C’est leur lieu de rendez-vous.
Place de mai.
Buenos Aires.
Rien de galant dans ce point de chute-là puisqu’elles ne sont qu’errance et attente, brandissant des portraits, les yeux vides et le cœur meurtri, la douleur du manque comme unique tempo de leur vie désaccordée. Elles sont grands-mères et mènent le dernier combat éreintant de leur vie: retrouver les nouveaux-nés qui ont été enlevés à leurs parents sous la dictature argentine qui ne ménageait pas ses efforts pour mettre en œuvre sa politique répressive. Durant ces sombres années, de nombreuses femmes opposantes politiques ont vu leurs petit·es arraché·es à leur foyer pour être adopté·es par des membres ayant plus ou moins de liens avec le régime. Naturellement, ces mères furent ensuite « portées disparues » euphémisme de rigueur qui peine à maquiller l’horreur de la réalité.
– Tu ne me prends jamais au sérieux.
– Ça c’est vrai. C’est ma solution pour être heureux. Regarde-toi. Tu prends tout au tragique et tu te fais tout le temps du mauvais sang.
À l’instar de la BD Sur un air de Fado de Barral, cet album vient apporter un éclairage sur une période de l’Histoire que je ne connaissais absolument pas. Vies Volées s’empare ainsi de faits historiques en entremêlant des éléments fictionnels pour retracer le parcours de ces jeunes gens en quête de réponses sur leur passé. Malgré quelques rebondissements liés aux intrigues amoureuses qui tombent parfois dans le piège du prévisible et de la facilité, ces pages ont indéniablement le mérite de mettre en lumière un épisode douloureux de la mémoire d’un pays.
Le trait de Mayalen Goust est assurément des plus convaincants. Ses silhouettes féminines longilignes rappellent parfois Modigliani et son travail de mise en couleur déploie une palette pastel très douce qui contraste avec la dureté du propos. L’élégance et l’aisance avec laquelle elle s’approprie également la lumière et les ombres au fil des cases témoigne d’une jolie maîtrise des nuances ce qui ne gâche pas le plaisir de la lecture.
Il faut briser ce cercle sinistre tu ne crois pas ?
Un album qui parvient à mettre en parallèle la petite et la grande Histoire en montrant une facette de l’Argentine qui n’a rien de bien glorieux. Face au pouvoir de la dictature, des femmes et des hommes sur le chemin délicat et périlleux de la résilience et des secrets de famille qui doucement sortent d’un silence qui en dit long sur les douleurs tues pendant des années.

Une rentrée des bulles que je ne pouvais en aucun cas manquer puisqu’elle est pour la première fois organisée par Fanny. Il s’agit aussi de notre semaine Les classiques c’est fantastique et cette lecture s’inscrit parfaitement dans notre thématique « Sur un air latino« .
La chronique de Fanny qui nous entraîne au Chili.

Échos et prolongements littéraires :
- Sur un air de Fado – Barral
Vies volées – Buenos Aires place de mai Scénario de Matz – Dessin de Mayalen Goust Éditions Rue de Sèvres 15 € / 80 pages / 2018 BD de la semaine – 9e Art – BD historique |
J’avais beaucoup aimé cette histoire, et les dessins bien sûr !
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je crois que je l’avais déjà notée, l’envie se confirme!
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J’avais beaucoup aimé cette BD, et ça me fait penser que je n’ai toujours pas lu Sur un air de fado…
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j’avais adoré cette BD !!
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Nos deux bd racontent des épisodes tragiques de ces pays…La tienne me tente particulièrement car comme toi, j’ignorais cette histoire.
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Quelques fils blancs narratifs pour léger bémol mais c’était une lecture qui m’a beaucoup appris. Et rien que pour ça, cela valait le détour.
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Lu il y a quelques années et j’en garde un excellent souvenir. Cette histoire est effrayante.
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J’avais entendu parler de ce triste épisode, mais j’avais tout de même bien accroché à cette histoire, même si effectivement il y a quelques passages faciles (comme par hasard 😉 !!). Et puis graphiquement c’est très beau.
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Si j’avais aimé l’histoire, j’avais peu apprécié les couleurs !
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J’avoue que j’y suis plutôt réceptive. Cela change un peu des palettes habituelles.
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Un très bel album, je confirme et qui évoque un épisode dramatique de l’Histoire.
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