Neuvième art

Couleur de peau miel – Jung

Trilogie de Jung.

 » Aujourd’hui, je suis devenu auteur de bandes-dessinées et dans tous les récits que j’ai réalisés avec ou sans scénaristes, les mêmes thèmes reviennent inlassablement.« 

– Tome 1 –

Couleur de peau : miel.

Yeux : bridés.

Surnom : chinetoque ou bol de riz.

Situation familiale : adopté.

Pays d’origine: la Corée.

Pays d’adoption: la Belgique.

Signe particulier : n’est pas contre l’idée d’être perçu comme un japonais.

Ainsi se décline l’identité de Jung dans cette BD autobiographique. « Déraciné », il a quitté sa Corée natale et les poubelles de rues de Séoul pour d’autres paysages, pour une autre vie, un autre langage, d’autres bras… Intégré au cœur d’une grande fratrie, il se voit le roi d’un royaume dont il ne soupçonnait pas l’existence. Mais très vite, il constate que cette famille qui lui a offert une seconde vie a certes eu la « bonté » de lui offrir un foyer, mais a encore beaucoup à apprendre avec les gestes d’affection et les marques de tendresse. Évoquer son enfance, c’est partager avec nous de tendres souvenirs, des jeux d’enfants, des instants de complicité et de mensonge. Le lien qui se crée entre la fratrie est dépeint avec beaucoup d’humour et de tendresse. Jung a une imagination débordante et n’est pas toujours celui qu’on voudrait qu’il soit. Il déçoit, et le revers de la médaille est sans appel quand il se heurte au courroux parental.

 » Oublier est une protection, une sorte de cessez le feu et l’esprit humain est un no man’s land. Seulement, l’être humain n’oublie jamais rien… Toutes ces petites choses sont cachées quelque part, dans les méandres de notre esprit. »

Au milieu des souvenirs joyeux, le côté sombre du carcan familial surgit pour noircir le portrait de la famille idéale. Et puis il y a cette nostalgie, palpable, omniprésente. Celle du questionnement sur ses origines, sur cette figure de mère absente, anonyme. Que lui reste-t-il de la Corée, lui qui a dû la quitter à cinq ans ? Des souvenirs vaporeux, et une promesse faite au petit garçon qu’il est : celle de revenir, quand le moment sera venu, fouler le sol de sa terre ancestrale.

 » Les journées me semblaient tellement longues que j’étais persuadé qu’il me faudrait une ou deux vies de plus pour devenir un adulte.« 

Tome 1 : les billets de Théoma, Marguerite, Yaneck, , Saxaoul et Noukette.

– Tome 2 –

«  Lorsque les filles disent des garçons qu’ils sont lâches et menteurs, elles ont raison. Je n’étais pas différent des autres.« 

Début du deuxième tome. Jung a 14 ans et se sent plus que jamais déraciné. Cet opus sera celui de l’adolescence, des premiers désirs, des désillusions, des questionnements toujours sans réponse, ou du moins sans réponse suffisamment convaincante pour apaiser l’esprit. Dans cette période de la vie où Jung se construit, il s’ouvre un peu plus aux autres à mesure qu’il s’éloigne de sa famille adoptive. Autour de lui, des personnalités viendront constituer son port d’attache: des amis épris de culture, d’art et de musique. Il se nourrit de ces influences et réalise un de ses plus grands rêves : partir au Japon. La rupture parentale semble consommée bien qu’il commence à saisir l’amour de sa mère derrière ce mur froid et intransigeant. Il s’envole à l’autre bout du monde… Mais à deux pas du Japon, la Corée n’est pas loin et l’appelle, lui murmure de revenir…

 » Mon corps se souvenait qu’il aimait cette chaleur humaine.

Certains corps s’en souvenaient tellement bien qu’ils ne pouvaient plus s’en passer.« 

Les avis de Mango, Théoma, Yaneck, Marguerite, et Noukette.

– Tome 3 –

Le dernier tome vient mettre un point final à cette étonnante autobiographie et vient tenir une promesse faite à l’enfant qu’il était. Le livre s’ouvre sur une valise fermée, un passeport et un billet d’avion pour la Corée. Ce voyage ne se fait pas avec sa famille mais avec une équipe de tournage puisqu’il a lieu durant le projet de l’adaptation cinématographique. Voilà Jung, au milieu de la foule, ne se sentant ni réellement coréen, ni européen. Filant la métaphore de la plante aux racines fragiles, l’auteur dit le parcours de tous ces adoptés à la recherche de réponses souvent incomplètes, insatisfaisantes. Il relate une quête de bribes d’informations qui viendraient ajouter des pièces à un puzzle dont on aurait de toute manière perdu bien des morceaux. Et ce fantôme sans visage de la mère coréenne, toujours présent, flottant sous son ombrelle qui ne cesse de se rappeler à lui… Un doux et léger vent souffle sur ce troisième tome, il emporte avec lui bien des feuilles et des photos, il murmure bien des histoires et vous fera frissonner en tournant ces dernières pages d’un récit incroyablement beau et émouvant.

 » Mon dossier est resté fermé pendant presque quarante ans. Les quelques documents jaunis par le temps parlent d’eux-mêmes.« 

Cette trilogie est d’une beauté redoutable. Elle séduit par ses dessins souvent époustouflants, d’une finesse absolue, oscillant entre simplicité et prouesse technique des traits. Mais elle interpelle également par ce thème fort et fédérateur de la famille et des liens qui nous unissent à nos proches. A travers cette quête identitaire, Young s’inscrit honorablement dans la lignée de ces grands artistes qui ont éprouvé un jour, le besoin de nous conter leur histoire et de saisir dans leur démarche très intime, un peu de notre vie et de notre rapport aux autres, au monde.

Le site internet de Jung.

Ma rencontre avec l’auteur à la Maison de l’égalité d’Amiens.

TOP BD Yaneck  19/20
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Le rendez-vous de Mango
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