Et mon coeur fait boum·Que jeunesse se fasse...

La Langue des bêtes – Stéphane Servant.

Parce que le Puits aux Anges est le dernier endroit sur terre où vivent encore les légendes.

La Petite vit dans un cocon à l’abri des regards loin de la vie et de l’agitation du Village où les hommes sont cruels envers ceux qui ne leur ressemblent pas. Fille de Belle et de l’homme si rustre et bourru qu’il a tout d’un terrible Ogre, la demoiselle a grandi dans un univers on ne peut plus singulier. Seuls les adultes autrefois saltimbanques vivent dans cette petite contrée du Puits aux Anges. Un ancien marionnettiste, un nain rieur et taquin (qui a pourtant tout d’un clown triste), le curieux Pipo : autant de personnage décalés à l’étrangeté pleine de charme.

Loin de tout et de tous, la Petite a grandi bercée par les histoires et s’est nourrie de fables mélancoliques, de récits nostalgiques, de légendes qui effraient autant qu’elles rassurent. Les mots ont pour elle la magie des grands mystères devenus croyance et son imaginaire est celui des livres qui ne s’écrivent pas. Dans son refuge de terre, de branches et de feuilles, un univers se construit, tel un cabinet de curiosité fait d’ossements et de peaux de bêtes, et l’étonnante petite fille répète inlassablement ces histoires qu’on lui a contées et qui sont devenues sa vérité, sa réalité.

Quand tu connaîtras tous les mots, tous les mots qui sont dans les livres, le monde n’aura plus de secrets pour toi. Alors à ce moment-là, tu seras grande. Lis, Petite, ne t’arrête jamais de lire. Les mots sont la soupe de l’âme.

Entrer dans ce livre, c’est plonger dans un buisson. Pousser les brindilles qui s’accrochent à nos cheveux au fil des pages, saisir les branchages tout au long du récit, goûter à la douceur du silence qui s’installe entre les lignes et les mots. C’est se laisser enrober de plumes et de coton.

Cette nuit-là, dans son lit, la Petite comprend qu’un homme peut parfois étrangement ressembler à ces marionnettes aux mécanismes brisés. Il faut du temps. De la patience pour démêler les fils et en renouer certains.

La Langue des bêtes retrace l’histoire d’une famille de marginaux, autrefois sous les feux des projecteurs d’un cirque devenu le vestige du temps. Ayant renoncé à leur vie de nomades, les héros ont fait d’une parcelle de forêt leur refuge. Mais un jour, dans ce monde où les traditions et les légendes ont la puissance et la force des lois, la modernité les rattrape insidieusement et conduit à une confrontation entre deux univers qui se côtoyaient sans jamais se croiser. Un choc aux incidences plurielles, qui bouleversera l’histoire assurément tout autant que le lecteur.

Ne subsistait plus de tout cela qu’une douce amertume, à peine une vague nostalgie. L’oubli coulait maintenant dans leurs veines.

J’ai ouvert ce roman en m’attendant à tourner de belles pages et je vous cache pas que je ne m’imaginais pas être emportée à ce point par cette histoire hors du temps, à la lisière du monde. La plume de Stéphane Servant est une plume aussi belle qu’exigeante qui sublime le verbe en tissant les mots avec la finesse et la poésie d’une dentellière, tout en laissant quelques fils énigmatiques se mêler à la narration… Truffé de références aux contes qui ont bercé notre enfance, ce titre nous saisit pourtant avec la magie des premières fois qui rendent certaines lectures inoubliables et l’on se laisse immédiatement emporter par les premières lignes d’une poésie qui illumine tout le roman. Un titre précieux qui a marqué mon été, un conte diablement envoûtant, hypnotique et fascinant.

Le blog de l’auteur.

Une chronique s’ajoutant à ma sélection littéraire estivale.

La Langue des bêtes – Stéphane Servant

Le Rouergue

443 p / 15,90 euros

Août 2015

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26 réflexions au sujet de « La Langue des bêtes – Stéphane Servant. »

      1. Dès juin prochain je l’espère. Après Pizan,Montaigne,Beaumarchais,Hugo et Giono.
        #vousvoyezcequejeveuxdire
        D’ici là je note vos références et espère soudoyer la-dame-du-cdi pour qu’elle se les procurer.

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