Prendre de la hauteur
C’était un solitaire qui ne fuyait pas les hommes. Au contraire, on eût dit qu’il ne pouvait pas s’en passer.
On peut dire que Côme, baron du Rondeau, est un garçon de caractère. Suite à une dispute familiale, ce dernier décide d’élire domicile dans les arbres qui bordent le domaine parental. Il n’a alors que douze ans et offre un facétieux pied-de-nez à ses proches en refusant catégoriquement de redescendre. Jour après jour, la vie dans les cimes prend forme et le jeune homme redouble d’ingéniosité pour organiser sa vie perchée. Autour de lui, l’on se succède pour s’enquérir de ses intentions, de ses envies, de ses besoins, persuadé·es qu’il finira bien par regagner la terre ferme.
D’en haut, vous paraissez tous petits!
En prenant de la hauteur, Côme observe son monde s’agiter sans lui. Le quotidien – en dehors des jours d’ennui – devient un petit théâtre cocasse. D’une improbable histoire familiale au conte philosophique, il n’y a qu’un pas qu’Italo Calvino franchit aisément. Toutes les rencontres du héros – qu’il s’agisse d’un fameux brigand, de voisins, de villageois·es, de soldats ou de francs-maçons – sont l’occasion pour lui de se construire et de mieux appréhender le monde, de le questionner et d’en déceler les codes, d’en provoquer les principes. Sans nul doute, l’esprit des Lumières est là !
Un autre rapport au monde.
En somme, son amour des arbres, comme toutes les amours véritables, le rendit souvent cruel, impitoyable même. Il trancha et il blessa pour revigorer et pour façonner.
Le roman de Calvino met en scène un personnage au caractère bien trempé et à la volonté tenace. Bien décidé à tenir sa promesse, il refusera coûte que coûte de se soumettre à l’autorité parentale, grandira – et vieillira – perché sur ses branches sans jamais se soucier du qu’en dira-t-on. Fort conscient de sa singularité, il est un homme atypique et passionné qui ne se coupera pas pour autant du monde puisqu’il nourrira avec abnégation ses appétits littéraires, ses désirs amoureux, ses rêveries solitaires. Un personnage enclin à se laisser porter par sa propre philosophie qui deviendra un véritable art de vivre. Si tout laisse à penser que la folie s’est emparée de lui, il semble plus facile de le montrer du doigt plutôt que d’admettre qu’il a le courage de vivre autrement. Néanmoins, cette apparente liberté ne serait-elle pas illusoire tant le monde qu’il s’est réinventé a aussi les allures d’une prison de bois et de feuillages?
J’enviais Côme, maître dans le maquis de ses jours et de ses nuits, caché au fond des bois qu’il était seul à connaître.
Quelle rencontre étonnante que ce personnage de Baron, si décalé. Héros marginal, jusqu’au-boutiste notoire, il est de ces protagonistes qui marquent par leur quête d’absolu, leur rejet viscéral des conventions sociales. Toutefois, si le héros titille à raison notre curiosité, il n’en demeure pas moins que les pages qui relatent sa folle échappée boisée trainent parfois en longueur… Un récit qui aurait gagné à être élagué pour donner à cette histoire atypique un rythme et une dynamique qu’elle peine parfois à trouver.
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Contre-temps, imprévus, procrastination chronique, vacances et farniente: voilà les coupables parfaits qui me font participer très tardivement au challenge Les classiques c’est fantastique du mois de juillet. Mon escapade du côté des textes du bassin méditerranéen est donc italienne et sera la seule participation que je poste, sur le fil. Heureusement, Fanny a surveillé tout cela de près et c’est tout naturellement chez elle que vous trouverez le bilan de ce mois dès lundi. Je vais sagement attendre son billet pour aller lire et commenter les chroniques de tous les fidèles participant·es du mois.
Les Suds de: Natiora, Une Comète, Lolo Coste, Mumu, Alice, Madame lit, Katell, Natiora (2), Pativore ici et là, Lolo Coste (2).
Nous vous donnons RDV pour le dernier lundi d’août pour un thème qui promet des titres d’une grande diversité puisqu’il s’agira de lire les classiques qui ont pu être adaptés en BD ou au cinéma… Autant dire que nous avons pas mal de choix !
Lectures en écho:
- L’adaptation BD du roman de Calvino par Claire Martin
- Des romans contemporains italiens: Le Garçon sauvage de Cognetti et le fabuleux Mr Gwyn de Baricco que j’ai aimé d’amour.
Le Baron perché d’Italo Calvino Traduction de Juliette Bertrand, revue par Mario Fusco Éditions Gallimard, dans la collection Folio 8,10 € / 400 pages / 1957 Les classiques c’est fantastique ! / Famille je t’aime, famille je te hais ! |
C’est tout à fait le genre de lecture qui pourrait m’intéresser… J’aime les sujets décalés qui ne sont qu’un paravent à d’autres plus profonds…. Merci 😉
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Dans ce cas tu peux partir à la rencontre du Baron sans la moindre hésitation.
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Pati a justement lu son adaptation en bd en cette semaine de classique.
Je le lirai parce que c’est un auteur que je voulais absolument lire pour le challenge ( mais je n’ai pas trouvé des ses romans à la bibliothèque) et puis aussi d’un point de vue sentimental parce que l’auteur a ce même joli prénom que mon grand-père maternel. (Raison tout à fait mièvre 😉)
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Je la referme à l’instant et je l’ai adorée.
J’ai acheté ce roman il y a des années sur les conseils d’une collègue et il aura fallu attendre ce challenge pour que je le lise enfin. J’ai une tendresse toute particulière pour le héros plus que pour le récit de Calvino finalement.
Quelles que soient les raisons, je te souhaite vraiment de l’apprécier à ton tour.
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J’ai hésité entre un Calvino et du théâtre espagnol …le second l’a emporté mais je relirai cet auteur merveilleux avec plaisir merci pour cette piqûre de rappel et bon mois d’août !
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Je n’ai jamais lu ce classique mais tu as su éveiller ma curiosité.
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Pas lu mais je suis certaine que je vais croiser un jour la route de ce baron!
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J’ai mis du temps à me frayer un chemin entre les branches mais j’ai finalement croisé sa route.
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J’ai adoré découvrir Italo Calvino et j’ai donc très envie de continuer à parcourir son oeuvre, à commencer par ce titre dont je ne savais en fait pas grand chose jusqu’à assez récemment, et qui me fait penser à un roman ado que j’avais beaucoup aimé et qui m’avais pas mal chamboulée (lu il y a plus de 10 ans et souvenir presque intact, c’est dire), dans lequel un élève déclarait que la vie n’avait plus de sens et grimpait dans un prunier du haut duquel il invectivait les passants dont ses camarades qui se sont mis en tête de lui prouver le contraire, quitte à ce que ça tourne au vinaigre… Bref tu vois le topo, le prunier tout ça, très envie de rencontrer ce Baron perché donc ! 🙂
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Un excellent souvenir de lecture.
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Oh, tu as lu le roman, c’est super, je le lirai moi aussi mais plus tard 🙂
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Le seul Calvino que j’ai lu m’a… décontenancée. Je n’avais pas l’intention de le relire mais l’enthousiasme d’Alice a de quoi m’inciter à retenter. Et le tien à me faire dire « ou pas ».
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