Neuvième art·Que jeunesse se fasse...

Mots rumeurs, mots cutter. S. Rubini – C.Bousquet

Cela commence sur le coin d’une feuille arrachée, premières traces des émois de la jeunesse sur fond de petits carreaux. Quelques jours passent et ce sont alors deux cœurs qui battent pour un même garçon. L’amitié est fragile et les mots griffonnés dans la plus grande complicité changent subitement de ton. Mattéo, bourreau des cœurs remporte sans trop d’efforts celui de Léa qui palpite un peu trop fort pour lui. Comme un fil directeur secret, les petits papiers s’échangent, témoins froissés des badinages amoureux.

« A trois, c’est toujours deux contre une, une en trop, trop de larmes et de drames. J’ai préféré rester seule, avoir plusieurs copines et pas de meilleure amie« 

Et puis, il suffira d’une soirée, et de ce jeu qui invite à oser, à laisser le sérieux de côté, à dévoiler les secrets, à faire tomber les masques.

Action-Vérité. Action-Vérité. Action-Vérité.

On joue, on rit, on allume des cigarettes et on boit des breuvages colorés qui pétillent et grisent les esprits juste ce qu’il faut pour goûter à la frivolité des soirées entre amis. La transgression s’apprivoise sans méfiance.

Action-Vérité. Action-Vérité. Action-Vérité.

Action. Celle de trop, celle qui dégénère, celle qui fait que tout bascule.

Il en faut peu pour mettre le feu aux poudres. Une petite étincelle, un petit rien qui fait de l’anecdote anodine un brouhaha nauséabond, et une logorrhée pernicieuse intarissable. Léa a à peine quatorze ans. Sombre héroïne de l’amer, loin la douceur sucrée de la fraise Tagada qui colore les lèvres d’un rouge mutin, la voilà qui va connaître les heures douloureuses de l’adolescence

Spirale infernale et cruauté cinglante: les collégiens sont friands de scandales et s’engouffrent dans la moindre faille que leur naïveté laissera éclater au grand jour. Devenir la bête de foire, le souffre-douleur : Mots rumeurs, mots cutter et autant de mots qui lacèrent l’esprit aussi violemment qu’une entaille faite sur le corps.

Le duo Charlotte Bousquet et Stéphanie Rubini a su faire sensation lors de la publication de Rouge Tagada. Jouissant d’un joli succès, voilà qu’elles confirment leur talent en signant ici une nouvelle BD sur un thème très fort et cruellement d’actualité: le harcèlement en milieu scolaire. Mal insidieux et perfide, ce phénomène est décrit dans ses rouages les plus complexes et le point de vue adopté montre que nul n’est à l’abri d’être un jour celui qui nourrit les bruits de couloir, celui qui juge et condamne, celui qui pique à vif la fragilité de l’autre.

Ce fut un vrai plaisir de retrouver les dessins de Stéphanie Rubini qui ont tout pour plaire au public adolescent (et aux plus grands également). Le trait s’affirme, les personnages sont le joli reflet de nos collégiens et les couleurs nourrissent un univers graphique pétillant et plaisant à découvrir au fil des pages, malgré la dureté du thème abordé.

Inutile évidemment, d’insister sur l’importance de BD comme celle-ci. Qu’elle passe de mains en mains, inlassablement, qu’elle vienne trouver sa place sur les étagères des CDI, dans les bureaux des CPE, dans les salles de classe, dans les chambres des collégiens. Si la lecture peut délier les langues, éveiller les consciences, mettre en garde et « bousculer » les adolescents, à nous de savoir provoquer leur rencontre avec cet album édifiant. Une belle réussite.

Les chroniques de Yaneck, Hervé, Noukette, Sandrine, Stephie et Leil’, Lael, Bouma, JérômeLiyah et Thalie.

Le blog de Charlotte Bousquet. Celui de Stéphanie Rubini.

Mots rumeurs, mots cutter

 C.Bousquet & S.Rubini

Gulf Stream Editeur

15  euros

ISBN: 978 2 35448 2365

TOP BD Yaneck  17/20
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