BD de la semaine·Neuvième art

Jeannot – Loïc Clément & Carole Maurel

Ma vie, c’est simple: elle est divisée en deux parties distinctes. La première correspond aux années parfaites, avec les grands tracas… et les petits bobos. L’amour, remède permanent… Le temps de tous nos cris silencieux… Nos espoirs complices… Les battements de cœur à l’unisson. Et puis à 40 ans, j’ai vécu un drame qui a tout changé.

Des cases comme des clichés d’un passé infiniment doux et tendre qu’il aurait voulu éternel. Ici, ça respire la joie et le bonheur. Ici, ça grandit dans le beau et l’amour irradie les visages. Jeannot n’a pas encore les cheveux gris et encore moins goûté à l’amertume des départs impromptus qui vous collent un uppercut à vous clouer au sol sans vergogne. Finis les beaux jours complices, au diable les jours heureux.

La solitude sera désormais son unique compagne. Mais c’est sans compter sur les fleurs et les arbres qui lui murmurent à l’oreille des noms d’oiseaux quand il s’approche d’eux pour faire son travail de jardinier. Son départ à la retraite n’y change rien et le monde végétal devient insupportable tant ses petites voix ne le quittent plus.

D’ailleurs, je me fiche d’à peu près tout. Et le temps n’a rien changé à l’affaire.

Josette aime s’asseoir sur le petit banc dans le parc où travaillait Jeannot. Elle observe presque amusée ce râleur dans l’âme qui bougonne contre les arbres. La solitude ça la connaît. Elle va d’ailleurs vite se heurter à la mauvaise humeur de Jeannot avant qu’ils ne prennent tous les deux l’habitude presque agréable de se croiser et de bavarder.

Jeannot, c’est l’histoire de deux solitudes pleines de douleurs étouffées qui se croisent, s’apprivoisent, apprennent à accorder une place aux silences de l’autre. Si le récit donne à son héros des mots colériques et des emportements soudains, ils ne sont là qu’une parade de pantin pour masquer une parole qui s’est éteinte avec la joie. Héros méticuleux et maniaque, le personnage de Jeannot va devoir lâcher prise face à une Josette lumineuse, prête à faire voler en éclat l’esprit cadenassé et le coeur verrouillé d’un homme rempli de souvenirs brisés.

À force de confidences et de silences partagés, nous devînmes une « relation ».

Comme le surtitre Conte des coeurs perdus sied à merveille à ces héros cabossés. Le scénario de Loïc Clément, s’empare d’une histoire d’amour tardive qui ne se refuse pas un soupçon de fantaisie et qui apportera à ses personnages ce qu’ils n’attendaient plus. Si la tristesse a conditionné les existences fragiles des héros, libre à eux de saisir cette autre vie que la leur.

Le dessin de Carole Maurel est une réussite. Après ma lecture enchantée de ses albums L’Apocalypse selon Magda, Écumes et En attendant Bojangles, j’ai aimé retrouvé son trait identifiable au premier coup d’oeil. Il donne au récit de Loïc Clément toute la douceur qu’il mérite. Au fil des planches résolument végétales, le travail de la couleur, tout en nuances et en lumière, vient habilement souligner la chaleur d’un passé qui n’est plus laissant progressivement une place à des tons plus frais et légers. Ce pas fait vers la légèreté se lit aussi sur les visages des héros qui apprennent à se délester de leurs fantômes, sans pour autant les céder définitivement à l’oubli.

BO des pages tournées : Prendre ta douleur – Camille

Jeannot
Scénario de Loïc Clément, dessins de Carole Maurel
Éditions Delcourt Jeunesse, dans la collection Les Contes des cœurs perdus
10,95 € / pages / Juin 2020
La BD de la semaine

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Ce mercredi…

La BD de la semaine est au milieu des livres!

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Chroniques des amoureux des bulles

 

Bidib          Eimelle        Karine

 

Pati             Stephie          Nath

 

Blandine         Gambadou          Alice          Mylène

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