Le Grand. Le Petit. Un puits.
Cela sonne comme la substance d’un conte que l’on aurait réduit à minima. Livrés à eux-mêmes, prisonniers d’un puits aux allures de matrice, les deux frères attendent, laissant s’écouler les jours comme un sablier laisse filer le grain fin entre les parois de verre… Pendant ce temps, ils dépérissent et crèvent à petit feu. L’un attend le bon moment, l’instant propice qui renvoie sans cesse la libération aux jours d’après. Lentement, les corps s’affinent, la chair se fait rare. Insidieusement, la faim et la folie deviennent les plus fidèles des compagnons de claustration. Comme un pied-de-nez au pire, l’un et l’autre se maintiennent en vie, entre deux sursauts d’incompréhension et de révolte qui dévorent le peu d’énergie qu’il leur reste.
– Alors c’est quoi cette colère que je ressens à l’intérieur de moi?
– Tu deviens un homme, répond le Grand.
L’on dit de ce roman qu’il est une fable noire, sombre et cruelle. Certes. Difficile après une telle lecture de nier ces aspects-là puisque ce qu’il reste de vie côtoie au fond du trou la violence, le manque, la colère, l’espoir et la soif de vengeance. Néanmoins, j’ai l’impression qu’une part de ce livre m’a totalement échappé, me laissant bien démunie face à une morale opaque qui croupit encore au fond du puits, insondable, et profondément insaisissable.
Les vivants… Les vivants sont comme des enfants : ils jouent à mourir.
Récit de l’abandon, Le Puits nous entraîne dans un texte puissamment métaphorique. Que reste-il de notre humanité, de notre langage dans ce précipice qui nous éloigne du monde? Comme les deux frères tapis au fond de leur prison de racines et de terre, l’on s’accroche et s’écorche à cette histoire qui parfois nous perd, dont la perplexité nous confond. Touchée par ce lien tenace qui maintient les deux frères en vie, je sors de cette lecture convaincue d’avoir laissé une part de mes interrogations entre les pages, assurément un peu frustrée de m’être heurtée à un texte qui laisse la part belle aux zones d’ombres. Un roman aussi marquant que déconcertant.
C’est de penser que toi, tu puisses mourir qui rend mon monde si petit.
- Un conseil de Cécile Coulon évoqué dans le podcast Les Gens Qui Doutent.
Le Puits de Ivan Repila Traduit de l’espagnol par Margot Nguyen Béraud Éditions 10/18 6,10€ / 128 pages / 2016 Lire l’ailleurs / Littérature hispanique |
Sombre, noir et cruel, cruelle, c’est le trio parfait !
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Je me disais en lisant le titre « Tiens quelqu’un m’en a parlé récemment.., je ne me souviens plus de qui ». En fait personne ! C’est dans le même podcast que j’en ai entendu parler 😁 ( ces deux-là, Fanny R. et Cécile C. m’ont fait passer un excellent moment !)
Et donc pour revenir au livre, je pense que je suis un peu claustro, donc.. Nope, pas pour moi.
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J’avoue qu’il me laisse vraiment perplexe. Je serais curieuse d’en discuter avec ceux/celles qui ont aimé pour mieux le cerner…
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Camille de @mangez_des_tartes sur insta a aimé (et je ne retrouve pas son avis, désolée 😀 )
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J’irai fouiller un peu !
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Étonnant, à tester… j’aime ce qui sort de l’ordinaire.
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Oh oui, je cherche des gens prêts à se lancer pour m’éclairer un peu. Il marque qu’on adhère ou non.
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Glaçant… cela me rappelle un peu « La femme des sables », où le héros se retrouve piégé dans un trou de sable, roman qui avait suscité mon ennui (mais chut, il paraît que c(‘est une grande référence de la littérature japonaise…). Mais je suis assez tentée tout de même, comme Krol, j’aime bien ce qui sort des sentiers battus.
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Oui il délivre des messages que le lecteur doit prendre le temps de deviner. J’en ai fait une chronique aussi, si tu veux : https://ducalmelucette.wordpress.com/2016/06/10/lecture-le-puits-divan-repila/
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C’est plutôt la lumière que je cherche en ce moment mais j’ai pris plaisir à te lire !
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C’est certain je ne suis pas partante pour cette lecture … J’avoue que la pandémie actuelle ne me donne guère de courage pour aller me confronter à l’horreur de la condition humaine en littérature même si elle est traitée métaphoriquement.
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c’est effrayant et fascinant à la fois ! Je rejoins un peu Luocine et ton bémol m’inquiète aussi…
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