Loin d’être le peintre célèbre qui marquera l’Histoire de l’Art, le jeune Nicolas Poussin se rend dans l’atelier de Porbus, un confrère expérimenté et enclin à discuter de peinture pendant des heures. Le hasard des rencontres le fait arriver en même temps que le vieux maître Frenhofer, qui semble intarissable quand il se met dans la peau du critique d’art, ne négligeant aucun détail de l’œuvre et ne ménageant pas celui à qui il destine son analyse des plus poussées. Si le tableau semble être une réussite, Frenhofer souligne qu’il lui manque un petit rien pour atteindre la perfection.
Il existe dans tous le sentiments humains une fleur primitive, engendrée par un noble enthousiasme qui va toujours faiblissant, jusqu’à ce que le bonheur ne soit plus qu’un souvenir et la gloire un mensonge.
Refusant de se contenter des mots, il saisit alors lapalette et un pinceau et le voilà qui, en quelques touches, parvient à rendre au portrait de Marie L’Égyptienne toute la grandeur qu’il mérite. Le résultat, spectaculaire, impressionne et force l’admiration. Cette performance le conduit à confier à son tour que, bien que talentueux et à même de redonner tout l’éclat qu’un tableau mérite, il se trouve depuis des années face à une impasse: celle d’achever LE portrait parfait, LE chef-d’œuvre ultime. Manque à ce projet d’une vie LE modèle qui saurait sublimer la toile qui hante son esprit d’artiste. Riche de cet échange et de ces conversations artistiques, Nicolas Poussin suggère, une fois de retour chez lui, à Gillette, sa bien aimée, de poser pour le maître. Vraisemblablement subjugué par son modèle toutes les conditions semblent réunies pour que le tableau voie le jour…
La mission de l’Art n’est pas de copier la nature mais de l’exprimer.
Avec cette nouvelle ayant tardivement trouvé sa place dans La Comédie humaine, Balzac s’intéresse ici au monde de l’Art et de la peinture. À travers un récit concis et somme toute assez expéditif, on retrouve le goût de l’écrivain pour les descriptions qui ne négligent aucun détail et qui s’enorgueillissent d’un lexique technique savamment choisi. Il semble ainsi choisir ses mots comme le peintre excellerait à travailler ses nuances colorées. La page devient palette et l’on sent bien les échos face à l’exigence qu’impose la peinture et la littérature à l’artiste qui s’entiche de ces passions-là. Le Beau et l’Idéal sont décidément des principes qui cimentaient et nourrissaient les réflexions dans le milieu artistique, quelle que soit la forme d’art pratiquée.
La beauté est une chose sévère et difficile qui ne se laisse point atteindre ainsi. Il faut attendre ses heures, l’épier, la presser et l’enlacer étroitement pour la forcer à se rendre.
Néanmoins, si la nouvelle se lit d’une traite, il faut bien admettre qu’elle n’a pas provoqué chez moi l’enthousiasme ressenti à la lecture de Le Père Goriot ou Le Colonel Chabert. Ses personnages – un poil pédants – se perdent parfois dans des discours sur l’art qui viennent rompre avec le fil narratif initial. À mi-chemin entre la nouvelle et l’essai philosophique, le texte – un peu court – manque de ce souffle qui porte les grands classiques et paraît un peu précipité dans sa narration. Il semblerait que le Balzac aux velléités philosophiques trouve moins grâce à mes yeux que le Balzac romancier…
Ce mois-ci, notre rendez-vous classique était consacré à l’Art (sous toutes ses formes) dans la littérature… L’occasion de de frotter à nouveau au grand Balzac que je n’avais pas relu depuis notre battle Balzac VS Flaubert.
Les fantastiques chroniques artistiques classiques de Fanny / Natiora / Lolo / Mumu / Maghily / Marilyne / L’Ourse Bibliophile / Pati / Madame Lit /
Prolongements et échos :
- La femme abandonnée – Balzac
- Les lectures de la Team Classique pour le challenge Balzac VS Flaubert.
- La biographie de Balzac signée Titiou Lecoq
- L‘Œuvre – Émile Zola pour l’amour de l’Art et d’Émile.
Le Chef-d’œuvre inconnu d‘Honoré de Balzac Éditions Gallimard, dans la collection Folio classique 2€ / 128 pages / 1831 Les classiques c’est fantastique (Saison 3) – Art & Littérature. |
Tiens, tu es sur Balzac toi aussi. Comme toi je n’ai pas été très emballée par les deux nouvelles que j’ai lues. Je crois que je le préfère en romancier. Dans les nouvelles il met du long sur du court et du coup ça devient très long… bonne journée !
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Comme toi, c’est en romancier qu’il parvient à capter mon attention. Et je trouve que tu résumes parfaitement bien les choses !
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Je ne connaissais pas ce texte, mais je ne vais pas en faire une priorité après ta chronique, je vais plutôt rester sur mon idée de relire Le père Goriot !
J’ai moi aussi croisé la route d’un Tolstoï plus philosophique que romancier, ou en tout cas, plus enclin à exposer des thèses sur le couple qu’à nous transporter par son histoire, et ça a été une déception alors que je garde un très bon souvenir (quoique très flou, les années ayant fait leur job de gomme) d’Anna Karénine.
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J’avoue que j’ai un peu de mal à me montrer enthousiaste tant ce texte m’a paru loin de ce que j’attends quand je lis un roman/une nouvelle du XIXe.
(Et Anna Karénine… Quel souvenir !)
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Katell en parle de manière plus convaincue que toi, c’est amusant d’avoir un titre qui divise : nous allons devoir nous faire notre propre opinion ! Malgré tout, ça reste un titre que je ne pense pas lire de sitôt…
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J’ai adoré cette nouvelle, notamment le portrait du vieux maître. C’est vrai que le récit flirte avec l’essai, que ce n’est pas du tout la même atmosphère que dans les romans. Cela fait une éternité que je n’ai pas lu Balzac ( que j’aurai choisi VS Flaubert 😉 )
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De mon côté, j’avoue que l’enthousiasme n’a pas été au rendez-vous avec ce titre… Je pense que je lirai Les Illusions perdues pour me réconcilier avec le souffle romanesque qu’il me manquait.
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« Personnages pédants », c’est exactement ce que je retrouve dans toute l’œuvre de Balzac, il me fatigue ! Et je n’avais pas aimé ce chef d’œuvre inconnu (qui aurait mérité de le rester).
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J’avoue qu’il ne me laissera pas un souvenir de lecture plaisant. C’est une certitude.
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J’ai choisi le même écrivain que toi mais j’ai opté pour un autre bouquin de La comédie humaine abordant l’Art. Ce cher Balzac, il m’a fait plaisir de le relire et c’est grâce au défi!
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Le titre que tu as choisi est sur ma liste d’envie. Je manquais de temps pour m’attaquer à un roman plus long mais j’y reviendrai.
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J’ai une copine qui, si elle l’aime, me le prêtera. Je n’ai pour ma part encore jamais lu un seul livre d’Honoré de Balzac (lui qui a pourtant été si prolifique), j’espère que ça fera une bonne entrée en matière !
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Hum… Autant dire que cela ne me paraît pas être la meilleure idée pour une première. Le Père Goriot semble plus à même de jouer ce rôle. (Selon moi…)
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Je n’avais jamais entendu parler de cette nouvelle. Bien que je n’ai pas encore lu beaucoup de Balzac pour le moment, mon préféré de lui reste pour le moment est « La peau de chagrin ».
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N’étant pas une grande adepte de Balzac, je passe mon tour d’autant plus que tu sembles mitigée.
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Je crois qu’aucun de ses textes ne me touche plus que Le Père Goriot.
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Lu quand j’étais ado avec Eugénie Grandet, ces lectures imposées m’ont laissé un très mauvais souvenir…
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Un bon choix et malgré tes petits points négatifs, je me le note 🙂 Désolée de ne pas avoir déposer mon lien lundi… J’ai lu L’Autre Paris d’Ivar Lo-Johansson (1954), un écrivain suédois (apparemment très peu connu en France) qui est venu en France en 1925 puis au début des années 50 pour écrire L’Autre Paris avec un photographe : l’édition suédoise est un beau livre de photos ce qui n’a pas été possible à l’éditeur français mais l’auteur parle de l’Art, le parallèle entre les peintures au Louvre et la réalité dans la rue et sous les ponts, l’architecture de Paris et son évolution, les sculptures et mausolées au cimetière des chiens, etc., bref c’est surprenant 🙂 https://pativore.wordpress.com/2022/06/27/lautre-paris-divar-lo-johansson/
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Tu as plus apprécié que moi, j’avoue que je m’y suis un peu ennuyée… voici mon lien tardivement
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« Il met du long sur du court » merci La Comète pour ce commentaire qui résume ce que je pense de l’auteur 😁
( sauf pour le père Goriot, ne t’inquiète pas !)
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J’aime ta comparaison du choix des mots avec le choix des couleurs du peintre. Cette nouvelle m’a beaucoup plu, j’ai adhéré au discours sur l’art enchâssé dans l’histoire. Ce n’est pas encore cette fois que Balzac me décevra !
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Ah bah mince alors, moi qui pensais tenter de renouer avec Balzac par ses nouvelles, tu as à deux doigts de me convaincre de l’inverse 😉 En tout cas ce texte faite jaser…
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Je pense que certaines nouvelles sont excellentes. Cela reste Balzac. Mais celle-ci ne me laissera pas un souvenir impérissable.
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