S'essayer à l'Essai.

Moi les hommes, je les déteste – Pauline Harmange

Ne pas entendre les émotions d’un interlocuteur est un choix. Celui de ne pas vouloir comprendre leur origine, et refuser d’envisager qu’on puisse en être responsable.

Il y a celles et ceux qui n’iront pas plus loin que la simple lecture agacée de ce titre. Ces mêmes qui commenteront à tout-va et à qui clameront à qui veut bien l’entendre combien ce titre scandaleux les dérange sans même en tourner la moindre page. Ces mêmes, encore et toujours, très loquaces quand il s’agira d’alimenter une fausse polémique qui détourne du vrai sujet mais absolument taiseux·ses quand il s’agit d’envisager d’ouvrir les yeux (et la bouche) face à ce que ce bref essai dénonce ou met en exergue.

On ne peut pas comparer misandrie et misogynie, tout simplement parce que la première n’existe qu’en réaction à la seconde.

Sous ce titre, indéniablement provocateur, des pages qui cherchent à clarifier et illustrer la notion de misandrie et la palette de motifs pouvant conduire à cet état de pensée. Loin d’être un manifeste haineux à l’encontre du sexe masculin, ce texte tente de rappeler à partir d’arguments plombants ou de faits glaçants combien les femmes subissent de plein fouet cette domination masculine séculaire.

Certes, rien de nouveau sous le soleil. Si ce n’est que peu à peu, on parle, on dénonce, on débat, on s’exprime, on s’insurge et on gagne en visibilité. On acte, on met en lumière, on réaffirme. Et cela vaudra toujours mieux que de ne rien dire ou se contenter d’admettre, comme une capitulation ancrée dans nos esprits blasés qu’il en est ainsi et qu’il n’en sera jamais autrement. En cela, ce texte tente partiellement de s’attaquer aux idées reçues et clichés véhiculés dès l’enfance et qui sont extrêmement tenaces et d’autant plus difficiles à déconstruire.

Notre misandrie fait peur aux hommes, parce qu’elle est le signe qu’ils vont devoir commencer à mériter notre attention. Qu’être en relation avec les hommes n’a rien d’un dû, d’un devoir de notre part, mais que, comme toute relation équitable, elle nécessite que toutes les parties engagées fassent un effort pour traiter l’autre avec respect.Tant qu’il y aura des hommes misogynes, des hommes qui s’en lavent les mains et une société qui les accepte et les encourage, il y aura des femmes qui lassées, refuseront de faire encore les frais de relations épuisantes et même parfois dangereuses.

Si le contenu m’a très souvent parlé – ou permis de poser de nombreux visages sur les propos ou attitudes dénoncés chez les hommes – il est juste un poil regrettable que Pauline Harmange fasse de ce sujet si dense et complexe, un texte qui ne soit pas assez étoffé à mon goût. J’aurais assurément apprécié qu’il gagne en longueur pour développer un peu plus son raisonnement et les questionnements en germe dans ces pages.  J’ajouterai à cela que lorsque l’on commence à s’éduquer un peu sur cet épineux déséquilibre dans les rapports hommes-femmes, cet essai peut paraître un peu bref pour venir alimenter ou enrichir des réflexions qui ont déjà fait leur chemin au fil d’autres lectures.

J’ai longtemps fait passer les hommes en premier : ils m’ont pris tout mon temps sans beaucoup me donner en retour, m’ont demandé d’être constamment meilleure à leurs yeux, sans chercher à être meilleurs aux miens. J’ai compris que si, moi, je leur donnais beaucoup de place dans ma vie, je n’étais pas leur priorité. D’autres hommes passeraient toujours avant l’estime qu’ils me portent. Alors maintenant, je privilégie les femmes. Dans les livres que je lis, les films que je regarde, les contenus que j’absorbe, dans mes relations quotidiennes, pour que les hommes n’aient plus autant d’importance. Je privilégie cette sororité qui me fait du bien et qui me porte, qui me nourrit. Dans ma créativité, dans mon militantisme, dans mes réflexions sur moi-même et sur la société, tant de domaines où, je l’ai enfin compris, je n’ai pas besoin des hommes pour me construire. 

Néanmoins, face à ce constat sociétal qui n’a rien de bien réjouissant, les dernières pages apportent une ouverture plutôt lumineuse et bienvenue dans l’idée de faire une place à la sororité et à l’estime de soi. Celle qui ne passe pas par l’approbation du regard masculin à tout prix, celle qui construit plus qu’elle ne contraint ou enferme. Et ces questionnements-là ont le mérite d’être aussi pertinents à mes yeux que les effervescentes réflexions que laisse entrevoir ce genre d’ouvrages, aussi dérangeant puisse-t-il paraître. Pendant que l’on s’insurge de petits riens, on tait finalement l’essentiel d’un combat qui a encore bien des obstacles devant lui.

On confond souvent colère et violence, pourtant ces deux mots ne vont pas toujours de pair. La colère d’être traitée en inférieures n’est pas comparable avec la violence des hommes qui nous humilient, nous violent et nous tuent, ni même avec les violence des hommes qui nous ignorent, nous tournent le dos et nous rient au nez.

Et voilà mon numéro 2 du défi En sortir 22 en 2022.

Prolongements et échos:

Moi les hommes, je les déteste – Pauline Harmange
Éditions du Seuil
12€ / 96 pages /2020
S’essayer à l’essai – En sortir 22 en 2022.

13 réflexions au sujet de « Moi les hommes, je les déteste – Pauline Harmange »

  1. Le titre est provocateur c’est certain, mais si on ne provoque pas de nos jours, il ne se passe rien, on peut le regretter mais c’est ainsi .. Tu me donnes envie de l’emprunter à la bibli, même si je crains qu’il ne m’apprenne pas grand chose. J’ai déjà beaucoup lu sur le sujet.

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  2. Une ébauche peut-être d’un sujet très dense et pas toujours simple…. Enoncer des faits oui, pourquoi pas ce n’est jamais inutile mais sans approfondissement cela risque des rester lettres mortes et n’apporte pas une réflexion 🙂

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    1. Un texte comme celui-ci ne reste pas lettre morte pour quelqu’un comme moi en tout cas. Il a le mérite de jouer les piqures de rappel quand on commence à s’intéresser à la question… Reste à voir ce qu’il soulève comme questionnements chez chacun·e…

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