Et mon coeur fait boum·L'Art du Roman

Liv Maria – Julia Kerninon

Elle était une fille de l’eau, pas du soleil. Elle avait eu envie de porter un manteau chaud et d’être debout sur la dune, sous une pluie battante de minuit, à regarder la lumière des phares maritimes.
 
Elle porte un nom qui nous emmène de la Bretagne à la Norvège et la force d’esprit de celles qui savent combien la vie malmène. Elle a un corps qu’on désire avec ou sans permission et en elle, une envie puissante de se laisser porter là où elle se sentira à sa place, à deux pas ou à des milliers de kilomètres de la ville où elle a vécu. Elle est l’électron libre enivré de mélancolie qui sait aussi se trouver un port d’attache si l’autre en vaut la peine. Berlin, l’Amérique du Sud, l’Irlande auront ainsi le goût des terres qui vous gardent près d’elles tant que le cœur palpite et que les corps ondulent.
 
– Qu est-ce qu’il t’a fait ?
– Seulement ça, dit Liv Maria, montrant ses vêtements froissés, soudain épuisée.
– Ne dis jamais ça, avait sifflé sa mère brusquement, sans la regarder. Ne dis jamais : « seulement ».
Ces deux phrases, Liv Maria y repenserait toute sa vie.

 

Liv Maria incarne à elle seule la toute puissance de la liberté secrètement indomptée. Celle qui sommeille en vous et que la vie vous fait parfois mettre de côté pour ressurgir de plus belle. Elle est mille vies, mille désirs à accomplir, elle et ses bracelets d’or autour du poignet et ses livres à lire et relire, ses hommes à aimer bien que la nostalgie qui la terrasse ne lui renvoie éternellement qu’une seule peau, une seule voix, un seul visage.
 
Que saisissons-nous des gens, la première fois que nous posons les yeux sur eux ? Leur vérité ou plutôt leur couverture ? Leur vernis, ou leur écorce ? Avons-nous à ce moment-là une chance unique de les percer à jour où est-ce que cet espoir est absolument vain, parce que le premier regard passe toujours à côté de ce qui est important ?

 

Julia Kerninon nous livre ici plus qu’un sublime portrait de femme. Elle y glisse – avec un goût prononcé pour les énumérations criantes de beauté – des pensées intimes, un secret inavouable, des regrets amers. Elle revendique, entre les lignes, combien la poésie peut être salvatrice quand les souvenirs sont plus forts que l’oubli  ou les envies d’échappées trop puissantes pour être raisonnables. Et la raison, ça vous échappe. Parfois. Cela vous ennuie. Souvent. Liv Maria Christensen, c’est tout ça. Je crois.
 
Parce que les gens murmurent – les gens se trahissent, ils commettent des erreurs, ils croient dire ce qu’ils disent et taire ce qu’ils taisent, mais bien sûr ils font l’inverse, à leur insu. Les gens murmurent, ils parlent avec leurs cils qui battent, avec leurs oreilles qui rougissent, avec leurs fautes de frappe, et nous les lisons à livre ouvert, à notre insu. Les gens murmurent, et nous les entendons, mais le message est parfois si clair que nous cherchons les complications.
 
BO des pages tournées: Le Vent nous porteraSophie Hunger
 
Échos et prolongements :
Liv Maria – Julia Kerninon
Sublime couverture d’Iliya Haharev
Éditions Gallimard – Collection Folio
Publié initialement chez L’Iconoclaste.
8,40 € / 240 pages / 2020

Famille je t’aime, famille je te hais! / Destin de femmes.
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