Qaïs est tellement amoureux de Leïli qu’il s’est vu affubler du sobriquet de Majnoun. C’est le nom donné aux fous, aux déments exaltés que l’amour tourment[e]. Qu’importe puisque le constat est là, irrévocable. Il n’a d’yeux que pour elle et rien pourra étouffer la passion qu’il lui voue. Mais très vite, ils portent le poids terrible des amants maudits puisque cette histoire ne semble pas ravir les familles des deux êtres tant épris. Il semblerait qu’il faille se méfier de ces hommes si originaux prêts à clamer les tourments et joies des sentiments qui les submergent.
Sitôt, les mots se ruent à l’orée de sa lèvre
Et, comme des oiseaux, s’envolent à la ronde.
L’amant se fait poète et, brûle dans la fièvre,
N’a de cesse qu’il n’ait tout révélé au monde.
Voilà deux prénoms qui n’ont assurément pas marqué notre culture à la hauteur de Tristan et Iseult ou de Roméo et Juliette. Et c’est une chose bien regrettable que cette histoire ne nous soit pas parvenue tant elle s’impose par sa puissance tragique. Yann Damezin s’empare d’une histoire d’amour impossible qui a marqué la littérature orientale. Dans cet album versifié selon la tradition classique de l’alexandrin, nous nous retrouvons emporté·es par la force du verbe et la beauté de l’adaptation proposée par l’auteur.
Je chéris ma famille et respecte mon père.
Pour eux, j’accepte de préserver l’apparence.
Certains passages sonnent comme de sublimes vers raciniens tout en se montrant délicieusement accessibles et d’une fluidité remarquable. Les dessins vous transportent dans les contes orientaux aux couleurs chatoyantes où les tissus et les étoffes vous enrobent de leur chaleur. Nous retrouvons également tout un bestiaire et un ensemble de motifs floraux et végétaux qui rappellent les manuscrits dorés à l’or fin des œuvres médiévales. Le dépaysement est absolument grisant, d’un raffinement rare et l’on se laisse saisir par le vertige poétique qui émane de ces planches.
Sans l’avoir décidé, sans s’être rendu compte
Des affres du dilemme elle s’était sortie.
Elle ne craignait plus, ni autrui, ni la honte.
Enfin, vous apprécierez peut-être comme moi, l’étonnant pied-de-nez concernant la chute de ce récit bien loin de la grandiloquence tragique d’un Shakespeare ou d’un Béroul puisqu’elle se veut d’une inattendue modernité. Au carrefour de bien des codes et des références, cet album surprend et séduit par sa grande singularité, qu’elle soit graphique ou stylistique. Voilà de quoi réveiller les esprits et offrir une belle porte d’entrée vers une littérature trop méconnue. La parfaite surprise de début d’année !
Et cette semaine les chroniques BD de la semaine sont à retrouver chez Fanny.
Rendez-vous mercredi prochain ici, Au milieu des livres.

Majnoun et Leïli – Chants d’outre-tombe – Yann Damezin Éditions La Boîte à bulle 28 € / 182 pages / 2022 Dire l’amour / BD de la semaine |
j’aime cet enthousiasme pour un conte venu d’ailleurs
J’aimeAimé par 1 personne
J’aime ces bulles qui bousculent.
J’aimeJ’aime
ça a l’air très beau!
J’aimeJ’aime
C’est intéressant ce parallèle avec Roméo et Juliette et Tristan et Iseult!
J’aimeJ’aime
Graphiquement ça a l’air détonnant ! Et je ne suis pas contre la découverte de ce conte oriental…
J’aimeAimé par 1 personne
Je veux savoir la fin ! 😁
J’aimeAimé par 1 personne
Évidemment !
J’aimeJ’aime
C’est vraiment beau.
J’aimeJ’aime
ce que tu en dis donne envie mais les dessins ne m’attirent pas plus que ça… Bonne année 2023 !!
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai passé le cap de m’arrêter aux réticences graphiques et cela m’a fait découvrir de superbes BD. Comme quoi…
J’aimeJ’aime
Et bonne année !
J’aimeJ’aime
Comme cet album semble beau!! Je note je note!!
J’aimeJ’aime