Et mon coeur fait boum·Neuvième art

L’Apocalypse selon Magda – Chloé Vollmer-Lo & Carole Maurel

Elle a treize ans. La vie devant elle. Jusqu’à l’annonce sous le préau.

Elle a treize ans. Et il lui reste un an à vivre. C’est ce qu’il a dit sous le préau.

La nouvelle est tombée ce matin… Je vais prononcer ces mots et il y aura un avant, et un après. Inconditionnellement.

Il est de ces révélations qui changent le cours d’une vie. Quand les gens apprennent que la fin du monde arrivera dans un an jour pour jour, c’est la stupéfaction. Chacun vit alors les choses différemment. Certains fuient vers un ailleurs tout aussi incertain, d’autres font le choix de savourer chaque instant, les uns poursuivent leur vie, bercés par cette petite routine rassurante, les autres s’offrent une dernière année fidèle à leurs rêves d’absolu.

Ce que la vie ne pouvait désormais plus nous offrir…

… Nous allions lui arracher de force.

C’est un homme qui abandonne sa famille pour le souffle étourdissant d’une folle passion. C’est un professeur qui continue de faire cours malgré la classe qui se vide. C’est une gamine qui se sent pousser des ailes et qui semble bien décidée à vivre vite et fort, grand et beau, et plus encore parce que, cette fois, le temps presse. Comme les barrières tombent vite quand l’idée d’un avenir possible s’efface.

Éprise de liberté, bien décidée à accepter avec une maturité rare ce destin qui s’offre à elle, Magda va vivre intensément l’année qui s’annonce. Ironie du sort, l’apocalypse aura lieu le jour de son anniversaire et elle ne fêtera jamais son quatorzième printemps. Pour elle, un seul mot d’ordre : profiter furieusement de la vie puisque le temps est compté. Ses expériences d’adolescente seront sans retenue, s’offrant le goût de la précocité et la saveur de l’interdit.

J’exigeais la vie comme un dû que personne ne pouvait remettre en question.

Magda s’enivre donc des plaisirs grisants de la transgression, jouit pleinement des jours qui défilent, s’émancipe de l’autorité d’une mère dévastée par les événements. Qui l’aime la suivra. Elle assiste, consciente des conséquences de ses choix, à l’effondrement du monde qui est le sien. Elle ne prend même pas la peine de décompter les jours qui conduisent le monde à sa fin. Elle prend la vie à pleine bouche et fait le choix du plaisir dans cette course folle. Pourquoi se morfondre quand on peut vivre intensément? Pourquoi mettre un frein à son quotidien si l’on n’a absolument plus rien à perdre ?

Quand Soizic me recommande un titre de toute urgence, je ne traîne pas. Et grand bien m’en fasse. Cette BD arrive comme une très bonne surprise dans ces lectures de début d’année. L’Apocalypse selon Magda est un album au rythme intense et haletant qui laisse défiler les saisons au fil des cases sous un trait résolument moderne et vif. Ciel insouciant de printemps, vent chaud d’été qui souffle dans les cheveux, crépuscule rosé qui marque la fin d’une journée de plus qu’on laisse derrière soi, dernières neiges hivernales. Impossible de ne pas se laisser prendre au jeu du « et si cela nous arrivait vraiment? ». Chaque case s’engouffre ainsi dans le goulot étroit d’un sablier imaginaire et nous conduit vers l’inéluctable.

La réussite de cette histoire peut amplement être imputée à son héroïne qui a diablement du chien. Bien que très  jeune, elle porte déjà en elle une force de caractère qui impose le respect. Face au chaos annoncé, elle refuse toute concession et s’affirme, fière de ses choix. Forte de son aura lumineuse, elle irradie les planches de son charisme fou et le lecteur, comme elle, avec elle, oublie qu’un de ces matins prochains n’aura pas de lendemain.

BD de la semaine Chez Yaneck
BD de la semaine
Chez Yaneck

Le blog de Carole. / Son site.

L’Apocalypse selon Magda – Chloé Vollmer-Lo & Carole Maurel

Delcourt – HORS COLLECTION

192 pages / 22.50€

ISBN : 978-2-7560-6307-2

Janvier 2016

53 réflexions au sujet de « L’Apocalypse selon Magda – Chloé Vollmer-Lo & Carole Maurel »

    1. Non mais LAISSE-MOI RIRE.
      Bordel, tu as raison, tu es IRRECUPERABLE !!! (Mais comment dire… J’adore ça et j’ai éclaté de rire en lisant ton commentaire.)
      Je sors le fouet. Vous frôlez une fois de plus l’impertinence jeune fou. Provocation quand tu nous tiens.
      Gaffe à toi si je te croise prochainement. (Ou la demande détournée: quand viens-tu à Amiens?? Je te dois un déjeuner.)

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    1. J’ai tellement réussi à être surprise par des albums qui graphiquement ne me plaisaient pas que j’ai fini par prendre des distances avec cette réserve-là…
      Sans cela, je n’aurais jamais pris la claque prise avec Le Bouffon de Zidrou et Porcel…

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      1. Tu sais que depuis que j’ai lu ton billet ça me travaille et cette BD m’attire de plus en plus… Le sujet me plait trop pour ne pas m’y arrêter et en plus je l’ai feuilleté dans ma librairie et depuis je regrette de ne pas avoir craqué ;0) A suivre donc :0)

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  1. J’avais manqué ce beau billet ! Je suis heureuse de lire d’aussi bons commentaires. L’album me tentait déjà après ma lecture de « Luisa ici et là » mais là, mon envie vient de quintupler ! Les deux albums semblent susciter des réflexions et des questionnements à propos de nous-mêmes (comme la fameuse question : « Et si ça m’arrivait ? »). Ma rencontre avec Magda est donc prévue pour bientôt 🙂

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