Parfois, quand tout allait bien, je crois que mon père aimait vraiment avoir une famille.
Alison Bechdel grandit dans une famille d’intellectuels particulièrement frustrés. Perdus dans un petit coin d’Amérique trop étriqué pour eux, ils s’habituent tant bien que mal à cette petite vie loin de leurs aspirations littéraires et artistiques. Dans une narration éclatée, elle relate donc les épisodes marquants de son enfance à l’âge adulte au sein d’une famille qui peine à admettre qu’elle n’est plus que tristesse, ennui et mensonges. Se dire, c’est une chose, mais cet album autobiographique est aussi et surtout une manière de parler de son père, décédé subitement lors d’un accident aux allures de suicide.
Il est tentant de suggérer, après coup, que notre famille était une imposture.
Dans ce surgissement de souvenirs et d’introspection, l’autrice aborde les bouleversements adolescents: éveil à la sexualité, découverte d’un corps qui change et qu’il faut apprivoiser ou apprendre à aimer… Intellectuellement, elle se construit à travers sa boulimie littéraire et se passionne pour des auteurs comme Camus ou Colette. Cet amour infini des livres la liait d’ailleurs à son défunt père sans pour autant parvenir à les rapprocher complètement. La distance pudique installée entre eux peinait alors à laisser une place à la spontanéité et à la tendresse.
Sa gentillesse était aussi incandescente que sa colère était sombre.
Cette bande-dessinée autobiographique a, avouons-le, un petit côté Six feet under avec quelques scènes qui se font écho mais sans que l’humour soit véritablement de mise. C’est une lecture mitigée que ce récit de vie au cœur d’une famille de grands névrosés. Si j’ai aimé le propos sur la quête de l’identité sexuelle de l’héroïne, je suis parfois restée en retrait face aux jeux de miroirs littéraires un peu trop pompeux et aux nombreuses références parfois lourdement convoquées. (Les parallèles entre leur vie et le roman Ulysse de Joyce sont un peu too much ) Du côté des illustrations, le trait est simple rehaussé d’un lavis grisé et sans fioriture: efficace (peut-être un peu trop froid) sans pour autant marquer les annales.
Nous n’avions que nos moi.
Fun home est indiscutablement une BD qui se perd parfois dans des longueurs et digressions qui auraient pu être allégées. Le rapport à la figure paternelle dans toutes ses failles et maladresses m’a finalement bien plus intéressée que leurs tergiversations intellectuelles parfois peu convaincantes à mon goût. Si le récit sait être sensible – et heureusement que cet aspect est palpable – il se gâche parfois par excès de références qui noient – à regret – l’analyse fine et pertinente du regard qu’Alison Bechdel porte sur son deuil intime et sur cette famille complexe, pleine de petits secrets.
Le chagrin peut avoir différentes formes. Jusqu’à l’absence de chagrin.
Une BD – qui prenait la poussière depuis des années – sortie de ma PAL en cette semaine consacrée aux grands classiques autour des histoires de famille(s) sur le blog. Le thème s’y prêtait donc à merveille et ce n’est pas Fanny qui va me contredire!
Fun home – Une tragicomédie familiale – d’Alison Bechdel Traduit de l’anglais USA par Lili Sztajn et Corinne Julve Éditions Denoël Graphic 24€ / 238 p / 2006 |
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Chroniques des amoureux·ses des bulles
Hélène Blandine Jérome Noukette
Jamais entendu parler d’Alison Bechdel… Ce n’est pas avec cet album que je vais essayer d’en savoir plus ! Quant à moi je n’avais rien qui cochait toutes les cases classique – BD – histoire de famille, je passe donc mon tour pour ce mois-ci, mais ça tu l’auras déjà deviné ^^ Bon mercredi !
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Cet album a fait pas mal de bruit à sa sortie… Il était très pratique pour moi qu’il « tombe » cette semaine !
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Je ne connais pas Alison Bechdel, le thème a de quoi me plaire mais ton avis mitigé ne m’en fera pas faire une priorité.
Ravie de constater que je ne suis pas la seule à faire patienter des années durant certains livres 😉
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Le thème me plaisiait aussi beaucoup. Je pense que l’emprunt peut être un bon entre deux pour se faire un avis !
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Cette couv’ me dit effectivement quelques chose mais ton faible enthousiasme m’arrête un peu… Pas certaine de tenter la découverte !
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Très enthousiaste jusqu’à mi parcours. Puis la lassitude s’est vite installée. Je retiens certains passages malgré tout mais comme tu le dis bien, avec un tout petit enthousiasme.
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un de moins dans ta PAL, mais elle ne va pas allonger ma liste d’envie!
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C’est l’idée !
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J’ai lu ce roman graphique quelques temps après sa sortie (autre couv, donc) et j’en étais ressorti aussi mitigé que toi… J’ai trouvé l’ensemble très froid, trop « analytique » pour être un tant soit peu émouvant.
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C’est vrai que c’est assez froid. Même si tu saisis une forme de sensibilité discrète. Quelques passages y échappent mais ils sont trop rares à mon goût.
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Un classique contemporain donc 😉
Mais je vais passer mon tour vu ce que tu en dis…
Beau mois de décembre 🙂
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BD ici choisie plus pour le thème que pour le côté classique. Quoique… Certain•es la présentent déjà comme un titre incontournable des BD autobiographiques.
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J’ai beaucoup aimé cette BD ! Elle en a fait une aussi sur sa mère mais je n’ai pas encore eu l’occasion de la lire – bientôt, j’espère.
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J’avoue que mon enthousiasme est moins prégnant que le tien, même si certains passages m’ont plus plu que d’autres.
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C’est vrai qu’il y a parfois des longueurs mais elles ne m’ont pas gênée. Cela dit, je redoute un peu de lire la BD sur sa mère (peut-être juste parce que je n’en connais pas le sujet – c’est volontaire, je veux découvrir). Tu comptes la lire ou « Fun Home » t’a suffit ?
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Je pourrais tout à fait tenter le deuxième titre. Cette lecture ne m’a pas du tout découragée pour ça ! Mais j’emprunterai plutôt l’album.
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Je l’ai lue il y a longtemps et j’ai le souvenir d’avoir apprécié ma lecture mais je suis incapable de me rappeler les épisodes de l’histoire.
Et bien joué pour avoir choisi une bd dans le thème, on devient sacrément fortes !
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J’avais aussi un manga mais celle-ci était depuis trop longtemps sur mes étagères… Et il fallait que n’assure quand je vois la semaine que tu nous proposes sur ce thème.
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pas pour moi, je passe
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Passe donc…
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Il y a des livres comme ça, où le soufflé retombe au cours de la lecture. On va au bout mais on aurait très bien pu reposer et oublier.
A voir si je croise celle-ci 😉
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C’est exactement ça. Et c’est bien dommage…
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Un des rares albums que je n’ai pas pu lire jusqu’au bout ces dernières années. C’est tellement chiant, mais tellement chiant…
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Haha ! Je suis plus modérée que toi tout de même. Mais dis-moi, cela date un peu mais je me demande: ce ne serait pas un cadeau que tu m’as fait?
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Nous l’avons à la médiathèque, je vais y jeter un oeil. Malgré ta réserve, ma curiosité est piquée.
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