BD de la semaine·Neuvième art

Les couloirs aériens – Étienne Davodeau, Joub & Christophe Hermenier

Le passage d’une dizaine marque parfois un cap dans nos vies millimétrées ou désaccordées. Il se trouve qu’Yvan vient d’avoir cinquante ans et que des événements marquants viennent déclencher une introspection au goût de bilan. Regrets, chemins parcourus, vies partagées, abandonnées, corps aimés, êtres délaissés…. Et la liste n’a rien d’exhaustif.

C’est une aventure étrange, un couple hein? Ce qui le crée, ce qui le tient, ce qui l’use, ce qui le défait.

Quand cette année-là, il perd son travail, et vit le deuil de ses parents, l’occasion de quitter Paris est peut-être le signe d’un renouveau. Loin de tout. C’est dans le Jura qu’il dépose ses cartons, hébergé par des amis de longue date, de ceux avec qui l’on partage presque tout, de ceux avec qui l’on a tant aimé faire les quatre cents coups. Là bas, il goûte aux retrouvailles, à la nostalgie d’années lointaines mais pourtant encore bien ancrées dans son esprit. Mais il endure aussi la solitude des vies que l’on pense pouvoir refaire ailleurs et les silences des soirs de neige sont l’occasion de s’interroger sur l’homme, l’époux, l’ami et le père qu’il était ou est devenu.

Les pessimistes ont compris quelque chose que les gens heureux ignorent.

Les Couloirs aériens est le récit de ces jours passés au cœur de la montagne. La neige alourdit les toits comme les souvenirs s’entassent sur les épaules et les poitrines trop lourdes. Alors en attendant que l’hiver s’en aille, Yvan picole avec ses amis, s’enfonce dans la neige lors de ses errances dans la forêt, ouvre des cartons, les vide de ces objets qu’on entasse en pensant qu’il est bon de toucher de bout des doigts ce qui nous lie encore aux absents. Il photographie ces vestiges du quotidien qui n’ont de plus grande valeur que celle qu’on leur accorde. Il fige, capte dans des clichés ce qui ne reviendra jamais vraiment.

Je ne vois que des gens qui se croisent et qui passent du temps ensemble. Quelques mois, quelques années, une vie. On fait comme on peut, Yvan. Nos vies ne font que dévier. Les lignes droites n’existent pas.

C’est un album de nostalgie et de mélancolie générationnelles. Si je pense saisir l’importance de consigner ces instants-là, je regrette que cela passe par des scènes un peu trop bavardes, des discours rebattus, trop entendus et par tout un tas de poncifs extrêmement attendus pour ce genre de récits… J’ai d’ailleurs préféré – et de loin – ce qui était plus habilement tu ou de l’ordre du non-dit dans certaines cases. (Pas étonnant que le vieux taiseux promenant son chien soit, à mon sens, un des personnages les plus bouleversants de cet album.)

Je sais le goût de Davodeau pour l’ordinaire et le banal, et je le partage, souvent sans faire partie de celles que la trivialité dérange ou ennuie. Mais je l’aurais peut-être aimé moins consensuel et plus subtil dans sa façon de traiter un sujet comme celui-ci. Et si quelques cases me parlent terriblement et font écho à certaines inquiétudes qui s’invitent en nous avec le temps qui passe, j’ai surtout eu l’impression de lire une histoire que des amis ont décidé d’écrire pour eux, entre eux sans vraiment y trouver ma place.

(Sur des questionnements similaires, j’ai incontestablement préféré la série Les Gens honnêtes de Durieux et Gibrat.)

Les couloirs aériens
Scénario d’Étienne Davodeau, Christophe Hermenier et Joub
Dessin d’Étienne Davodeau
Couleurs de Joub
Photographies de Christophe Hermenier

Futuropolis

112 pages / 19 €

ISBN : 9782754825535

Octobre 2019

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Ce mercredi…

La BD de la semaine est au milieu des livres!

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Chroniques des amoureux des bulles:

Antigone         Sabine         Stéphanie          Nath           Caro

         Brize          Saxaoul          Soukee          Fanny         Blandine

        Mylène        Noukette      Amandine      Pativore       Jérôme    

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20 réflexions au sujet de « Les couloirs aériens – Étienne Davodeau, Joub & Christophe Hermenier »

    1. Mes bémols ne méritent absolument pas qu’on boude Davodeau. L’album reste plaisant à lire. Il ne m’a pas touchée plus que cela, et je le regrette tant j’aime Davodeau. Je trouve que ce qui est fait est traité avec un peu trop de facilité. (Je viendrai te lire avec plaisir.)

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