Elle se dit qu’elle aimerait revenir à ces jours heureux où la vie se dessinait à travers une brume rosée d’espoir et d’illusion, et possédait un petit quelque chose d’indéfinissable qui avait disparu à jamais.
Anne Shirley a fait bien du chemin depuis son adoption et son arrivée à Green Gables. Désormais jeune adulte, elle mène ses études universitaires avec la passion qui la caractérise et noue de nouvelles amitiés sans jamais négliger celles qui l’ont forgée. La vie à Redmond prend une tournure palpitante lorsqu’elle obtient de Patty, propriétaire d’une pension dont Anne raffole, l’autorisation de louer le domaine et d’y vivre en compagnie de ses amies étudiantes. Ainsi, Priscillia occupe une des chambres et l’extravagante Phil – femme libre et libérée – s’invite auprès d’elles. Si Diana s’apprête à se marier tandis qu’Anne peine à voir son cœur battre pour un homme et toute proposition de mariage semble être un affront à sa personne. Enfin, bien que tout semble la destiner à Gilbert son ami de toujours, cette dernière ne semble pas disposée à le considérer comme il aimerait qu’elle le voit.
De toutes les paroles tristes à dire ou écrire,
Les plus tristes sont : cela aurait pu être !
Anne est définitivement un personnage en décalage avec son temps. Si ses amies se précipitent dans les bras d’un mari, fidèles aux pressions sociales et aux traditions, Anne ne songe qu’aux études et questionne souvent – au fil de ses rencontres et de ses expériences – l’idée d’âme sœur et d’idéal amical ou amoureux. Ses tergiversations se nourrissent de ses déconvenues et lui font observer son entourage avec un regard singulier. Et si cette capacité à regarder le monde qui l’entoure venait lui donner un merveilleux observatoire pour alimenter son désir fou de création ? Parce qu’au fond, si ce roman de l’âge adulte raconte la manière dont Anne et ses ami·es se cherchent, il est aussi le récit de l’émergence d’une vocation qui sied à merveille à celle pour qui l’imagination est un art de vivre.
Elle se demanda si de vieux rêves pouvaient hanter une chambre, si, quand on quittait définitivement la pièce dans laquelle on avait existé et souffert, ri et pleuré, quelque chose de soi, intangible et invisible, mais pourtant bien réel, ne s’y accrochait pas comme un souvenir retentissant.
Après un deuxième tome un peu ronronnant sauvé par l’excellente Mademoiselle Lavendar, j’ai retrouvé l’enthousiasme un peu perdu en cours de lecture. Les enfants d’autrefois sont devenus les adultes d’aujourd’hui et il est ô combien plaisant de suivre les chemins qu’ils prennent, d’être les témoins de leurs maladresses et choix qui ne sont pas toujours synonymes de réussite. La jeune héroïne voit ainsi graviter autour d’elle des personnages désormais récurrents dans l’histoire, certains souffles s’éteignent et finissent par laisser des noms familiers quitter la scène. À ces départs succèdent des personnalités qui attisent la curiosité avec un talent certain.
Les mots ne s’inventent pas, ils éclosent.
Face à tous ces changements de vie et malgré quelques va-et-vient des protagonistes entre Green Gables et Redmond, j’avoue que les chemins fleuris et les allées enchanteresses de Green Gables me manquent souvent. Les retours d’Anne dans la demeure familiale sont un peu trop succincts pour combler ma nostalgie et heureusement que la maison de Patty parvient à recréer ce cocon hors de l’atmosphère bucolique qui m’a tant charmée dans le premier opus. Reste désormais à suivre la route de Windy Willows…
Et mine de rien, je sors le 8e titre de ma PAL pour le challenge En sortir 22 en 2022?
Prolongement et échos :
- Chronique du tome 1 Anne de Green Gables
- Chronique du tome 2 Anne d’Avonlea
- Chronique du tome 3 Anne de Redmond
- Chronique du tome 4 Anne de Windy Willows (À venir)
- Chronique du tome 5 Anne et sa maison de rêve (À venir)
Anne de Redmond (Tome3) de Lucy Maud Montgomery Traduit de l’anglais (Canada) par Laure-Lyn Boisseau-Axmann Couverture de Midori Kusano Fabuleuses Éditions Monsieur Toussaint Louverture, dans l’ingénieuse collection Monsieur Toussaint Laventure 16.50 € / 335 pages / 1915 (2021 pour la présente édition) Les classiques c’est fantastique–En sortir 22 en 2022 ? (8/22) |
Ah cette chère Anne! Tu as l’air d’avoir renoué ou en tout cas d’avoir retrouvé ton enthousiasme par rapport à l’histoire.
Le 2e tome m’attend toujours et j’espère être l’apprécier autant que le 1er .
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Disons que le véritable enthousiasme amputé fut causé par l’attente des tomes suivants. J’ai un peu décroché, lu d’autres choses. Mais cette série me plait. Et j’aime l’idée de suivre les personnages sur plusieurs années pour les voir évoluer… Mon côté grande amoureuse de Zola toussa…
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Dois-je donner sa chance à Anne ? J’avoue que j’hésite, pas sûr que l’on s’entende elle et moi 🙂
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Connaissant ton goût pour les lectures qui griffent et tachent, je ne suis pas convaincue qu’elle soit la bonne personne pour toi. Ceci dit, tu as su parfois montrer que tu avais un cœur tout mou, ta sensibilité pourrait s’en trouver bouleversée.
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j’hésite un peu comme Jérôme mais je tenterais bien tout de même…
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