BD de la semaine·Neuvième art

Shiki – 4 saisons au Japon – Rosalie Stroesser

Comment raconter en quelques phrases cette année si dense ? Comment expliquer cette relation particulière, toute en contradictions, que j’ai développée avec le Japon ?

C’est au cœur de l’automne que Rosalie pose ses bagages au Japon. Ce pays la fascine depuis son premier séjour à Kyoto. Cette fois, l’envie d’y passer du temps, de s’imprégner d’un univers et d’en saisir toutes les nuances était plus forte que tout. Ainsi s’écoulent les saisons et la vie nippone pour cette jeune autrice passionnée par ce pays et sa culture. Résidant chez l’habitant avec d’autres femmes éprises de dépaysement, elle goûte aux joies de la cohabitation auprès de ces colocataires de choc. Mais cette vie-là qui jongle entre échappées contemplatives et quotidien en communauté lui offre d’autres perspectives qui ne sont pas toujours des plus rassurantes. L’envers du décor a parfois un goût amer et les déconvenues sont souvent faites de peurs à dompter quand l’enthousiasme rafraîchissant de l’ailleurs perd  soudain de sa superbe.

J’ai un genre de syndrome de Stockholm avec Tokyo.

Entre ces planches récit de voyage, le Japon n’est pas dépeint que sous ses allures de carte postale. L’autrice ne cède pas à la tentation du regard idéalisé en nous montrant aussi un pays peut-être moins sage, pudique et tout en retenue comme on pourrait l’imaginer. D’une ville à l’autre, l’alcool coule à flot et se veut la porte d’entrée aux comportements déviants et débridés. D’une ville à l’autre, les rencontres de Rosalie soulignent avec circonspection toutes les pressions sociales pesant sur ses habitant·es dans une société profondément patriarcale. Cette vision du Japon – à travers le prisme des valeurs occidentales et d’un regard de femme – donne à cet album un goût de critique sociale qui pique et égratigne quelque peu l’image d’Épinal.

Je crois que c’est de loin la boutique la plus dangereuse où j’ai mis les pieds. [Au sujet d’une… librairie. True Story]

En définitive, Shiki est un album en noir et blanc à la construction soignée, au trait simple et délicat et à la pertinence acide qui plaira aux amoureux·ses des voyages. Sa force et sa qualité résident dans ce regard qui ne se montre pas dépourvu d’une grande sincérité, tiraillé entre l’admiration profonde et une certaine répulsion pour cet ailleurs qui compte tant pour l’autrice. Je vous le conseille. Vivement.

Échos et prolongements :

Les femmes aussi sont du voyage – Lucie Azema (Essai passionnant !)

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Et ce mercredi, les chroniques de la BD de la semaine sont au milieu des livres

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Eimelle                                      Nath                                 Gambadou 

Karine                        Antigone                                Brize  

Blandine                            Mylène                               Katell

Shiki4 saisons au Japon – Rosalie Stroesser
Éditions Rivages – Collection Virages graphiques
 24€ / 318 pages / 2023
BD de la semaine / Portrait de femme / Récit de voyage.

16 réflexions au sujet de « Shiki – 4 saisons au Japon – Rosalie Stroesser »

  1. Merci pour cette découverte qui donne envie de lire la BD. Le regard discordant est très intéressant car, non, il ne faut pas idéaliser le Japon et son mode de vie. Ce qui est bien c’est que l’autrice semble s’exprimer avec délicatesse sur les déviances observées.
    Il y a un auteur japonais qui croque le Japon sans filtre parfois: Ryu Murakami qui écrit de manière « trash » ses romans. « Les bébés de la consigne automatique » en est un exemple extraordinaire, loin de l’image d’Epinal que l’Occident s’est forgée.

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  2. je le note ! je viens de voir à la télévision le premier ministre tenir des propos terriblement sexistes – ce pays, comme la Corée du Sud, est un des pays les plus sexistes au monde, il est bien d’en parler également car sinon, on ne voit que le côté positif. Mes amies japonaises quand j’étudiais aux USA ne voulaient pas retourner dans leur pays, elles m’avaient parlé de ce patriarcat très oppressant et voir qu’aujourd’hui encore, les politiciens tiennent encore les mêmes discours, c’est déroutant…

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