Baignade surveillée. Comme un goût de vacances et de sieste en bord de mer. Mais pour Arnaud, cette parenthèse estivale a une saveur un peu trop salée : l’eau saumâtre et les grains de sable viennent perturber le mécanisme bien rodé de cet été où tout fout irrémédiablement le camp. Auguste et Estelle ont beau être auprès de lui, il n’y a plus de place pour le doute: parmi les deux piliers de sa vie, l’un est trop petit pour l’aider à surmonter les tourments des adultes et l’autre a tout d’une poutre vermoulue qui va céder sous le poids d’une histoire pesante et douloureuse… Arnaud n’est cependant pas dupe. Estelle ne l’aime plus et l’idée que cette femme le quitte le désarme et le désarçonne.
» On ne baisait plus que tous les 36 du mois alors on ne comptait plus les nuits sans, la fréquence de nos emboîtements était de plus en plus faible et ça ne leur faisait pas pour autant gagner en intensité, merde, à quoi ça tenait, j’en sais rien, l’usure, le linge sale, les mauvaises habitudes, les remarques déplacées et les yeux qui se fermaient pendant que tout rabotait les angles qui nous imbriquaient l’un dans l’autre. Elle ne se couchait même plus à poil […] pour signifier clairement : Ne me touche pas ! […] J’ai fait glisser ma main vers sa poitrine. Plutôt tendrement. Poussé par les dernières miettes de désir qui nous restaient l’un pour l’autre.«
Au milieu de ce désastre amoureux surgit Max, le frère d’Arnaud. Le voir (re)venir de nulle part n’est jamais de bon augure et son lourd passé de petite frappe ne dit rien qui vaille. Avec pour seuls bagages sa grande gueule et son humour, il vient jouer les parasites et revêt le costume de l’oncle drôle et avenant avec Auguste, tout en comprenant vite dans quel marasme sentimental s’embourbe son frère. Son franc-parler viendra souvent mettre des mots sur ce qu’Arnaud ne parvient pas à formuler… Cette soudaine commisération à l’égard de son frère détourne ainsi l’attention sur sa propre situation… Que fait-il ici, que cherche-t-il réellement ? Il est des secrets bien difficiles à garder et lorsque le fil du récit distille, chapitre par chapitre, les raisons de sa présence ici, un autre étau se resserre doucement, sans la moindre intention de préserver qui que ce soit.
» Il ouvre la bouche en grand pour absorber le plus d’air possible. Mais quelque chose à l’intérieur de lui le prive de tout l’oxygène dont il a besoin pour respirer. Des larmes insondables. Une houle insurmontable. Et l’écume noire de la peur. «
Voilà le monde merveilleux de Guillaume Guéraud. Le style est vif et épouse à merveille le tranchant des mots, leur crudité et leur sentence souvent sans appel. D’un pessimisme percutant, il ne lésine pas sur un imaginaire qui, à la manière des grandes pièces tragiques, laisse peu de place à l’espoir et aux victoires salutaires. Le temps des héros n’est plus, aux personnages d’encaisser les coups durs et de se noyer dans leurs failles. Si Guéraud nous parle d’amour qui se délite, il le fait toujours avec une immense justesse, sans fioriture. Pourquoi adoucir la triste réalité quand une plaie béante vous déchire les tripes ? Ici, le désespoir du héros est un cri silencieux, une intime retenue qui peine à contenir la douleur d’une entaille trop profonde.
» Estelle battait dans chacune de mes pulsations – mais tout s’écroulait. […] Le désastre sans elle – sans sa peau et sans ses rires – le désastre et le vide.«
Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas ici que d’une histoire de couple… Elle est prétexte à une réflexion sur la famille et ses liens fragiles, et l’histoire « à rebours » des deux frères offre un portrait de famille certes chaotique mais ô combien touchant. Une fois de plus, Guéraud réussit à me toucher, entre brutalité et moments de grâce. C’est là toute l’immensité de son talent: offrir un récit troublant, sombre et brillant, avec un peu de sable et de boue, avec beaucoup de vices et de relents d’amour en perdition. Il revient au lecteur le soin de saisir ces embruns, ces mots que Guéraud fait exploser au fil des lignes comme « une sacrée volée de plomb » et de les apprécier à leur juste valeur…
Une lecture que j’ai le plaisir de partager avec Jérôme, Stephie et Noukette. (C’est qu’il sait bien s’entourer notre Jérôme…)
L’avis de Clara.
Baignade surveillée Guillaume Guéraud.
Le Rouergue, 2014.
125 p / 13€80
Comme toi j’ai adoré… Je crois que je n’ai jamais été déçue par ce type, jamais. Il me fascine !
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Pour le moment il remporte toujours un franc succès avec moi… Et tant d’autres…
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Pas étonnée que tu aies aimé… Guéraud et toi, c’est une vraie passion 😉
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Tu résumes parfaitement les choses.
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Connais pas l’auteur, mais vous allez me faire craquer, là!
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Un auteur à découvrir, lire et relire.
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Tu as aimé. Je vais aller lire les autres billets de cette lecture commune.
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Les avis sont unanimes !
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Comme Stephie, je sens que je vais être obligée de l’acheter, ce bouquin!
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Il y a pire comme obligation… 😉
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ça semble très noir mais très intense…
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Un duo efficace sous la plume de Guéraud.
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C’est quoi cette manière de vous mettre en bande organisée pour tenter les gens ?
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Nous formons un groupe obscur au pouvoir de persuasion assez efficace à en lire les commentaires.
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Tu m’étonnes que je suis bien entouré ! A part ça j’ai aimé une fois de plus découvrir des personnages malmenés par la vie, au bord du gouffre. Pas à dire, il sait y faire le bougre et son univers littéraire me fascine de plus en plus.
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Envie hautement partagée. Je les aime ces fragilités-là… Sacré type !
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Les avis sont unanimes ! C’est noté, renoté et rerenoté !
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Tu as bien raison !
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On commence à pas mal voir ce livre et pour l’instant il a l’air de faire l’unanimité…
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Il faut arrêter avec Guéraud, je n’ai toujours pas commencé…
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Il faut dire que je ne te facilite pas les choses dans la mesure où je suis censée te les offrir.
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