L'Art du Roman·Que jeunesse se fasse...

L’Île – Vincent Villeminot

Quand tout bascule et bouscule.

On va devoir compter encore plus les uns sur les autres.

Elle est la terre familière, le terrain de jeu de leur enfance et de leur adolescence, à quelques kilomètres du continent à marée basse. Tous les habitants se connaissent et ont grandi sur cette île d’A. Certain·es l’ont quittée pour leurs études, mais savent y revenir après s’être éloigné·es. Lorsque d’immenses colonnes de fumée s’érigent sur le continent, la bande d’ami·es voit bien les fronts préoccupés des adultes qui s’affairent. Ils comprennent, sans laisser une trop grande place au doute qu’un événement terrible va venir bouleverser leur si chère sérénité.

Car ça isole le malheur, le malheur absolu.

Avec une rigueur méthodique et sous l’impulsion de la mairesse et de ses conseillers, chacun prend en main le destin collectif de l’île. Si tout n’est que dévastation et chaos sur la côte, l’île devra coûte que coûte être protégée comme un trésor précieux. Mise en commun des ressources, surveillance accrue des rivages, scolarité aménagée et rationnement sont de mise. Avant même de comprendre ce qui se joue réellement, l’idée est de rester unis et d’assurer le bien-être de tous. Belle idée n’est-ce pas? Très belle idée. Mais l’utopie communautaire va malheureusement vite prendre du plomb dans l’aile.

Ce besoin impératif que l’autre saigne. Et cette rage, cette rage inaltérable, folle, que rien ne vient calmer sinon la mort de l’autre, je l’ai vue. Alors j’ai su. J’ai su que l’Amok l’avait contaminé. Qu’il était passé d’un corps à l’autre.

Fragile nature humaine.

À travers un habile jeu narratif de va-et-vient entre passé et présent, le récit prend immédiatement une tournure captivante qui nous laisse entendre que peu échapperont à la folie qui s’empare de chacun·e. (Et lorsque l’on a déjà lu les romans de Vincent Villeminot, l’on sait combien l’existence de ses personnages peut être précaire…) Les petits commentaires bien sentis du narrateur laissent s’exprimer des tensions palpables, dévoilant les fragilités à venir, les plans voués à l’échec et les conflits d’intérêt qui rendent les promesses incertaines et les alliances absolument vaines.

Si tu veux consoler quelqu’un, commence par lui rappeler qu’il a de bonnes et justes raisons d’être triste. Il faut prendre la tristesse au sérieux.

Dès lors, l’on cherche à savoir, avec une impatience évidente, quel·les seront celles et ceux qui échapperont à un sort funeste. L’Île est un roman dans lequel miroitent les faiblesses et les peurs humaines, il nous entraîne du côté de la frontière fragile et invisible entre la confiance et la méfiance, questionne nos relations aux autres avec beaucoup de profondeur et soulève des interrogations d’ordre philosophique et sociologique. Un titre qui fera écho à d’autres romans de l’auteur qui semble particulièrement attaché à l’exploration subtile de ces thématiques d’une actualité évidente.

C’était un retour à la vie, ces désertions, ces secrets…

D’abord feuilleton, le roman que tant de lecteurs et lectrices ont suivi jour après jour durant notre première expérience de confinement a trouvé sa version papier. Plongée au même moment dans l’incroyable Nous sommes l’étincelle, je n’ai pas pu suivre le récit quotidien de ces héros si particuliers. Je vivais donc – d’un œil lointain et curieux – tout l’enthousiasme que cette lecture épisodique provoquait sur les plus assidu·es. Je comprends désormais toute la ferveur de l’attente et l’envie, tenace, de connaître le destin de ces vies insulaires en perdition.

Vincent Villeminot au milieu des livres:

Prolongements et échos littéraires:

L’Île de Vincent Villeminot
Éditions Pocket Jeunesse
 18,90€ / 456 pages / 2021
Que jeunesse se fasse – Roman post apocalyptique

12 réflexions au sujet de « L’Île – Vincent Villeminot »

    1. La violence est finalement assez « contenue » en dehors de quelques extraits. Ce qui est violent, c’est le décalage entre les attentes du groupes, leur belle volonté malmenée à l’épreuve de la réalité. Je trouve ça pas mal de commencer avec ce titre bien que ma préférence aille à Nous sommes l’étincelle.

      J’aime

  1. De cet auteur, je n’avais pas trop apprécié « Stéphane » de la série U4. Par contre, j’ai bien rigolé avec « Ma famille normale contre les zombies » et bien aimé aussi « Le copain de la fille du tueur ».

    Aimé par 1 personne

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