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Mon chagrin éléphant – Cécile Roumiguière et Madalena Matoso

Parce qu’on a tous quelques éléphants fichés au cœur. ♥

(Merci Cécile pour ces mots si justement choisis

avant d’être glissés dans l’enveloppe.)

Son chagrin a un surnom qui sonnait doux il y a encore peu de temps. Son chagrin s’appelle Mamiette. Et désormais, ses mercredis n’auront plus jamais la même saveur. Là, sur la banquette arrière de la voiture de ses parents, apparaît un pachyderme aussi grand que la peine et que le vide laissés par celle qu’il ne verra plus jamais. Là, sur la banquette arrière, il n’est plus vraiment seul puisque sa douleur a les rondeurs d’un animal trop encombrant. Et comme tout être qui va devoir vivre avec sa tristesse, cette petite bouille brune va apprendre à apprivoiser l’impossible. C’est sûrement cela grandir.

Depuis, mon chagrin éléphant est là, tout le temps, avec moi. Je me suis habitué à lui.

Voilà un tout petit album doux-amer qui traite avec beaucoup de subtilité la question du deuil à travers le regard et l’imaginaire d’un petit garçon qui ne trouve pas vraiment sa place dans ce monde de grands qui souffrent et s’accommodent maladroitement d’un chagrin silencieux, contenu, pudique. Si la tristesse enfantine s’exprime de mille manières, elle peut paraître maladroite quand elle se doit de cohabiter avec celle des adultes. Alors quoi de mieux que cet ami imaginaire qu’on ne voit qu’avec sa souffrance de tout petit ? Quoi de mieux qu’un imposant camarade qui dit tout le poids de ce mal universel ?

Parfois, mon chagrin éléphant enfle, il remplit toute la pièce autour de moi. Parfois, il se fait plus petit. Est-ce qu’il disparaîtra un jour comme il est venu?

Pour ce nouveau projet, Cécile Roumiguière s’associe à l’illustratrice Madalena Matoso. Nous nous éloignons des univers graphiques plus travaillés et extrêmement riches de Delphine Jacquot (dans Le fil de soie), Aurélia Fronty (La belle et la Bête) Justine Brax (Rouge Bala) ou Carole Chaix (Sur un toit un chat & Une Princesse au palais.) pour un trait plus simpliste et enfantin qui rappelle les gommettes aux couleurs vives de nos jeux d’enfants. Ce travail sur les couleurs éclatantes et saturées apporte ce qu’il faut de luminosité et de pétillance à un sujet douloureux et pas des plus simples à traiter à destination des plus petits.

Pour nous, ces éléphants encombrants ont les visages et les prénoms des absents. Une Marguerite aux cheveux gris qui tire un jour sa révérence, un prénom de garçon qui emporte un peu trop violemment une partie de votre cœur avec lui, un ami très cher qui disparaît sans autre forme de procès, un visage aimé dont les contours s’estompent à mesure que le temps passe… Derrière cet animal imposant sommeillent bien des absents qu’on n’oublie jamais vraiment mais qui nous quittent en silence ou dans de grands éclats de larmes sans promesse de retour. Ainsi, ce bel album nous murmure combien ces chagrins se domptent avec la patience, la présence des autres, et des mots comme ceux de Cécile Roumiguière qui ont définitivement cette force-là: parler aux plus jeunes tout en finesse et dire tellement aux plus grands, avec une infinie délicatesse.

Le site de Cécile.

Mon chagrin éléphant
Cécile Roumiguière et Madalena Matoso
Thierry Magnier
32 pages / 13,90
ISBN 978-2-36474-728-9

Août 2015

16 réflexions au sujet de « Mon chagrin éléphant – Cécile Roumiguière et Madalena Matoso »

    1. C’est difficile au départ. Parce qu’en plus, j’ai toujours lu des albums coécrits avec de très jolis pinceaux particulièrement minutieux. (N’est pas Delphine Jacquot qui veut…) Mais très honnêtement, tu seras évidemment sensible (si tu dépasses cette première réticence) à ces mots si bien choisis… C’est Cécile quoi…

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