Mais ma mère continuait d’éluder mes questions. Si bien que j’ai arrêté d’en poser.
À force d’entendre qu’elle était née en Grèce, Séverine n’a eu de cesse de s’interroger sur cette anecdote épique qui revenait souvent dans les conversations. Fantasmant mille aventures et récits autour de sa naissance, la frustration était au rendez-vous lorsque ses nombreuses questions restaient sans réponses. C’est alors qu’elle décide d’interroger les acteurs de son passé « aux multiples inconnues » et de suivre les pas de ses parents sur les routes qui les ont menés jusqu’en Afghanistan. Si les déconvenues furent nombreuses, elle découvre, en croisant les discours et les témoignages, la véritable histoire de sa naissance en prison et dresse ainsi – comme on tisserait une tapisserie orientale – trois portraits de femmes unies dans un destin des plus mouvementés.
Portrait d’une génération en quête de liberté et d’une époque bouleversée par l’Histoire, ce récit de voyage piquant croise – non sans humour – les souvenirs parfois flous ou confus des protagonistes qui ouvrent les portes de leur mémoire à Séverine Laliberté. Les mécanismes qui sous-tendent l’écriture autobiographique et ses limites sont mis en évidence avec habileté dans ce roman graphique qui sent l’opium et le haschisch. La poussière qui s’incruste sous les roues de la 4L s’inviterait presque dans les pages et les pérégrinations relatées nous transportent au cœur d’un Moyen Orient en profonde mutation. On exhume de ces pages les souvenirs d’un pays qui a souffert de l’oppression tenace des Talibans, on y retrace, aussi, de manière beaucoup plus intime, l’histoire d’une femme emprisonnée et de sa fille, née durant cet enfermement des plus singuliers.
On dit qu’on peut encore entendre les plaintes des trépassés s’élever des ruines.
Carnet de voyage, focus historique, éclaircissement politique, cette autobiographie prénatale est assurément bien moins légère que ce que sa couverture laisse entrevoir. Mêlant les témoignages, les dessins majoritairement en noir et blanc – qui ne sont pas sans évoquer les albums de Marjane Satrapi– et les clichés photographiques – qui ont tant bien que mal traversé les décennies – Hippie Trail se révèle être un récit surprenant et nous emmène bien au-delà d’une simple écriture introspective. Un album témoin de l’Histoire qui voit assurément plus loin que son nombril.
Pas à pas, de seuil en seuil, je gagnais ma liberté.
- Le site d’Elléa Bird.
- BO des pages tournées: la playlist Deezer liée à l’album.
Hippie Trail Scénario de Séverine Laliberté, dessins d’Elléa Bird Éditions Steinkis 23€ / 240 pages / Mai 2020 9e Art – Bande dessinée |
Typiquement le genre de bd que j’aime.
(Vivement nos retrouvailles « bullesques »!)
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J’ai aimé cette lecture mais tu sembles plus enthousiaste que moi. Pas sûre qu’elle me reste bien longtemps en tête…
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Je l’ai trouvé bien plus « profonde » qu’elle ne le laissait paraître…
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Au vu de la couverture, effectivement, je m’attendais à quelque chose de plus « léger »… Mais ça à l’air original !
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