Sur les murs de l’usine LIBERTÉ
Je n’écris pas ton nom
Quatorze ans.
Premiers pas à l’usine. Déposée par sa mère comme une jeune écolière le serait lors de la rentrée des classes. Première confrontation avec un monde qui n’est pas de son âge. Et pourtant, l’adolescente qu’est Nella Nobili va se heurter au monde du travail et à sa violence insidieuse. Elle qui lit quand la pause est venue, la voilà qui écrit la chaleur et le bruit des machines, le sourire qui s’estompe et le vacarme qui l’entoure. Ses mots donnent une voix aux corps qui souffrent dans un silence qui en dit long sur tout ce qui se tait au profit de tout ce qui se produit.
Ce matin
Trente-huit degrés à l’ombre dans la ville
C’est l’été dans sa gloire imbécile
Et ce soleil planté là au milieu du ciel
Nous promet une autre journée d’enfer.
Quatorze ans.
Et une poésie naissante, toute en candeur et révolte. Simple et humble, touchante et saisissante. Dans une langue apprise qui devient aussi la sienne, la poétesse italienne retrace le quotidien de ces petites mains qui n’ont plus que le chant pour s’arracher un instant de joie là où tout n’est que dur labeur. Face à leurs gestes mécaniques, répétés, les refrains qu’elle aimerait écouter inlassablement pour oublier les heures moroses envahissent l’usine.
C’est inutile, c’est inutile et dans ces mots
Je m’éteins comme le jour qui finit. Je suis
Fatiguée comme si j’avais travaillé
Depuis mille ans. Il faut
Travailler pour vivre et moi j’en meurs. C’est inutile
Que j’aille comme une bête en cage
De gauche à droite que je crève de rage
Que je pleure, que je crie ou que je me renie
Jusqu’à devenir moi-même une machine.
De la souffleuse de verre à la souffleuse de mots l’écriture se fait colère, incompréhension, révolte. La voix de la poétesse dénonce ainsi l’asservissement de l’usine en dévoilant les entrailles d’un monde ouvrier qui brise et broie. Dépourvue de lyrisme ou de grandiloquence, la poésie de Nella Nobili dit avec beaucoup de lucidité le monde qui l’entoure. Un titre qui s’inscrit parfaitement dans le challenge d’Ingannmic mettant en lumière le monde ouvrier et les mondes du travail. L’occasion pour moi d’honorer deux rendez-vous qui me sont chers avec le challenge classique consacré ce mois-ci à la littérature francophone.
Ouvre-toi porte : il est six heures !
Libérez ces enfants qui pleurent
Ouvrez les portes et les fenêtres
Libérez tous ceux qui sont enfermés
Libérez libérez que le bonheur
Vienne aujourd’hui. Demain
C’est trop loin.
Les chroniques de Fanny, Natiora, L’Ourse bibliophile, Katell, Lili, Lolo, Mag, Fanny (Manoir), Marion, Virginie, Violette, Madame lit, Pati.
Échos et prolongements :
- À la ligne, feuillets d’usine – Joseph Ponthus (Ou l’évidence.)
- Journal d’usine – Simone Weil
- Une belle grève de femmes – Anne Crignon (LC envisagée le 15 mars)
- Têtes hautes – Cathy Ytak
- Les lectures passées ou projetées pour le défi littéraire de l’année chez Ingannmic : Lire sur Le monde ouvrier et les mondes du travail
La Jeune Fille à l’usine – Nella Nobili |
Cela fait penser, bien sûr, au titre de Joseph Ponthus, qui n’était donc pas le premier à mettre l’usine en poésie… j’ai prévu de lire A la ligne en avril, d’ailleurs.
En tous cas, bravo pour ce doublé et un grand merci pour cette participation !
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Comment ne pas songer à lui en lisant ces pages? J’avais tellement aimé A la ligne que j’ai souvent offert et conseillé.
Hâte de lire un prochain titre de ma sélection ouvrière. A ce propos, je compte être au RDV pour la lecture commune du 15 mars.
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J’en suis ravie, je t’ai ajoutée à la liste des participants à la LC.
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C’est parfait ! Merci !
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Bien joué ! Je ne connais pas du tout mais tu nous le vends sacrément bien !
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Oh la la ! Si en plus je propose un titre que tu ne connais pas, je suis doublement satisfaite et fière de ma suggestion !
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Merci pour cette découverte, ça me donne très envie de le lire.
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Tu m’en vois ravie !
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un monde qui n’existe plus, heureusement
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J’en doute hélas. Il survit bel et bien ici et là, malheureusement.
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J’adore les extraits présentés. Je suis convaincue que j’adorerais ,malgré le côté sombre, ce livre. Merci pour cette découverte.
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Il sait parfois être lumineux malgré quelques lourds et tragiques sous-entendus.
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Moi aussi j’ai pensé au merveilleux A la ligne de Ponthus. J’aime beaucoup les extraits !
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Je lis si peu de poésie, mais les extraits partagés, couplés à tes mots, m’ont déjà donné envie d’en lire davantage. J’en profite pour noter ce À la ligne que je ne connaissais pas et qui semble avoir marqué plusieurs d’entre vous !
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Les extraits que tu as proposés sont très puissants.
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