Quand Ginette se rend chez son épicier, les regards sont toujours un peu les mêmes, les murmures font vivoter la rumeur… Pour celles et ceux qui l’ont connue, la gêne est encore palpable et le malaise discret règne en maître. Autrefois chérie par Marcellin, le droguiste du village, Ginette avait à ses côtés l’homme le plus aimant et le plus enthousiaste du monde. Amoureux fou de sa femme ? Indiscutablement. Mais s’il y a bien une chose qu’il aimait chez elle avec la ferveur des plus grands passionnés, ce sont assurément ses mains, longues et fines, délicates et douces, fabuleuses et admirables.
Ceux qui connaissaient son histoire ne la racontaient pas.
Cet amour passion nous est ici conté à travers un plongeon dans le passé des deux amants: de la rencontre dans les allées de la droguerie aux premiers balbutiements amoureux, des engagements sincères aux profondes désillusions. Témoins de leur candeur et des premiers signes de leurs fragilités, les habitant·es du village, les ami·es, les voisin·es, les bons copains qui se retrouvent autour du zinc tentent par tous les moyens d’entourer celui qui, aveuglé par l’amour qu’il porte à sa femme, se laisse lentement glisser dans un gouffre dangereux, emporté dans une spirale infernale qui semble incontrôlable.
Si elle devait renoncer à Marcellin… Alors toute ce qu’elle avait bâti auprès de lui devait disparaître.
Cet album est une fable du désamour qui ne donne pas toujours le beau rôle aux protagonistes. Avec beaucoup de talent – ce qui ne surprendra personne quand il est question de laisserOlivier Ka aux commandes d’un scénario – ses personnages se heurtent aux affres du sentiment amoureux gangréné par une puissance qui les dépasse, par une colère sourde qui, à force d’être trop contenue finit par s’exprimer dans une violence lapidaire et sans retour en arrière possible. Soulignons à ce propos le fait qu’Olivier Ka refuse habilement de céder à un manichéisme primaire dans son traitement du récit, ce qui ne fait qu’accentuer le malaise qui gagne progressivement les pages.
Partout, on camoufle ses plaies, on maquille autant que possible ses blessures. On ne montre pas ce qui est trop laid.
Le dessin de Marion Duclos est à l’image de toutes les ambiguïtés de récit : si elle dépeint cette histoire à travers une palette pastel et une ambiance joliment printanière, il n’en demeure pas moins que ses crayons savent aussi exprimer la douleur et la rage qui animent les héros. Autant dire que le contraste est diablement saisissant et que sous ses apparences douces et lumineuses, c’est aussi et surtout un récit rongé par les ombres qui surgit des planches. N’attendez pas aussi longtemps que moi pour vous lancer !
Un titre offert par ma Divine lilloise venue récemment traîner ses talons dans l’appartement au vieux plancher. (Quel beau cadeau – un poil empoisonné – avouons-le) tu m’as fait là.
Olivier Ka au milieu des livres : Pourquoi j’ai tué Pierre
Les mains de Ginette – Olivier Ka et Marion Duclos Éditions Delcourt – Collection Mirages 16,50 € / 104 pages / 2022 BD de la semaine / 9e Art |

Ca m’a l’air très chouette ! Comment ne pas se laisser tenter après un tel billet ?
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J’ai beaucoup aimé… Olivier Ka m’a vraiment prise par surprise avec cette histoire là !
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Il me fait un peu peur ce récit.
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j’avais beaucoup son roman Loukoum mayonnaise. cet album n’a pas l’air très réjouissant, mais si je le vois en bibli je l’emprunterai.
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C’est un peu étrange toutes ces mains ! Je note par curiosité. 🙂
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Je me souviens de la chronique de Noukette qui m’avait donné envie de le lire. Depuis, il m’attend dans ma PAL. Je vais le mettre au dessus de la pile!
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je pense bien me laisser tenter vu ce que tu en dis…
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Effectivement ça à l’air très printannier
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Ca m’intrigue énormément. Je ne pensais pas à telle histoire en voyant la couverture.
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