Alors que Rainer Maria Rilke meurt en 1926, Franz Xaver Kappus – avec qui il a entretenu une correspondance – confie ses lettres au bon soin d’un éditeur. Dix d’entre elles seront rassemblées dans le recueil Lettres à un jeune poète, dont l’écho fut retentissant dès leur publication.
Plongez en vous-même, recherchez la raison qui vous enjoint d’écrire.
Dans l’espoir d’obtenir les conseils de la part du poète, Kappus lui envoie ainsi une première missive et quelques vers de sa plume. Vient l’heure de l’attente. Celle du retour et du regard de Rilke sur ses écrits. Commence alors la lecture des dix réponses du poète. Sans jamais avoir connaissance des lettres de Kappus, nous entrevoyons – dans cet échange parcellaire – le rapport de Rilke à l’écriture, à cet art exigeant vécu comme une nécessité viscérale et souvent mis en parallèle ou en perspective avec le rapport amoureux. Il est souvent question de la solitude du travail de l’artiste.
Et cet amour plus qu’humain […] ressemblera à celui que nous préparons péniblement, non sans lutte, à cet amour qui consiste en ce que deux solitudes se protègent, se bornent et se rendent hommage.
Puis au fil des pages et du lien qui se noue entre les épistoliers, ces lettres se font leçons de vie. Il en émane une sorte de sagesse profonde qui dessine les contours d’un écrivain toujours soucieux de l’autre dans toute sa sensibilité. Il y a dans ces lettres un vrai élan humaniste et fraternel qui dissèque la vie dans ses rebondissements et renoncements.
Je crois que cet amour demeure si fort et si puissant dans votre mémoire parce qu’il a été votre première solitude profonde, et le premier travail intime auquel vous ayez soumis votre propre vie.
Je ne sais ce qu’il me restera de cette lecture d’ici quelque temps. J’y ai trouvé des fulgurances saisissantes et entrevu un certain goût de déjà-vécu. Certaines pages n’ont pu échapper à quelques petits replis bien sentis, mais j’ai l’impression d’être parfois restée un peu en retrait de ces lettres pourtant pertinentes quand elles évoquent le travail de création littéraire. Je n’ai assurément pas ressenti le bouleversement si souvent évoqué quand il s’agit de convoquer cette œuvre incontournable et quelque chose me dit que Rilke arrive peut-être un peu trop tard dans ma vie pour me toucher autant qu’il aurait pu le faire il y a dix ou quinze ans.
Ne cherchez pas pour l’instant des réponses, qui ne sauraient vous être données ; car vous ne seriez pas en mesure de les vivre.
Épurées de leurs formules polies et formelles et des petits bavardages de circonstances, les lettres de Rilke sonnent comme des aphorismes qui m’ont parfois rappelé Les Fragments du discours amoureux de Barthes ou de petites pistes de réflexion propices à l’introspection. Je crois que la force de ce texte tient essentiellement dans ce qu’il sème ou réveille en nous. Dans les mots qu’il pose sur ce que nous tentons de verbaliser silencieusement face à nos solitudes profondes.

Si la relation entre Rilke et Tsvétaïéva fut absolument platonique,leur correspondance révèle la passion et la ferveur pour l’écriture qui les tiraillaient corps et âmes. J’ai donc eu envie de faire dialoguer leurs œuvres en croisant leur lecture pour ce rendez-vous classique. (Un troisième titre aurait dû être de la partie mais j’en reporte la lecture. Envie de romans pour les jours à venir…)
Le billet de lundi-jeudi de Fanny
Prolongements et échos :
- Le recueil de Marina Tsvétaïéva Insomnies et autres poèmes et la très belle émission consacrée à la poétesse sur FranceQ : Ici
- Le podcast FranceQ consacré à la lecture de lettres de Rilke et Kappus: ici. (Rien que pour la voix de Grégoire Leprince-Ringuet.)
- Correspondance à trois Tsvétaïéva – Rilke – Pasternak (Que je souhaitais lire pour convoquer le trouple littéraire.)
Lettres à un jeune poète – Rainer Maria Rilke Traduit de l’autrichien par Marc B. Delaunay Éditions Gallimard – Collection Poésie Gallimard 8,10 € / 192 pages / 1993 (pour la présente édition) Lire l’ailleurs / Littérature autrichienne / Les classiques c’est fantastique [Saison 3] |
J’ai peu lu Rilke et n’en ai pas non plus retenu grand-chose. Je possède cependant un recueil qui m’attend au chaud.
J’aimeAimé par 1 personne
Je n’ai jamais lu cet auteur, seulement des extraits ici ou là de ses lettres, et j’avoue craindre d’y être hermétique. Ce n’est qu’une sensation qui se révélerait peut-être erronée, mais par sa faute, je n’ai jamais eu l’envie d’essayer. Peut-être un jour, ou pas, je verrai.
J’aimeJ’aime
De mon côté, j’ai adoré cette lecture. Lu pour le défi auparavant.
J’aimeAimé par 1 personne
je dois relire ce livre qui m’avait plu il y a si longtemps
J’aimeJ’aime
C’est marrant que tu dises que ces lettres arrivent un peu tard dans ta vie de lectrice. C’est parfois une réflexion que je me faits pour certains livres et je fais aussi le constat contraire, je suis parfois heureuse de découvrir des classiques maintenant et non il y a dix ans.
J’aimeJ’aime
J’aime bien Rilke mais je ne suis pas certaine que ce recueil m’emporterait.
J’aimeJ’aime