Comment ne pas être attirée par cette couverture macabre et ce titre pour le moins évocateur? La toile de Van Gogh, loin des habituelles éclatantes couleurs, témoigne de ses heures sombres et sans nul doute, cette œuvre était faite pour croiser celle de Marianna Enriquez. La quatrième de couverture est, elle aussi, particulièrement propice à saisir celles et ceux qui croiseront ce titre en librairie, happé·es par la promesse d’une lecture noire, portée par une plume qui fait de l’horreur et du scabreux sa ligne de conduite narrative.
– On enferme toujours les folles dans les livres, murmura Elina.
– Elles pourraient s’échapper.
Alors j’ai sauté le pas et plongé dans ce recueil de nouvelles qui me promettait de l’horreur, de celle qui me saisirait de plein fouet, mêlant violence des images et « voix poétique ». Prendre des chemins littéraires de traverse ? Je n’ai rien contre. Lire des nouvelles malgré mon manque d’enthousiasme pour le genre? Et pourquoi pas? Je suis ainsi entrée dans l’univers de Mariana Enriquez sans vraiment savoir où elle m’entraînerait. J’ai tourné les pages comme on pénètre dans un lieu inconnu à pas feutrés, avançant à tâtons au milieu de ces histoires qui font du chaos et du désordre un maître-mot. J’y ai ainsi rencontré des êtres étranges et insaisissables, à l’instar de cette femme fascinée par les battements de cœur, de ce vieil homme-clochard semant les malédictions comme on contamine un village de la peste, de ces adolescentes en mal de frissons nocturnes, d’une jeune fille possédée par un désir puissant et sordide, de ce couple nourrissant les bas et vils travers de la perversité humaine…
Le frapper, l’ouvrir avec mes ongles, lui imprimer d’autres cicatrices, une façon d’être au plus près de lui, qu’il m’appartienne davantage. Je devais contenir ce désir, ces envies de me rassasier, de l’ouvrir, de jouer avec ses organes, comme des trophées cachés.
Dans ces nouvelles, les protagonistes sont irrésistiblement attiré·es par une noirceur malsaine valsant ainsi avec la peur, crachant sur les conventions sociales et piétinant la moindre chance de glisser vers la lumière. Parfois crue, souvent sans détour, la langue de l’autrice vous enrobe d’une violence qui bouscule ses personnages. De mon côté, la distance s’est étrangement vite installée, là où j’attendais que les mots me saisissent et me laissent m’engouffrer dans ces pages lugubres. Si quelques passages ont su faire mouche, il n’en demeure pas moins que cette atmosphère diabolique, obnubilée par les fantômes et croyances occultes n’est pas parvenue à m’entraîner dans ses filets. Me reste finalement la déception pâteuse et âpre que l’on éprouve face à une promesse biaisée pour ce recueil qui a pourtant suscité un enthousiasme certain de la critique mais que je trouve résolument surcoté, tant il m’a laissée de marbre.
À cet âge, on a de la musique dans la tête, tout le temps, comme si on avait une radio greffée sur la nuque, sous le crâne. Un jour, cette musique baisse de volume ou simplement s’arrête. Lorsque cela arrive, on n’est plus adolescent.
Ma contribution au « Mois latino » signalé par Ingannmic.
Les Dangers de fumer au lit – Mariana Enriquez Traduit de l’espagnol (Argentine) par Anne Plantagenet Éditions du sous-sol 21€ / 240 pages / 2023 Lire l’ailleurs / Des nouvelles ! |
Ce livre, ainsi que les autres de l’autrice, ont l’air de faire un tabac… Mais quelque chose ne me tente pas et je dois dire que ton billet appuie ce sentiment.
J’aimeAimé par 1 personne
Je ne partage pas l’enthousiasme général mais il semblerait que le roman en vaille la peine. Plus tard, pourquoi pas… Mais je ne vais pas me précipiter dessus…
J’aimeAimé par 1 personne
Tiens, c’est le premier avis négatif que je lis à son sujet… c’est une auteure que je compte découvrir avec « Notre part de nuit », qui est sur mes étagères depuis un moment, et je suis très intriguée par ces nouvelles a priori très sombres.
Puis-je me permettre au passage de récupérer ton lien, ce billet s’inscrivant dans l’activité que je propose sur février, qui consiste à lire latino-américain ? (https://bookin-ingannmic.blogspot.com/2023/02/mois-latino-cest-reparti.html)
J’aimeJ’aime
Il fallait bien une voix discordante dans l’enthousiasme ambiant, cela fait du bien. Et évidemment, permets-toi pour le lien, j’ai mis mon billet à jour en mentionnant justement ce mois latino après ton passage ici.
J’aimeJ’aime
Merci 🙂 !
J’aimeAimé par 1 personne
Avec plasisir !
J’aimeJ’aime
Comme Ingannmic, c’est le premier avis réservé que je lis au sujet de cette autrice (tous titres confondus). Ton avis aurait plutôt tendance à confirmer la retenue qui m’epêche encore à me lancer dans cet univers.
J’aimeJ’aime
je sais que ce genre de livres n’est pa spour moi.
J’aimeJ’aime
Tu me fais hésiter. Je l’ai réservé à ma BM, je verrai bien.
J’aimeAimé par 1 personne
Oh oui, l’emprunter c’est plutôt une bonne idée !
J’aimeAimé par 1 personne