BD de la semaine·Neuvième art

Les Matins doux – Ingrid Chabbert & Anne-Perrine Couët

Alors que Simone de Beauvoir est en visite officielle aux États-Unis, cette dernière prend contact avec Nelson Algren, écrivain à la vie sulfureuse recommandé par une de ses amies. Profondément attaché à la ville de Chicago, il lui fait découvrir ses ruelles malfamées et ses bars où la liberté n’est pas qu’une vue de l’esprit. L’attirance semble assez réciproque et immédiate et les deux artistes deviennent amants sans trop attendre.

Lorsque vous ne m’aimerez plus, je ne pourrai plus rien y changer.

Cette histoire durera plus de quinze ans et c’est sous la plume d’Ingrid Chabbert que nous vivons leur passion entrecoupée de retour en France et de lettres qui ne cessent de dire le manque de l’autre. Mais l’on sait combien Simone de Beauvoir – malgré son désir et son affection pour Nelson Algren – reste l’artiste du quartier latin, la parisienne éprise de Sartre et l’intellectuelle qui porte en elle l’essai Le Deuxième Sexe. Cette vie là n’est pas nécessairement compatible avec une vie américaine passionnée et la distance installe parfois des tensions et des lassitudes qui minent les amants de chaque côté de l’Atlantique.

Ne faites jamais attendre l’écriture qui vous presse, Simone ! Ne la remettez pas à demain, il pourrait être trop tard !

En lisant quelques lettres de Simone de Beauvoir à Nelson Algren, nous la découvrons plus fragile, sensible et amoureuse. Au fil de ses pages, nous entrevoyons les épisodes d’une histoire d’amour qui n’est pas aussi romantique et idyllique qu’elle n’y paraît. Comment concilier l’eau et le feu ? Comment faire pour vivre un amour qui laisse planer l’ombre puissante d’un Sartre, le poids insolent des choix de vie peu conventionnels et les envies d’une vie plus rangée qui se heurte au réel et aux discordances?

Qu’ils sont loin nos au revoir difficiles… … Si loin que je me demande s’ils ont réellement existé.

Si le prisme de la relation amoureuse est au cœur de ces planches, on effleure aussi tout ce que chacun apporte à l’autre pour son épanouissement littéraire. Entre tâtonnements, soutien et admiration, tous les matins ne sont pas si doux entre De Beauvoir et Algren. C’est ce tourbillon un peu fou – et un peu flou – qui nous est conté. Et comme toute histoire faite de tempêtes, il faut savoir accepter les heures qui sonnent les départs, maudire les soirs d’ivresse qui séparent plus qu’ils ne rapprochent, envisager les nécessaires retours qui viennent écorcher l’illusion de totale liberté.

 

Toutes les chroniques pour la BD de la semaine sont à retrouver chez Fanny.

Les Matins doux – Simone de Beauvoir et Nelson Algren
Ingrid Chabbert (scénario) Anne-Perrine Couët (dessin) Alessandra Alexakis (couleurs)
Éditions Steinkis – Collection Dyade
 22 € / 128 pages /
2023
Dire l’amour / 9e Art / Sacrées femmes/ Mars au féminin/ Merci Simone !

 

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