Layla, Léa, Soan, Chloé. Autant de noms et de visages qui ont accompagné notre lecture depuis quelques tomes. L’heure de clore ce cycle collégien a sonné et voilà que la jeune et discrète Marie entre en scène. Ses cheveux longs et épais cachent un peu trop son visage qui rosit dès qu’elle ouvre la bouche et qui rougit quand Soan, le charmant brun ténébreux, lui adresse la parole. Elle ne voit que lui. Il mettra un peu de temps pour comprendre qu’elle existe.
Marie vit dans une famille recomposée et fait de sa chambre une bulle. Sur ses murs, un poster de Nos étoiles contraires et du sublime Là-Haut. Sur ses étagères, de gros bocaux colorés qui disent combien le plaisir de la création anime la demoiselle. Sur son bureau, un journal intime à l’intérieur duquel elle livre inlassablement les tourments et questionnements de son âge. Parfois, son petit frère surgit dans ce cocon et vient briser cet équilibre précaire où la solitude a fait son nid. Cris, esclandres. L’insupportable âge ingrat dans toute sa splendeur qui vient titiller la fragilité adolescente.
La véritable faille de Marie prend racine et s’installe à chaque fois qu’elle croise son miroir. Elle qui se sent invisible aux yeux du monde (à savoir le collège et sa famille) ne cesse de scruter ce reflet qui l’étouffe et qu’elle vomit. Trop ronde, pas assez jolie, trop insignifiante, pas assez pétillante. Les extrêmes et l’excessivité ont la part belle à cet âge. (Et pas que… ) Alors que d’autres s’accommodent allégrement de cette période où les amitiés, l’âge des flirts, des sorties comptent plus que tout, Marie peine à garder le sourire et broie du noir, agitée par un mal plus profond. Elle n’a rien pour elle, et son regard s’éteint vite. Marie ne voit qu’elle quand les autres ne la voient pas, et cette situation devient insupportable. Lentement et insidieusement, la demoiselle s’efface, fait le vide autour d’elle puisque personne ne la remarque et ne la regarde comme elle voudrait être regardée.
Non, c’est pas Marion, c’est Marie. Pourquoi je l’ai pas dit ? Pourquoi je l’ai pas crié? J’ai eu envie pourtant. Mais j’ai pas osé. J’ai eu trop peur de me mettre à pleurer.
Pourtant, lorsqu’elle s’amourache de Soan, c’est une autre Marie qui renaît au fil des cases. Il sait voir en elle ce que les autres ignorent et lui apporte doucement une présence qu’elle ne connaissait pas encore. Il l’ouvre aux autres et la vie au collège prend une autre dimension pour Marie, loin des tensions familiales qui surgissent souvent autour de la table. Cela sera-t-il suffisant pour redonner à cette demoiselle toute la légitimité qu’elle appelle de ses vœux?
J’ai chassé cette voix familière à coup de comètes et de rêves éveillés. J’ai eu tort, j’aurais mieux fait de l’écouter.
Rouge Tagada a marqué le début d’une série qui avait décidé de s’attaquer au monde complexe et tourmenté de l’adolescence. Dans une grande liberté de ton, Charlotte Bousquet a proposé des histoires fortes, d’un réalisme percutant et toujours d’une grande finesse. Les thèmes propres à cet âge renvoient évidemment à la question du rapport amoureux, de la place accordée à l’amitié, du regard porté sur le corps, de la vie au collège et du lien familial fragilisé… Autant de sujets pas toujours évidents à traiter mais qu’il est important d’évoquer et qui invitent à échanger, débattre, dialoguer…
Le problème, c’est que je ne sais pas comment arrêter. Ni si j’en ai envie.
Après un troisième tome qui avait un peu divisé les lecteurs fidèles, cette tétralogie s’achève et Invisible pose le point final d’une « série graphique » qui a su emporter l’adhésion de ses lecteurs. Le plaisir de retrouver ces personnages sous le trait désormais familier de Stéphanie Rubini est toujours au rendez-vous et l’on referme avec émotion ce dernier opus qui n’hésite pas à évoquer un sujet délicat et grave. Tout comme les deux auteurs avaient réussi avec brio à traiter la question du harcèlement scolaire, voilà qu’elles signent un album plus sombre et qui appelle à la vigilance: les douleurs adolescentes, aussi minimes soient-elles aux yeux d’un adulte, peuvent vite prendre des proportions démesurées si elles ne trouvent pas d’oreilles attentives ou de regards suffisamment prompts à cerner l’invisible…

Des conversations de métro et de gare m’avaient laissé entendre qu’un cycle lycéen était en préparation. Si cela est toujours d’actualité, inutile de préciser que je serai évidemment au rendez-vous.
Le blog de Charlotte Bousquet.
Le book de Stéphanie Rubini.
Invisible
Charlotte Bousquet & Stéphanie Rubini
72 pages / 15€
ISBN: 978-2-35488-246-4
Mes chroniques du cycle collégien:


Chez Un Amour de BD
Bien évidemment, je vais découvrir avec plaisir ce dernier tome.
J’ai rencontré Charlotte Bousquet au Mans il y a peu et j’ai raté Stéphanie Rubini à Saint Malo.
Mais, j’aime cette série.
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L’année où j’ai fait ta connaissance à Saint-Malo j’avais eu la chance de rencontrer Stéphanie que j’ai revue également à Montreuil. Et en janvier Charlotte Bousquet viendra dans mon collège. Bonne lecture !
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Je n’ai toujours pas lu « Rouge Tagada », pourtant il est sur ma LAL depuis un moment…
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Oh. Alors zou, file le faire !
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Un quatrième tome que mes élèves trépignent de découvrir… mais que je lirai avant eux ! 😉
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Même euphorie chez nous. Et je vais les narguer un peu à la rentrée. ^^
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J’avais retenu les tomes 2 et 3 mais je ne savais pas qu’ils faisaient partie d’une série! J’ai bien envie de la découvrir et j’en ferai bien profiter ma nièce qui est la cible visée je pense.
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Cette série de 4 tomes fonctionne à merveille avec les ados ! Mes trolls se l’arrachent de la 5e à la 3e !
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C’est un peu tout moi ça, en ce moment…. invisible !
Bon, je n’ai toujours pas lu Rouge Tagada alors je sais ce qu’il me reste à faire !!
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On se comprend… La rentrée m’a un peu éloignée des blogs et des chroniques… Mais le bon rythme se retrouve doucement.
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C’est génial j’en ai encore trois à découvrir. Bon je n’ai pas commencé dans l’ordre puisque le seul que j’ai lu c’est mots rumeurs mots cutter que j’ai adoré.
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Il est arrivé à la maison ce matin. Hâte de boucler la boucle avec ce dernier tome.
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Comme tu le dis, il me tardait de découvrir la fin.
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J’ai été un peu déçu par la non fin. Je voudrais en savoir plus sur l’avenir de Marion, si elle va en avoir, comment elle va se reconstruire… Je me sens un peu frustré.
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Arf, ça craint cette frustration !
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Tu t’attaches au personnage et tu les laisses à la fin. C’est dommage.
Tu n’as pas trouvé?
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