impatience tu t’en doutes. ^^
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Une vraie plume poétique, on dirait. Je suis preneuse.
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Ah oui, complètement. Un délice.
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Un auteur qui est dans ma pal avec « Mes cheveux blanchiront… ». Tu me donnes furieusement envie de le découvrir !
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Bizarrement, Nos cheveux blanchiront avec nos yeux m’avait laissée de marbre… Celui ci peut-être, j’aimerais bien en tous cas…
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J’aime beaucoup Thomas Vinau et pour l’instant j’ai aimé tout ce que j’ai lu de lui.
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J’aime beaucoup Thomas Vinau. J’ai lu Ici ça va, La part des nuages et Juste après la pluie. Ses mots me touchent, il parle du quotidien, des petites choses de la vie avec poésie, grâce et mélancolie.
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Très belle chronique qui donne incroyablement envie de découvrir cet auteur.
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C’est le but ! Il gagne vraiment à ce que sa prose poétique se partage encore et encore.
Merci la Rousse !
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Sandrion m’avait déjà donné envie de découvrir Thomas Vinau. Ton billet magnifique en rajoute une couche! Cette poésie moderne me parle. J’aime beaucoup quand tu dis « que l’on peine à trancher pour dire à la première lecture si ses mots font plus de bien que de mal. »
Je crois que tu écris aussi bien que lui!!!
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Mon égo va s’enorgueillir le temps de ma réponse de ton commentaire qui me touche énormément bien que je sois à des kilomètres d’avoir son talent. En tout cas, je te souhaite une belle découverte, en espérant que retrouveras la petite musique poétique que nous avons l’air d’aimer trouver dans les textes contemporains. Merci Louise.
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Ce livre a l’air magnifique…! Je suis quasiment sûre d’aimer.
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Je te souhaite de l’aimer autant que moi. Ce livre est sublime.
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Je l’aime d’amour T. Vinau (mais chut il ne le sait pas !^^) ! J’ai aimé celui-ci et je lui ai même trouvé une couleur plus sombre effectivement que dans ses précédents, la maturité peut-être… Ton billet est superbe et lui rend un bel hommage ! Je vais le faire voyager jusqu’à Louise et Sandrion (cette dernière étant déjà convaincue) parce qu’il le vaut bien ! 😉
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Quel délice de lire ton billet et de replonger dans la prose de Vinau. Un orfèvre des mots.
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