L'Art du Roman·Les classiques c'est fantastique·Lire l'ailleurs.

Crime et châtiment – Fiodor Dostoïevski

Les petites choses ont leur importance ; c’est toujours par elles qu’on se perd.

Était-ce la folie? Y avait-il quelque chose à prouver, quelque pulsion à assouvir? Quand la hache s’écrase violemment sur le visage sillonné de rides de la vieille usurière, Raskolnikov semble presque impassible. Son butin criminel tiendra dans une poche, fruit d’une main fugacement voleuse pleine de bracelets et de chaînettes qui ne rapporteront rien. Le vrai gain est bien plus perfide que cela, et le revers de la médaille a le goût de la culpabilité qu’on étouffe pour mieux la voir resurgir sous sa forme la plus spectaculaire, sorte de déraison délirante qui s’emparera du personnage.

Il est certaines rencontres, même de gens absolument inconnus de nous, qui du premier coup d’œil éveillent notre intérêt, comme cela subitement, avant même qu’un mot ait été prononcé.

Le monumental roman de Dostoïevski est un texte truffé de références bibliques qui rendent d’autant plus puissante la dimension morale d’une telle histoire. Nous y retrouvons aussi les prémices des récits policiers dans lesquels le lecteur connaît le meurtrier mais se délecte de sa manière d’affronter ou de fuir celui qui verra en Raskolnikov un suspect dont la culpabilité reste à prouver face aux rebondissements de l’enquête. Enfin, si l’aura ténébreuse de la tragédie plane sur l’œuvre, Crime et châtiment est aussi et surtout un grand roman d’amour et d’attentes impatientes. Le héros se révèle à la fois objet de désir ou de jalousie, sujet des plus grands tourments tiraillant les femmes qui traversent la vie de ce personnage insaisissable, qu’il soit un frère, un fils, ou un potentiel amant.

Crois-tu donc, marchand, que ta demi-bouteille m’a procuré du plaisir? C’est la douleur, la douleur que je cherchais au fond de ce flacon, la douleur et les larmes; je les y ai trouvées et savourées.

Inévitablement, nous ne sommes pas à l’abri de passages digressifs un poil longuets et bavards, assurément inévitables quand on lit (ou l’on écrit) un texte de cette envergure. La narration de Dostoïevski se voit régulièrement entrecoupée de petits portraits incisifs qui ponctuent le récit, reflets cyniques et peu flatteurs d’une société russe le mensonge masque sans vergogne la moindre des faiblesses. On y boit beaucoup, l’alcool coule à flot dans les verres et dans le sang, et l’on y oublie la misère quotidienne. À l’instar des fresques familiales de la littérature française, les manipulations sont de mise, et les travers des Hommes sont enrobés de ridicule quand leurs manigances éclatent au grand jour.

Les classiques c’est fantastique !

Juillet 2020, j’ai enfin lu cet immense classique et suis ravie de passer ce cap de notre RDV « Les classiques c’est fantastique » avec ma chère Fanny. Natiora, Alice et Paolina sont aussi de la partie et je vous invite à aller découvrir ces chroniques russes estivales.

Crime et châtiment de Fiodor Dostoïevski (Volume 1)
traduit du russe par André Markowicz.
Actes Sud, dans la collection Babel
10,70€ / 478 pages /janvier 2002
(pour la présente édition)
Les classiques c’est fantastique / Lire l’ailleurs.
Crime et châtiment de Fiodor Dostoïevski (Volume 2)
traduit du russe par André Markowicz.
Actes Sud, dans la collection Babel
10,70€ /484 pages / Mai 2002
(pour la présente édition)
Les classiques c’est fantastique / Lire l’ailleurs.

31 réflexions au sujet de « Crime et châtiment – Fiodor Dostoïevski »

  1. Je me suis vraiment tâtée pour me lancer mais je crois que ce n’était vraiment pas le moment pour moi. En tout cas, ce que tu en dis continue de me convaincre qu’un jour, c’est certain, il sera entre mes mains 🙂 Encore merci pour cet élan classique motivant. Passe un bel été.

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    1. J’avais eu envie de le lire pendant le confinement mais ne l’avais pas. Je n’avais pas non plus envie d’acheter trop de classiques pour ce challenge (l’idée était tout de même d’alléger ma PAL.) J’ai donc craqué pour ce pavé-là en hésitant longtemps avec L’Idiot ou Les Frères Karamazov… Bel été à toi également Alice et merci d’être à chaque fois au rendez-vous ! C’est un plaisir de te lire !

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  2. Je me souviens parfaitement des tourments de Raskolnikov. Dostoïevski est très doué pour percer l’âme humaine. Mais oui, il est aussi très bavard 😆 certains passages pourraient en démotiver plus d’un. Heureusement que grâce à Pennac, je m’autorise à sauter des pages 😉

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    1. J’ai parfois ronchonné un peu en me disant, « bon Dosto, tu ne voudrais pas me ménager un peu? »
      Mais en fin de compte, je suis plutôt ravie d’avoir honoré ce RDV avec un tel titre ! (Et je te rejoins pour le joker Pennac si nécessaire !)

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    1. Je suis totalement d’accord avec toi. Cette grande fierté d’avoir passé du temps avec ce genre de livre monument… Il y a presque quelque chose de « douloureux et libérateur » de tourner les dernières pages d’une œuvre comme celle-ci…

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    1. J’avoue que cette tendance à s’étendre longuement pourrait en rebuter plus d’un… Mais quand on arrive au bout d’une telle lecture, cela fait un bien fou ! Et en y pensant, chez Zola que j’aime tant, il y a aussi parfois ce petit côté là…

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  3. C’est un roman que j’ai lu deux fois. La première, lorsque j’étais dans ma période « auteurs russes », j’avais 17 ans. Et puis je l’ai relu il y a environ dix ans, et j’ai apprécié tout en trouvant des longueurs, j’y ai retrouvé des images, je m’en souvenais assez bien finalement. Je ne crois pas que je le lirai une troisième fois mais pourquoi pas relire un jour Les frères Karamazov…

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    1. Je crois que ces longueurs sont inévitables à mon sens. Je ne pense pas atteindre une troisième lecture mais rien qu’une relecture me paraît hautement louable. (J’aime bien l’idée d’une période russe à 17 ans… C’est beau.)

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  4. Et maintenant mon écrivain préféré… Ce n’est pas mon livre préféré de Dosto, mais j’aime beaucoup. Je préfère L’idiot (sans doute car le titre me fait penser à moi, snif snif 🙂 ) ou bien l’adolescent…

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