
Encore un lundi amiénois placé sous le signe de la bande-dessinée. Le triptyque de Jung Couleur de peau miel était à l’honneur à la Maison de l’Égalité d’Amiens, en collaboration avec l’association On a marché sur la Bulle. L’occasion dans un premier temps, d’assister à la projection du film de Jung et Boileau puis d’échanger autour de l’adaptation de cette BD dont je vous parlerai plus longuement demain pour la traditionnelle chronique BD du mercredi.

Très vite après l’arrivée de l’artiste et des intervenants, les lumières s’éteignent et la projection du film commence. Il suffira de quelques secondes et d’une douce musique pour plonger dans l’univers de Jung, fait de nuances de gris, de noir et de cette douce couleur miel… Une ambiance encore bien présente en moi puisque j’ai dévoré cette trilogie ce week-end en vue de préparer la rencontre. Une heure pour le plaisir des yeux, entre images d’animation, planches de la BD qui prennent vie, documents d’archives, images tournées en Corée, photos et films de famille. Une heure où il nous a été donné de voir cette bande-dessinée sous un autre angle en appréciant cette « nouvelle lecture ». Un regard saisissant, si bien que l’émotion est palpable quand la lumière inonde de nouveau l’amphithéâtre. Les plus pressés repartent, d’autres décident de prolonger la soirée avec la table ronde, certains -comme moi- restent cloués à leur siège encore secoués par l’émoi suscité par ce film. Avec quelques mots et sourires, Jung essaie de détendre l’atmosphère. Rien de grave à vrai dire, juste un bel instant où le temps et la parole semblent suspendus, cristallisant toute cette sensibilité qui déjà m’avait tant touchée pendant ma lecture.

Les images cèdent donc progressivement la place aux mots lors d’un échange mené par Pascal Mériaux. Une discussion passionnante et riche retraçant le parcours du dessinateur, évoquant les thèmes fédérateurs de son œuvre, et revenant sur ce projet d’adaptation filmique qui n’a, semble-t-il, pas toujours été facile à vivre, à mettre en œuvre…
Vers l’autobiographie… Parcours d’un dessinateur.
Avant de raconter son histoire, Jung aimait raconter des histoires. Auteur de fiction avant même de se frotter à la difficile écriture autobiographique, il finit par « s’ennuyer » dans l’univers de l’imaginaire et la tentation – la nécessité – d’écrire sur son parcours va vite s’imposer à lui. « J’avais besoin de raconter les choses de manière frontale, de simplifier mon dessin et de délaisser les savoir-faire plus techniques« . Rappelons que son histoire est celle d’un petit garçon qui a quitté sa Corée natale pour la Belgique lorsqu’il est adopté à l’âge de cinq ans. Abandon, quête identitaire, construction de son « moi », autant de thèmes qui irriguent et nourrissent l’ensemble de son œuvre. Il est un « déraciné » et décrit si justement cette impression de ne trouver sa place nulle part… Comme de nombreux autobiographes, il revendique une démarche de sincérité, « refusant toute concession » en décidant de n’épargner personne (La figure maternelle notamment). Selon lui, la BD se prête parfaitement à ce type d’écriture et il confie être lecteur de nombreux ouvrages dans ce domaine (Persepolis, Maus et les œuvres de Guy Delisle sont mentionnées.) Une règle absolue est toutefois fixée pour ce projet : ne jamais céder au misérabilisme. Susciter des émotions, oui, mais éviter à tout prix l’écueil de la pitié. Rassurons-le tout de suite, le pari est réussi, et le résultat est brillant.

Vers le cinéma : le projet d’adaptation.
Un projet magnifiquement abouti mais douloureux et pénible à mettre en œuvre. Accorder deux sensibilités n’est pas chose aisée, d’autant plus, comme le souligne justement Pascal Mériaux, lorsque la vie de l’une d’elles est l’objet même du film réalisé. Il a fallu que Jung apprenne à ne plus être le seul à décider, à quitter le rôle « confortable? » de celui qui maîtrise tout. Céder un peu de place à l’autre tout en veillant à ce que tout sonne juste, comme il l’a écrit, vécu et voulu nous le transmettre. Difficile, en somme, de créer quand les divergences artistiques s’en mêlent. Et pourtant l’œuvre est là, grandiose, de toute beauté, résultat d’un travail minutieux et exigeant.
» Si cela avait été de la fiction, j’aurais abandonné. Mais c’était ma vie que l’on portait à l’écran et je ne pouvais me résoudre à laisser ce projet de côté« .
La réception du film.
Voilà un film qui suit tranquillement sa route, de présentation en festival, récoltant quelques prix honorables et amplement mérités. Particulièrement soutenu par les cinémas d’art et essai, il véhicule bien des valeurs et essentiellement l’idée – chère à Jung puisque le fruit d’un long processus d’introspection chez lui – que » la construction d’une identité passe par l’acceptation de ce que l’on est. » Des mots qui trouveront un écho presque instantané, quelques minutes plus tard… En effet, l’intervention d’une jeune maman coréenne vient mettre un point final à cette belle rencontre. Comme elle le laisse entendre, non sans une certaine émotion, l’histoire de Jung est aussi un peu la sienne et dans deux mois, ce sera à elle de retrouver, en quête de ses racines, cette Corée qu’elle a quittée il y a 36 ans… A ce moment-là, on voudrait s’éclipser, en toute discrétion, sur la pointe des pieds et les laisser poursuivre ensemble cet échange… Il y a décidément beaucoup de magie et d’humanité dans ces rencontres-là…

J’ai rencontré Jung au festival de Creil en novembre dernier. Il est d’une grande gentillesse, assez timide aussi. Et puis il m’a fait une magnifique dédicace 😉
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Tu as vécu encore un beau moment. Je t’envie.
J’ai lu les deux premiers tomes mais bizarrement, le troisième ne me manque pas.
Effectivement, l’image de sa maman adoptive n’est pas très belle.
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L’affiche est belle. Les albums sont déjà notés.
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Tu racontes tellement bien que j’ai l’impression d’y avoir assisté.
Les images sont belles, j’attends mercredi pour lire ton avis sur cette BD
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J’ai moi-même rencontré Jung et sa femme Jee-Yun plusieurs fois, de nombreuses fois même. Effectivement quelqu’un d’une grande humilité et gentillesse et c’est ce qui marque le plus quand on le croise.
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Il faut que je trouve et lise le tome 3. Je ne savais même pas qu’un film existait…
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On se prévoit une LC pour le tome 3 ?
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Je te tiens au courant 😉
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J’ai adoré les BD et le film ! Cette rencontre a dû être vraiment enrichissante ! Très jolie dédicace, aussi !
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Tu m’as donné envie de voir cette adaptation, les dessins ont l’air absolument splendides.
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Tes mots ont fait resurgir cette lecture, celle du tome 1. Alors que je n’avais pas particulièrement accroché, je ne sais plus trop pourquoi en fait, peut être pas la période… tu me donnes envie d’essayer de nouveau, de découvrir les deux autres tomes en tous les cas et pourquoi pas ensuite seulement me pencher sur l’adaptation cinématographique.
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C’est une BD qui en vaut la peine. Sensible, belle et ô combien émouvante.
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Merci pour cette belle découverte
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J’espère que ça te donnera envie de découvrir l’oeuvre.
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Tu me confortes dans ma décision de cadeau 😀
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Ah mais c’est génial ça !
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Génial cet article, j’ai adoré cet oeuvre !
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C’est une très belle BD !
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J’avais raté le film il y a quelques années lors de sa diffusion sur Lille. Et tu me donnes envie de venir dépoussiérer les BD de Jung qui s’entasse sur ma PAL depuis un bon moment déjà.
Comme tu en as eu de la chance de rencontrer cet auteur là.
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Dépoussière donc…
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Une très belle rencontre. Veinarde ! J’ai hâte de lire le troisième tome et de voir le film.
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Le troisième tome est très fort aussi !
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Merci pour ce joli compte-rendu !
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De rien 😉 Le plaisir était pour moi !
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Merci de partager ce moment avec nous. Ca devait être passionnant.
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Oui, ça l’a vraiment été !
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Je vais essayer de le lire le plus vite possible…mon fiston venu d’Afrique se pose des questions qui semblent être abordées dans le premier tome…s’il pouvait rencontrer l’auteur…
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Il a un profil FB et semble joignable assez facilement via un mail laissé sur son site web il me semble.
L’occasion d’un bel échange je pense…
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