C’est donc là, songeait-elle, cet homme formidable qui fait trembler Carthage…
Troisième siècle avant Jésus-Christ. Les guerres puniques s’achèvent et le destin de Carthage vacille face aux mercenaires qui se révoltent, faute d’avoir obtenu l’argent qui leur est dû pour leur implication dans les combats. Méprisés, ils expriment leur colère en saccageant la propriété d’Hamilcar – leur général – lors du banquet censé célébrer ce soir de victoire. Face à ce pillage, Salammbô, fille d’Hamilcar – tente d’apaiser leur rage. Beauté divine, incarnation de la piété et de la pureté, elle hypnotise les hommes et Mâtho, mercenaire, succombe en un regard. Là voilà qui devient à la fois l’objet d’un désir furieux et obsessionnel et une raison de combattre à nouveau, car, s’emparer de Carthage, c’est aussi prendre le droit d’obtenir la sublime fille d’Hamilcar. Fou amoureux, Mathô tente par tous les moyens – et souvent bien maladroitement – d’obtenir les faveurs de celle dont il s’est épris et ce, quel qu’en soit le prix.
Il la réservait pour quelque alliance pouvant servir sa politique, si bien que Salammbô vivait seule au milieu de ce palais ; sa mère, depuis longtemps, était morte. Elle avait grandi dans les abstinences, les jeûnes et les purifications, toujours entourée de choses exquises et graves, le corps saturé de parfums, l’âme pleine de prières.
Avec Salammbô, Flaubert s’éloigne radicalement des contrées normandes et des petits milieux bourgeois. Nous voilà à des kilomètres de sa région natale, au cœur de cette cité tunisienne ravagée par la guerre. La perte des repères est totale et il faut savoir s’accrocher à cette lecture qui réveille votre bagage lexical – à en faire pâlir votre adversaire au Scrabble – et dépoussière vos notions d’Histoire. Matières précieuses, déclinaisons des noms des peuples barbares, végétaux foisonnants, terminologies et stratégies guerrières: rien n’échappe à l’œil acéré d’un des maîtres du réalisme français, toujours soucieux de dire le monde dans sa vérité la plus criante par le biais de la fiction.
Entre les diamants de son collier, des places sur sa poitrine nue resplendissaient; on sentait derrière elle comme l’odeur d’un temple, et quelque chose s’échappait de tout son être qui était plus suave que le vin et plus terrible que la mort.
Salammbô est une lecture exigeante, complexe et parfois décourageante. Il faut, à l’instar des combattants sur les sols poussiéreux qui mènent vers Carthage, s’armer de courage et de volonté pour braver ces lignes qui rappellent la boucherie héroïque voltairienne que Flaubert aurait gorgée d’un puissant souffle épique homérique. La guerre n’est dans ces pages qu’un puits sans fond où bouillonnent les esprits belliqueux, le sang des cadavres, les petits pouvoirs et les grandes rancœurs…
Mathô voulut s’étourdir avec du vin. Après ses ivresses il était plus triste encore.
Mais au cœur de ce tourbillon d’affrontements et de fureurs humaines surgit Salammbô. Sa présence irradie les pages et elle semble tout droit sortie d’un écrin précieux méticuleusement façonné par la plume de Flaubert. Sa présence contraste évidemment avec la barbarie ambiante qui règne entre les peuples. Difficile pour moi d’éprouver le moindre plaisir face à ces interminables passages de combats violents et sanguinaires et ce malgré la grandiloquence du récit qui les porte. De cette fange macabre, seule la solaire Salammbô a été capable d’accaparer mon attention par sa présence ô combien magnétique. Comme tous les personnages qui ont croisé sa route, j’ai été fascinée par cette héroïne profondément tragique, capable de cristalliser autour d’elle tant d’enjeux et de tourments. Elle est assurément la raison de lire ce roman parfois éprouvant qui a la réputation d’être indigeste et ennuyeux. Un vrai défi littéraire pour moi qui ne pensais pas atteindre la centième page de ce texte qui laisse flirter l’obscure et le sordide avec le lumineux et le splendide.
Oh ! Si tu savais, au milieu de la guerre, comme je pense à toi ! Quelquefois, le souvenir d’un geste, d’un pli de ton vêtement, tout à coup me saisit et m’enlace comme un filet ! j’aperçois tes yeux dans les flammes des phalariques et sur la dorure des boucliers ! J’entends ta voix dans le retentissement des cymbales. Je me détourne, tu n’es pas là ! Et alors je me replonge dans la bataille !
Les chroniques de Fanny, Natiora, Alice, Paolina, Pati pour ce lundi flaubertien. Qui de Gustave ou d’Honoré aura eu la préférence de mes co-lectrices?
Salammbô de Gustave Flaubert Éditions Gallimard, dans la collection Folio classique 6,90 € / 544 pages / 1874 (2005 pour la présente édition) Les classiques c’est fantastique ! – Littérature française – XIXe mon amour |
J’avais lu des extraits en secondaire et franchement ce n’est pas celui de Flaubert qui me tente le plus.
Je lui préfère son réalisme des bourgeois 😉
Et nous aurons aussi l’occasion de parler de lui cette semaine !
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Pour avoir désormais lu ses trois grands romans je préfère de loin Emma Bovary. Sans la moindre hésitation.
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C’est un classique qui ne me tentait pas tellement, et après avoir lu ton billet, encore moins. Ce serait une lecture pénible plus qu’agréable. Bravo pour être allée jusqu’au bout et en avoir tiré un billet de cette qualité.
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Merci ! Je l’ai considéré comme un défi très personnel, sachant que ce roman était vraiment particulier. J’ai lu des crtitiques de l’époque démolissant Flaubert et ce texte. J’ai appris que l’après procès et scandale de Madame Bovary l’avait poussé à ce grand écart romanesque. Je ne retrouve pas en ces lignes cette puissance ironique que j’ai adoré après plusieurs lecture d’Emma Bovary et encore moins ce que j’aime chez lui. Mais j’ai vaincu et tenu le coup ! Ce défi est finalement plein de surprises !
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C’est l’un de mes préférés de Flaubert, je l’avait lu quand j’étais lycéen…
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J’avoue lui préférer Madame Bovary de loin… (J’aurais abandonné ce livre si j’avais dû le lire au lycée…)
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C’était une lecture qui n’entrait pas dans le cadre scolaire… 😉
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Ce qui me laisse d’autant plus admirative…
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Bravo pour cette lecture exigeante !
Je l’ai pour ma part abandonné, lors d’une tentative de lecture, au lycée, et je ne suis pas sûre d’avoir envie de lui donner une seconde chance.
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La lycéenne que j’étais n’aurait jamais pu achever cette lecture difficile… Je suis contente d’avoir insisté! (Non sans mal…)
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J’avais envie de le lire pour l’orientalisme mais je crains de ne pas dépasser l’exigence de la lecture.
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J’avoue n’avoir jamais lu ce roman. J’ai adoré Madame Bovary mais mon expérience avec Bouvard et Pécuchet m’avait un peu refroidi… Je ne suis donc pas sûre de vouloir me frotter à Salammbô.
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C’est mon préféré de Flaubert !
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Je l’avais étudié au lycée mais n’en ai pas de souvenir précis. Je me suis promis de le relire, apparemment ce n’est pas facile si j’en crois ton billet. Je suis prévenue, il faudra que je m’accroche !
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Un beau billet, Moka ; Flaubert pour moi aussi avec Un cœur simple (1876) https://pativore.wordpress.com/2020/10/26/un-coeur-simple-de-gustave-flaubert/ mais demain Balzac 😉
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Flaubert est un auteur que j’adore mais ce titre ne m’a pas laissé un souvenir impérissable (à part la première phrase… si connue) contrairement à Madame Bovary ou à L’éducation sentimentale.
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Il me tentait beaucoup, tu douches mon enthousiasme. Flaubert m’ennuie et on me l’a vendu comme une œuvre à part. Je vais encore repousser ma découverte.
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Ouh la la non, sans façon 😉 Je n’ai jamais accroché à Flaubert, et je compatis pour l’épreuve que tu as traversée avec ce titre 😀
De mon côté, j’ai enfin trouvé le temps de rédiger ma chronique… http://casentlebook.fr/ferragus-honore-de-balzac/
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Encore jamais lu Flaubert, ma première rencontre ne se fera pas avec celui-ci, Madame Bovary me tente davantage.
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Une lecture qui m’avait envoûtée.
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Ce n’est pas allé jusque là pour moi mais le personnage de Salammbô a cette faculté-là
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