Un bon salaire, une entreprise aussi prestigieuse, mes cousines sont vertes de jalousie.
Qu’elles soient consciencieusement attablées devant les paillasses de leur salle de travail ou qu’elles sortent toutes ensemble – malgré la Prohibition – une fois la nuit tombée, la complicité de ces femmes-là ne fait aucun doute. Lisser le pinceau du bout des lèvres… Prélever la juste dose de peinture… Peindre les cadrans des montres de l’entreprise USRC… Pour ces petites mains, le geste est désormais une habitude, une valse incessante aux pas maîtrisés à la perfection.
Et puis tu rentres dans le cercle très fermé des Ghost Girls !
Nous pourrions nous extasier face à la minutie de ce travail d’orfèvre si nous ne savions pas que la peinture en question n’était autre que du radium, connu – entre autres – pour ses propriétés phosphorescentes. Nous pourrions presque sourire comme elles, de voir leurs doigts fins et leurs lèvres riantes se parer de lumière quand le jour décline. Mais quand le cadrage des cases prend de la distance, deux mondes parallèles viennent réveiller notre indignation. À l’étage, des hommes en blouse blanche, gantés et masqués poursuivent leurs recherches dans le grand laboratoire pendant que ces femmes manipulent l’insidieux poison sans la moindre protection.
Ne portez pas le pinceau à vos lèvres. Ça va vous rendre malade.
Lentement, le mal fait son chemin dans les corps avant de laisser la douleur poindre. Dès lors, nous devenons les témoins d’une véritable descente aux enfers pour ces femmes qui paieront le prix fort de l’inconséquence de leurs supérieurs. Mais comment se faire entendre quand tout vous condamne à une mort lente et inéluctable? Comment faire entendre sa voix lorsque l’on est une femme qui se meurt ? (Et même au pluriel cela ne semble pas avoir plus de valeur) Comment dénoncer les dérives et les ratés du progrès scientifique?
Dans une palette colorée faite de violet, vert et gammes rosées parfaitement en adéquation avec le sujet, Cy retrace cette histoire qui aurait pu rester – à regret – anecdotique. Les contours abrupts du crayon font parfois songer à de petits tableaux cubistes épurés laissant aux corps ou aux visages quelque chose d’anguleux. Au fil des pages, les corps s’abîment et les portraits de femmes surgissent en pleine page – compte à rebours macabre – quand le combat est perdu.
Le fait qu’ils aient payé est un aveu. Je ne peux pas vous guérir, mais je peux vous aider à gagner.
L’album de Cy exhume les noms d’oubliées et ravive le souvenir étouffé de ces femmes sacrifiées. Les suivre dans leur déchéance – sociale et physique – rend la situation d’autant plus révoltante et leur donne une place que l’Histoire leur a ravi. Si nous lisons, impuissant·es, ces planches, nous le faisons aussi avec émotion et fierté de pouvoir faire vivre ces prénoms rayés des mémoires collectives. Edna Bolz, Grace, Katherine, Mollie, Albina et Quinta que le 9e Art sort ici de l’oubli.
Agenda amiénois : Cy en table ronde puis dédicace à la librairie Bulle en stock d’Amiens le 20 novembre.
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Les chroniques des amoureux des bulles se trouvent
Au milieu des livres
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Fanny Noukette Caro Soukee Maël
Brize Hilde Pati Stephie Cristie
Radium girls de Cy Éditions Glénat 22€ / 144 pages / 2020 Dire l’amour / Les classiques c’est fantastique ! Prix BD Lecteurs.com 2021 |
Elle est sur ma wishlist !
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Quelle riche idée !
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Eh bien ! Je ne connaissais pas du tout cette sinistre histoire !
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Moi non plus et j’aime ce genre de découvertes.
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Je l’avais repérée mais pas encore notée, c’est fait ! 🙂 J’imagine bien le sentiment de révolte pendant la lecture.
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Elle nous saisit aux tripes. C’est incroyable cette histoire.
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Déjà notée après l’avoir vu chez Fanny et il me semble bien qu’elle est à la médiathèque…
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Alors n’hésite plus tant l’histoire est forte.
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J’ai tellement aimé cette Bd: https://auxbouquinsgarnis.wordpress.com/2021/07/07/radium-girls-cy/ bonne journée 🙂
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Merci!
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Le choix des couleurs, ces silhouettes crayonnées … et le thème si fort…
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Je veux lire cet album !
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À raison !
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J’ai adoré cette Bd qui permet de remettre en lumière ces femmes oubliées !
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Le genre d’histoire qu’on aimerait lire plus souvent.
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J’ai moyennement apprécié les illustrations, par contre j’ai aimé le côté instructif !
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Tout m’a convaincu !
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J’ai des goûts assez « classiques »… Le cubisme, Picasso, c’est pas mon truc. Ce sont surtout les visages que je n’ai pas trop aimés.
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je crois que je vais l’ajouter à la mienne aussi!
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Je ne peux que t’encourager à le faire !
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faut absolument que je lise cette BD, à chaque chronique j’ai de plus en plus envie de la déouvrir
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Comme toi, je commençais à me dire qu’il était plus que temps que je m’y mette. J’en suis ravie !
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Cette bande dessinée m’a émue, j’ignorais tout de ces destins.
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Idem ! Quelle histoire incroyable.
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J’aimerais lire cette BD mais je ne suis pas fan du tout du dessin…
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Terrible !
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Et terriblement bien raconté !
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Une lecture touchante et de superbes illustrations.
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J’y suis également assez sensible.
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Sacré sujet ! Je note évidemment !
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J’en ai beaucoup parlé avec mes collègues. C’est une histoire assez méconnue en fait. Ces femmes méritent qu’on parle d’elle. Encore et encore.
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pas tentée par le dessin même si j’avoue, tu me rends curieuse 😀
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Le propos mérite clairement que tu te penches sur le sujet.
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Je les aime les radium girls
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Une histoire impressionnante ! La BD a le mérite de mettre en avant ces « petites mains » sacrifiées… J’ai beaucoup aimé l’histoire, mais le dessin un peu moins.
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