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Rêves de femmes – Virginia Woolf

Depuis la nuit des temps nous admettons que les hommes sont tout aussi assidus à leur tâche que nous, et que leurs œuvres sont d’un mérite égal aux nôtres. Tandis que nous portons des enfants, eux-mêmes, supposons-nous, enfantent des livres et des tableaux. Nous, nous peuplons le monde. Eux, ils le civilisent. Mais aujourd’hui que nous savons lire, qu’est-ce qui nous empêche de juger sur pièces? Avant de mettre au monde un seul enfant de plus, nous devons faire le serment d’apprendre à le connaître tel qu’il est, le monde.

Un collège de jeunes filles vu de l’extérieur ou les songes tourbillonnants d’une jeune narratrice insomniaque.

Une société ou ce club féminin-féministe qui décide d’infiltrer des milieux dans lesquels elles n’auraient pas leur place afin d’enquêter sur la question de la supériorité masculine inculquée dès leur plus jeune âge par la société ou leur famille.

Dans le verger  ou les pensées éparses d’une jeune femme allongée dans l’herbe aux tonalités très lewis-carrolliennes

Moment d’être : « Les épingles de chez Slater ne piquent pas. »  ou la passion interdite, naissante, violente et saisissante, éprouvée et vécue entre sensibilité et retenue pudiques.

Lappin et Lapinova ou la fable cruelle – et étrange – d’un jeune couple que le mariage condamne de ses désillusions.

 Le legs ou l’histoire de ce veuf qui redécouvre sa femme à travers son journal intime. (Mon texte préféré je crois)

Ils étaient très heureux. Mais combien de temps dure un tel bonheur?

À travers ces six nouvelles , la place et la signification du rêve se déclinent, sous la plume de Virginia Woolf, sous plusieurs de ses acceptions. Du fantasme profond et tenace à la rêverie légère, sans oublier celui qui cristallise les grands projets, le rêve prend possession de l’esprit et du corps féminin pour devenir le personnage même de ces brefs récits. En toute délicatesse et subtilité, l’autrice souligne les petits vices et les grandes hypocrisies d’un monde qu’elle dénonce de ses réflexions d’une clairvoyance épatante.

N’est-ce pas nous qui les élevons ainsi, depuis la nuit des temps, les nourrissant et assurant leur confort afin qu’ils puissent être intelligents à défaut d’autre chose ? C’est notre faute !

Bien que je sois toujours restée éloignée de cette autrice par pure appréhension de renouer avec l’ennui éprouvé il y a quelques années, et bien que je ne connaisse pas suffisamment son œuvre, je pense ne pas prendre trop de risques en affirmant que ses préoccupations et thèmes de prédilection sont ici effleurés et en germe à travers ces nouvelles. La place des femmes, héroïnes rêveuses, certes, mais loin d’être dupes ou idiotes, y est prépondérante et l’essai liminaire Les femmes et le roman laisse entrevoir le fil rouge de ce recueil, sonnant ainsi comme un avant-goût des prises de positions qui s’exprimeront pleinement dans Une chambre à soi ou d’autres textes de cet acabit.

Voyons, si les hommes écrivent de telles sornettes,, pourquoi faudrait-il que nos mères aient gâché leur jeunesse à les mettre au monde?

Me lancer dans ce rendez-vous classique n’a pas été, il faut bien l’admettre, la chose la plus enthousiasmante de ce mois de mars. J’ai croisé – à la fac – les textes de Virginia Woolf et n’ai jamais réussi à me trouver à ma place face à sa plume. C’est absolument à reculons que je suis allée vers ce titre choisi – lâchement – pour sa brièveté. Les retrouvailles ont finalement été plus étonnantes et réjouissantes que ce que j’imaginais, mais je gagne encore à être totalement convaincue ou conquise, d’autant que tout reste à lire… M’assureront-elles de chroniquer un deuxième titre cette semaine? J’aimerais, quitte à affronter un livre, autrefois croisé, dont la lecture s’est soldée par un abandon cuisant. Affaire à suivre.

À quoi bon? Pour quoi faire? Une fois qu’elle saura lire, la seule chose qu’il restera à lui enseigner – c’est à croire en elle-même.

Un mois rien que pour Virginia / Les classiques c’est fantastique [Saison 3]

Première chronique pour cette semaine « Les classiques c’est fantastique » exclusivement consacrée à Virginia Woolf, coorganisée avec Fanny.

Les billets de Fanny / Lolo / Mag / Lili / Lilly / Natiora (1) (BD) / Alice / Madame lit / Lucile (2) / Un livre un thé

Rêves de femmes  – Virginia Woolf – Précédé de l’essai Les femmes et le roman
Traduit de l’anglais par Michèle Rivoire
Éditions
GallimardCollection Folio classique
4,10 € / 144 pages / 2018
(pour la présente édition)
Lire l’ailleurs / Littérature  / Les classiques c’est fantastique [Saison 3]
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16 réflexions au sujet de « Rêves de femmes – Virginia Woolf »

  1. Tu as finalement réussi à lire ton livre à temps ! Je ne connais pas ce recueil mais je le lirais volontiers. Et je suis contente de lire que même si ce n’est pas une réussite parfaite c’est un début de réconciliation avec Virginia Woolf.

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  2. je me retrouve dans ton billet. On m’a tellement dit qu’il « fallait » lire Virgina Woolf que j’ai eu du mal à la lire et finalement , j’ai relu récemment « Mrs Dalloway » et j’ai beaucoup aimé.

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  3. Ha c’est l’un de ses titres que je voulais lire mais que je ne croise jamais en librairie ! Contente de lire qu’il t’a permis de renouer avec l’autrice.
    Je suis curieuse de voir si elle va t’appeler suffisamment voir pour une seconde rencontre 😉

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  4. Mrs Dalloway m’était tombée des mains il y a très longtemps, donc j’ai la même appréhension vis-à-vis de cette autrice, d’où ma défection ce mois-ci. Une bonne idée d’avoir commencé avec un titre plus court (même si le genre nouvelles m’aurait peut-être refroidie).

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  5. J’ai découvert Woolf avec ce titre qui ne m’avait que moyennement convaincue : pas déplaisant mais pas enthousiasmant alors que je n’entendais que le plus grand bien sur cette écrivaine. Finalement, j’ai lu d’autres de ses textes et mes préférés sont ses essais, cela ne fait aucun doute.

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