Et mon coeur fait boum·Instants poétiques·L'Art du récit·O.L.N.I

Les souvenirs et les regrets aussi – Sara Gréselle

Première fois qu’on se rencontre, on s’embrasse.
Deuxième fois qu’on se voit, on fait l’amour.
Troisième fois qu’on se retrouve, on se sépare… déjà ?

Des hommes. Des femmes. Des sensibilités qui se croisent, s’effleurent, se heurtent. Et autant de raisons pour nous de leur octroyer une place dans la mémoire de nos souvenirs blessés et de nos regrets tenaces. Sara Gréselle dépose sur chaque page, une bribe de conversation, un monologue cinglant, un soupçon d’introspection. Elle y dit l’homme qui part au petit matin pour ne jamais revenir, celui ou celle qui aurait pu n’être qu’un corps mais qui promettait bien plus. Elle raconte celui qu’on tente à bras le cœur de céder à l’oubli, en vain et que l’on aurait préféré ne jamais recroiser ce matin-là. Elle écrit la plaie béante que l’on remplit d’orgueil pour ne pas montrer ce que le départ de l’autre a dévasté en nous. Elle rappelle aussi l’envie, celle qui fait de l’autre un corps ou un esprit désirable. Elle n’omet pas de consigner, du bout de sa plume, les moments dépourvus de fierté, la séparation douloureuse, l’ennui que l’autre fait naître en vous donnant l’envie d’emprunter les chemins de traverse. L’amour fou. L’amour lâche. L’amour perdu. L’amour inassouvi. L’amour qu’on n’attend plus. L’amour qui grise, avec plus ou moins de légèreté.

Le mec n°8 dit: ce que nous désirons n’est pas d’être aimé, mais d’être préféré.

Qu’importe l’autre. Qu’il soit homme ou femme, c’est avant tout le sentiment amoureux que Sara Gréselle convoque dans ce petit livre hybride, tantôt témoignage, tantôt poésie. Elle impose ainsi son art de la brièveté et du récit fragmentaire qui fait mouche. Il faut pour être (encore plus) sensible à ses mots avoir – peut-être – été de ces hommes ou de ces femmes-là, et reconnaître au fil des pages, un peu de nos amours écorchées et de nos faiblesses murmurées. Une balade poétique entre souvenirs et regrets qui dépose sur notre route quelques illustrations et  collages, également nourris de poésie.

J’essaie d’être toutes ces femmes que je pense avoir en moi. Toutes en même temps. Toutes à la fois. Cela provoque des séismes.

Entre les pages, les feuilles séchées et collées, s’offrent une place auprès des illustrations crayonnées, comme un écho parfait aux mots de Prévert placés en exergue de l’ouvrage. Des feuilles aux amours mortes, l’éphémère et la fragilité comme points d’ancrage. Que son crayon dessine ou s’empare des mots, Sara Gréselle nous livre une prose poétique moderne, miroir mélancolique et nostalgique de nos parcours amoureux. Un titre doux et singulier qui ne manque pourtant pas d’amertume et d’acidité, mais qui rend joliment hommage aux tumultes de nos histoires d’amour vécues ou encore à vivre…

J’aime les détails. J’ai toujours aimé ça. Un détail, et tout bascule. Ça peut vous ruiner vingt ans de vie commune.

Un si beau petit livre (déjà lu et relu) en ce mois de mars au féminin et des mots qui accompagnent avec justesse cette édition du Printemps des poètes qui clame toute la beauté du désir.

Le site de Sara Gréselle.

Les Souvenirs et les regrets aussi de auteur•rice
Éditions Esperluète, dans la collection L’Estran
14€ / 56 pages / 2021
Et mon cœur fait boum – Instant poétique – Printemps des poètes

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