Quand nous tournons ces pages, Julie de Carneilhan est une femme libre. Elle a laissé derrière elles quelques échecs amoureux et songe parfois à ses ex-maris avec un léger soupçon d’amusement et de nostalgie. Seul Herbert, jouissant désormais d’une seconde noce avec une femme très riche, fait encore tressaillir son cœur mélancolique. Malheureusement, cette liberté a un coût et c’est au prix de bien des sacrifices que la séduisante Julie se retrouve avec bien peu de revenus. Si l’ancienne dame du monde a goûté aux vertiges de la richesse, elle a désormais fait le vœu de sobriété, forcée de vivoter avec ses maigres pensions.
Elle avait beaucoup vécu parmi des mensonges avant de follement opter pour une petite vie sincère, étroite, où la sensualité elle même ne se permettait que des émotions authentiques. Que de folles décisions, que de penchant pour des vérités successives…
Un matin, elle apprend qu’Herbert est souffrant et se rend à son chevet pour avoir de ses nouvelles. Arrivée chez lui, elle retrouve la demeure qui était la leur et parcourt les pièces un peu songeuse. Son ex-mari, fin séducteur et manipulateur tente de l’amadouer pour mettre en œuvre une arnaque financière qui en dit long sur son intégrité. Il connaît les faiblesses de celle qu’il a autrefois épousée et ne recule devant rien pour s’en servir.
Heureusement qu’à cet âge-là on est aussi maladroit à mourir qu’à vivre.
Colette dépeint avec une certaine ironie criante de réalisme la décadence aristocratique de son époque. Éminemment libre et résolument moderne, la femme sous sa plume n’a que faire des conventions sociales et trompe sa solitude dans ses histoires d’amour volages ou sans lendemain. Les amants sont ainsi un passe-temps plaisant pour Julie de Carneilhan dont le charisme et le panache bousculent les cœurs de jeunes premiers un poil naïfs et d’hommes plus à même d’épouser son train de vie atypique pour une femme de l’époque.
Elle […] sourit à tout l’incertain qui s’ouvrait devant elle.
S’il ne se passe pas grand chose durant ce récit, c’est une sacrée mise en lumière de l’esprit revanchard et fier d’un personnage de la trempe de l’héroïne. Peu encline à se laisser piétiner par la lâcheté et l’insuffisance masculine, elle fait le choix, parfois piquant de ne songer qu’à elle-même, forte de son bonheur égoïste qui refuse de subir et d’être à la merci de l’inconséquence des hommes. Cela ne l’empêche pas de commettre quelques erreurs, péchant par faiblesse. Colette nous livre ici une héroïne miroir de sa vie parisienne et fait preuve d’une rafraîchissante lucidité, elle qui avait assurément saisi bien avant l’heure une des clés de l’épanouissement féminin assumé et vécu dans sa plus farouche liberté.
Colette au milieu des livres : Le Blé en herbe
Ce mois-ci, nos classiques fantastiques sont consacrés aux titres comportant un nom ou un prénom. C’est donc avec Julie que j’ouvre ainsi le bal, et j’espère pouvoir vous proposer un autre titre d’ici la fin de cette semaine !

Les chroniques des autres participant·es : Fanny / Lolo / Natiora (1) (2) / Alice / Cléanthe / Marilyne / Lili (1) (2)/ Mag / Lilly / L’Ourse bibliophile / Katell / Madame Lit / Un livre un thé / Pati / Carnet de textes
Julie de Carneilhan – Colette Éditions Gallimard – Collection Folio 7,20 € / 192 pages / 1982 Les classiques c’est fantastique / Littérature française |
Il faut absolument que je me mette à Colette ! Merci pour cette chronique.
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Il va falloir que je lise celui-ci 🙂 Le seul livre que j’ai lu de Colette c’est « le blé en herbe » et il y a très longtemps.
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Je n’ai encore jamais lu Colette, mais il faut que ça change !
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titre moins connu que d’autres de Colette, bravo pour la trouvaille.
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J’ai redécouvert sa plume il y a quelques années, mais je n’ai pas lu ce titre. Je le note.
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Je n’ai lu que « Chéri » de Colette et son personnage féminin m’avait drôlement plu. Il y a des chances que Julie me séduise aussi !
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Très belle chronique sur un livre que je n’ai pas lu et il me tarde de découvrir plus l’univers de Colette. Julie apparaît comme une forte héroïne!
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Tiens, je ne connais pas ce titre de Colette ! C’était nom ou prénom, j’avais compris prénom seulement. Mais pas grave, j’ai parlé de La résistible ascension d’Arturo Ui de Bertolt Brecht (L’Arche, 1959, Allemagne, 1941), Les feuilles allemandes en novembre obligent, https://pativore.wordpress.com/2022/11/28/la-resistible-ascension-darturo-ui-de-bertolt-brecht/ et mercredi ce sera une BD, un manga d’ailleurs. Bonne continuation à tous 🙂
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Un titre que je ne connaissais pas !
Un peu en retard j’ai quand même réussi à finir mon roman, voici ma participation https://unlivreunthe.wordpress.com/2022/11/30/therese-et-isabelle-violette-leduc/
Bon mercredi
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Je ne connaissais pas non plus ce roman de Colette, que je n’ai encore jamais lue.
Voici ma participation pour le mois de novembre: Hamlet! https://carnetdetextesblog.wordpress.com/2022/11/23/et-si-on-lisait-hamlet/
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Je ne connaissais pas non plus ce titre de Colette que je n’ai encore jamais lu. Une lacune à combler.
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Je ne connaissais pas ce récit de Colette. Je me mets en tête que je dois la lire l’année prochaine !
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