Ce soir-là avait le goût de la fête. Cette nuit-là avait la saveur de la liberté qui s’affranchit des interdits. Alors elles ont dansé. Inlassablement… Nues, insolentes, sans entrave. Mais un témoin assistant à cette scène voit aussitôt en cette débauche nocturne, un danger qui éveille toutes les craintes et les méfiances, d’autant qu’une des demoiselles en question se retrouve dès le lendemain, clouée au lit, envahie par un mal inexplicable. Accusées de sorcellerie, ces femmes deviennent objet de médisances et se retrouvent au cœur de vifs échanges durant lesquels se nouent bien des enjeux politiques, religieux, amoureux et sociaux. Nous sommes en 1692 à Salem et l’on sait combien cette ville a tristement marqué l’Histoire.
Il y a toujours une promesse de faite dans le lit de l’adultère.
Cette pièce de Miller réunit ainsi les notables d’une ville où règnent les faux-semblants et dans laquelle le mensonge fait loi. La jeune Abigaël, cristallise à elle seule bien des tensions et montre combien la manipulation peut être un jeu facile quand on connaît le pouvoir des mots ou que l’on entrevoit les ravages des mensonges éhontés. Et que dire quand la jalousie et la superstition s’invitent dans ce jeu de dupes.
Peut-être avez-vous le désir sincère de l’oublier John, mais vous n’êtes pas encore à la veille d’y parvenir. Un peu plus de franchise avec vous-même et avec moi vous y aiderait parfaitement.
Parodie de justice, tribunal de pacotille, la pièce de Miller laisse entrevoir le pouvoir de la mauvaise foi et les dangers de l’aveuglement servile quand il est nourri par la peur et le besoin irrépressible de sauver les apparences. Dans cette pièce en quatre actes, le dramaturge lie le drame intime au drame social. La vérité y est furieusement mise à mal, étouffée par la puissance de la haine et des règlements de compte.
La sorcellerie est, de par sa nature, un crime invisible.
Qui croire? Cela importe peu tant que le plus habile orateur ou acteur peut convaincre et semer le trouble dans l’esprit de ses détracteurs. Sauf qu’à ce jeu-là, les perdants sont nombreux et gagnent une place sur la potence qui ne se lasse pas d’ôter des vies à défaut de se laisser le temps de démêler le faux du vrai. Perdre son honneur, avouer ses torts, masquer le vrai, salir l’autre… Voilà bien des raisons de faire de l’immoralité son alliée si l’on peut échapper à la plus terrible des sanctions…
Au spectateur alors de prendre recul nécessaire pour mesurer toute la cruauté de la vaste mascarade à laquelle il assiste, et si l’époque paraît lointaine, il n’en demeure pas moins que l’on y trouve des échos d’une modernité épatante… Changez simplement les acteurs mais ayez la certitude que les rôles de menteurs ou de manipulateurs ont indéniablement de très beaux jours devant eux…
De quel humain pouvons-nous dire avec certitude qu’il est bon ou qu’il est mauvais ? Ce que nous savons, c’est qu’en chacun de nous il y a prise aussi bien pour Dieu que pour le Diable. Dans nos âmes, les routes du bien et du mal se coupent et se recoupent à l’infini.

Cette semaine, nous nous retrouvons pour le troisième thème de notre RDV « Les classiques c’est fantastique » avec les chroniques de Fanny / Natiora / Mes Échappées livresques / Pativore / Ça sent le book / Maghily
BO des pages tournées : Sorcières Pomme & Klô Pelgag
D’autres histoires de sorcières:
- Celles de Roald Dahl ou/et de Pénélope Bagieu.
- Des sorcières dans leur bulles: Les filles de Salem Thomas Gilbert
- Tout pour devenir une sorcière
Les Sorcières de Salem d’Arthur Miller Traduit de l’anglais par Marcel Aymé Robert Laffont, dans la collection Pavillon poche 8 € / 240 pages / 1953 (2015 pour la présente édition) Au théâtre ce soir ! / Les classiques c’est fantastique ! |
C’est la première fois que j’entends parler de cette pièce… De Miller je ne connais que quelques pans de sa vie privée mais rien de ce qu’il a écrit.
Cette pièce avec le thème des sorcières que j’affectionne est une belle découverte !
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J’ai beaucoup aimé le triangle qui se forme autour du personnage d’Abigaël. Et puis les textes qui mettent en avant cette époque m’intriguent beaucoup alors cette pièce avait de quoi attiser ma curiosité.
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Je cherche d’ailleurs un livre historique/essai qui retrace cette époque. Si tu as un titre qui pourrait correspondre, je suis preneuse.
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Comme Fanny la thématique me plaît et je ne connais Miller que de nom. A retenir alors!
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Oh mais tu sais quoi ? je l’ai achetée ce matin cette pièce ! à la librairie du Louvre-Lens ! en me demandant pourquoi je n’avais pas choisi cette pièce pour le challenge ! et à te lire, pourquoi oui, mais du coup, bientôt 🙂
De mon côté, encore une fois à la bourre, j’en ai deux sur le feu, j’essaie d’en terminer une aujourd’hui. 🙂
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Et hop, et d’un 🙂 http://casentlebook.fr/ubu-roi-alfred-jarry/
Merci encore à toutes les deux pour cette stimulation littéraire ! 🙂 un vrai plaisir de s’y remettre !
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Oh mais si tu savais à quel point le plaisir est partagé ! Et j’adore découvrir vos titres !
Je viens de commencer mon pavé russe. J’espère être dans les temps !
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Oh la belle coïncidence… (En passant, je compte bien aller voir l’expo du Louvre-Lens aussi. Elle vaut le coup?)
J’ai encore deux titres à chroniquer (jeudi et vendredi) et si je gère bien je peux même en avoir un pour le week-end. (Mais j’ai nettement moins de certitude en écrivant ce com’)
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J’ai beaucoup aimé cette pièce et j’ai enchaîné avec « Moi Tituba, sorcière » de Maryse Condé qui donne une autre perspective .
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Tiens donc, je note, histoire de poursuivre mes lectures de sorcières… Merci !
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Ouah, sacrée pièce, il faut que je la lise 🙂
Molière pour moi sur https://pativore.wordpress.com/2020/06/29/le-bourgeois-gentilhomme-de-moliere/
Bonne continuation, belles lectures 🙂
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Incontournable Molière…
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Un titre édifiant, oui… Pour continuer sur le thème de ces sorcières de Salem, il y a aussi l’excellent titre de Maryse Condé : Moi Tituba, sorcière.
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Tu es la deuxième personne à m’en parler… Le verdict est sans appel: il me le faut !
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J’ai lu en fac d’anglais Death of a salesman (Mort d’un commis voyageur) et j’en garde un souvenir sombre, déprimant. Et pourtant j’avais bien aimé, je crois. Les sorcières de Salem m’a l’air bien plus tentant, je serais partante pour lire cette pièce. Les extraits que tu as choisis donnent envie d’en lire davantage.
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C’est un titre que j’ai noté pour le lire maintenant que je me suis lancée dans l’Oeuvre de Miller. Et j’aime cet aspect de la littérature me plaît. Donc let’s read !
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J’ai toujours voulu lire cette pièce de Miller présentant une Amérique puritaine, terrible et malsaine. Excellent billet comme toujours!
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Vu plusieurs adaptations mais jamais lu la pièce.
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C’est donc tout l’inverse pour moi !
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Le théâtre à lire, il faut vraiment que le texte soit excellent. J’ai souvenir de pièces que j’ai ru voir mais que je n’ai « que » lues. Celle-ci me semble vraiment de cette trempe, alors je la note voracement (d’autant qu’elle me permettra de me frotter pour la 1e fois à Miller, que je ne connais que de réputation).
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