C’est qu’il en impose ce bâtiment parisien quand on pose ses bagages provinciaux et que l’on souhaite ardemment intégrer le petit microcosme de la capitale. De Rastignac à Octave Mouret, les ambitions folles et l’appétit de réussite sont encore et toujours de mise. Lorsqu’il arrive pour se trouver une chambre dans cet immeuble bourgeois de la rue Choiseul, Octave comprend vite que pour s’offrir une place aux bonnes tables il faut savoir séduire et faire de ses maîtresses un sésame pour ouvrir les portes qui mènent à la réussite sociale. Son Graal ? Madame Hédouin, femme mariée – mais délaissée – propriétaire d’une petite boutique de tissu: Au Bonheur des dames. D’autres jupons plus légers et faciles seront assurément un tremplin pour approcher celle qu’il convoite tant.
Ainsi, il repère assez rapidement tous les mécanismes intimes qui régissent la vie dans cette demeure qui se veut le théâtre de bien des intrigues amoureuses. Ici, les hommes trompent leurs épouses sans aucun scrupule et les femmes qui s’ennuient se laissent aisément séduire si le charme opère. Derrière la façade prestigieuse, les vices supplantent la vertu et l’adultère est un jeu auquel l’on s’adonne joyeusement tant que l’on feint de savoir qui mène la danse. Les bons petits bourgeois et les femmes de bonne famille tombent les masques et l’on se réjouit d’entrouvrir des portes dérobées qui mènent aux plaisirs de la chair. Voisins, gouvernantes, amants, filles de joies: ainsi se côtoient des mondes qui ne peuvent se mêler que dans l’ombre des secrets – plus ou moins – bien gardés. Il faut bien l’avouer, personne n’est dupe et tout le monde sait, sans toujours mettre un nom sur les associations d’un soir ou sur les rendez-vous réguliers. Mais les murs sont fragiles, à l’instar des couples qui s’adonnent à ces escapades au goût d’interdit…
Comment peut-on jamais se lasser d’un tel spectacle?
Il y a dans ce roman social de nombreux échos avec Le Père Goriot de Balzac et sa pension Vauquer. Zola focalise toutefois son récit sur les relations amoureuses mais il s’agit bien évidemment de mettre en lumière le règne des faux-semblants et de l’hypocrisie. Cédric Simon et Éric Stalner parviennent à retranscrire assez fidèlement tout l’esprit du roman zolien. Ils font de l’immeuble de la rue Choiseul un espace labyrinthique qui rend possible toutes ces rencontres entre amants infidèles et font de la cour centrale l’espace de toutes les confidences entre les oreilles attentives et les bouches trop bavardes. L’intrigue qui se noue entre Octave Mouret et Madame Hédouin témoigne des prémices de la montée en puissance d’un Octave, futur héros du sublime roman Au Bonheur des dames.
Là où le bât blesse, c’est assurément du côté des dessins qui ont un côté un peu trop daté à mon goût. Si les personnages de Zola ont des trognes sacrément bien croqués, cette esthétique-là ne me touche à aucun moment. Un titre de facture très classique et un poil ancré dans un univers graphique qui ne saurait s’encombrer d’audaces de mise en scène. Notons également la reprise presque à l’identique de certaines planches ou de cases qui ont un goût de travail parfois un peu vite expédié… Cela manque assurément de surprise et paraît un peu trop convenu et consensuel face à la puissance du verbe et du sens de l’emphase de Zola.
Chronique qui s’inscrit dans notre RDV Les classiques c’est fantastique pour ma semaine consacrée au XIXe siècle.
Échos et prolongements : mes chroniques zoliennes.
Pot-Bouille d’Émile Zola par Éric Stalner & Cédric Simon Éditions Les Arènes BD 20 € / 144 pages / 2020 Les classiques c’est fantastique ! / On a une relation comme ça E.Zola et moi |

D’accord avec toi pour les dessins, dommage
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Pot-Bouille est justement l’un des Zola qui me tentaient. Par-contre je passerai mon tour sur la BD qui graphiquement me laisse indifférente…
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Donc, on relit plutôt le roman !
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Absolument !
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Je vais d’abord me diriger vers le roman alors.
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Esthétiquement ce n’est pas trop ma came non plus… Mais bon… Zola ♥
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Bonsoir Moka, avec quelques jours de retard, ( sorry…) je célèbre le XXe siècle: https://auxbouquinsgarnis.wordpress.com/2022/04/29/la-chatte-sur-un-toit-brulant-tennessee-williams/
A bientôt !
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mouais, je passe mon tour 😀
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Je passe mon tour. J’avais été déçue de l’adaptation du livre « Au bonheur des dames », je ne veux pas réitérer l’expérience avec un roman que je n’ai pas encore découvert.
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Ah mince ! J’étais en train de me demander si j’avais lu ce roman là. Peut-être privilégier l’original pour le coup donc.
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Ah complètement. Toujours privilégier le Grand Zola.
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C’est vrai que le dessin est un poil classique. Mais cette adaptation reste excellente !
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Je pinaille. Je suis loin d’apprécier ce trait. Mais je suis compliquée quand il s’agit d’adapter mon chouchou littéraire. En revanche, je te rejoins, c’est excellent dans le travail d’adaptation du roman. C’est d’ailleurs sur tes conseils que je l’ai achetée il me semble. (Ravie de te lire par ici en tout cas.)
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Graphiquement cela m’attire peu… mais ce serait l’occasion pour moi de découvrir ce texte quand même…
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Quitte à découvrir le texte, autant aller le savourer à la source.
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Tu as raison, je vais essayer de voir pour le trouver…
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je crois que je vais me contenter du roman… que je crois n’avoir jamais lu (est-ce possible? Zéro souvenir en tous cas !!)
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Je t’invite à le lire. J’aime l’idée qu’il pose les jalons de l’immense Au Bonheur des dames.
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