Là où on allait, il y avait un dedans et un dehors.
La décision surgit dans sa vie comme une nouvelle des plus inattendues. Cet été-là, dans sa valise, elle emporte ce qu’il faut pour occuper ses journées. Des pages à tourner, des jeux et des peluches pour autant de vies à réinventer. Quitter son petit monde pour un autre dedans. Quitter le familier pour l’inconnu et fouler pour la première fois le sol d’un jardin-jungle paradisiaque. Le domaine est immense et son architecture impose sa beauté. Une bulle sublime qui entretient l’insouciance propre à ce bel âge. Point de paroi de verre dans ce monde enchanté, mais une enceinte en pierre, qu’on oublierait presque tant le végétal a envahi les lieux pour en faire un cocon.
– Pourquoi les hommes se font-ils la guerre? je lui demandais. – Parfois, les hommes deviennent fous, de rage, de haine, ils perdent les mots, ils choisissent les armes. La vérité est que je ne sais pas répondre à ta question disait maman.
Mais il suffit d’une page pour que le beau s’embrase, pour que la verdure rougisse face à la réalité du dehors. Au-delà de cette frontière, le bruit et la fureur, les nuages de poussière, les chants des sirènes qui n’envoûtent pas les hommes. D’un monde à l’autre, une immense porte. De celles que l’on pourrait trouver dans les contes d’orient. Immense, imposante faite d’une dentelle de fer pour ne pas la confondre avec celle d’une prison. Une porte comme un passage fragile où le dehors et le dedans pourraient se mêler, comme un lieu d’improbable rencontre, comme une fissure silencieuse dans laquelle on s’engouffre.
Nos ennemis très méchants portaient des barbes et des turbans. Ils haïssaient la musique : on chantait. Ils haïssaient la danse : on dansait. Ils avaient peur de la beauté : on ramassait des fleurs pour décorer nos cheveux.
Un album où le dedans se veut paradis et où la ville se fait monstre incandescent. Des pages pour dire aussi et surtout les faiblesses des adultes. Celles qui poussent à commettre le pire, celles qui sont aussi un terrible aveu d’impuissance. Chiara Mezzalama – fille de l’ambassadeur d’Italie à Téhéran, ville en pleine crise politique – fait d’un temps fort de son enfance un sublime conte de l’ailleurs. Une parenthèse estivale qui la marquera longtemps et qu’elle relate avec une douceur qui contrebalance l’horreur de la situation.
Je pense à lui et je trouve le courage de franchir les murs. Il y en a plein, des murs, partout, c’est juste comme ça, la vie. Il y a des dedans où l’on est bien et des dehors qui font peur, il y a des murs et il y a des chats, courageux comme toi, lui et moi, qui sautent d’un côté à l’autre..
Régis Lejonc, aux commandes pour la mise en scène et les illustrations, retranscrit à merveille ce jeu d’opposition entre le doux et le piquant, entre le calme et le chaos, entre la sérénité et l’angoisse qui ronge. Alternance de couleurs, puissance symbolique des dessins, la frontière d’un monde à l’autre se franchit en tournant les pages et l’on comprend vite que le manichéisme qui orchestre le récit ne demande qu’à s’estomper. Seule une amitié enfantine, faite de silences et de regards pourra abolir, le temps d’un été, les frontières tenaces qui cloisonnent les vies des femmes et des hommes.
BO des pages tournées : My Old Friend – Émilie Simon
D’autres histoires de jardins si singuliers pour tous les âges:
◊ Jardin d’hiver – Renaud Dillies & Grazia La Padula (BD)
◊ Villa Taylor – Jamil Rahmani & Michel Canesi (Roman)
◊ La Curée– Émile Zola
◊ Le Jardin de minuit – Édith (BD)
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Régis Lejonc au milieu des livres (Oui, on a une relation comme ça Régis Lejonc et moi.)
- Kodhja – Régis Lejonc et Thomas Scotto
- Oddvin, le prince qui vivait dans deux mondes– Franck Prévot & Régis Lejonc
- Coeur de bois – Régis Lejonc & Henri Meunier
- La Rue qui ne se traverse pas Henri Meunier & Régis Lejonc
- Un an, un jour – Régis Lejonc & Carole Chaix.
- Le Phare des sirènes – Rascal & Régis Lejonc
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Soutenir les jolis projets !
Comme un écho à cette lecture (bien que dans un tout autre contexte), les crayons de Régis Lejonc ont accompagné mon jardin du dedans de confinement. Chaque jour, une image postée comme un clin d’oeil amusé, triste, cynique ou poétique sur l’actualité des jours confinés. Régis Lejonc va faire de ses dessins quotidiens un petit livre – Comme à la maison – journal graphique d’un auteur confiné – dont la publication peut être financée sur la plateforme ULULE. J’aime définitivement l’idée de les voir réunis et de leur trouver une place sur mes étagères comme un souvenir de ce décompte qui a rythmé ces semaines si particulières. Si vous souhaitez vous aussi participer à la naissance de ce projet, c’est ici qu’il faut cliquer.
Le Jardin du Dedans-Dehors Texte de Chiara Mezzalama, illustré par Régis Lejonc Les Éditions des Éléphants ISBN :978-2-37273-033-4 15€ , 40 pages, 2017 PRIX SORCIÈRES 2018, catégorie CARRÉMENT BEAU MAXI Que jeunesse se fasse / Je lis des albums |
Si tu devais choisir un de ses albums pour le faire découvrir à quelqu’un, quel titre recommanderais-tu? Je suis toute ouïe!
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Je regarderai volontiers cet album . J’imagine la terreur de l’enfant.
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Tous les albums de Lejonc devraient être dans toutes les bibliothèques. ❤
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Très bel album, merci pour cette découverte
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J’aime ce genre de découverte sur ton blog ! ❤ Merci , je note 🙂
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J’ai une passion toute particulière pour les livres illustrés. Mais je pense que tu l’avais compris…
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Il y a un côté délicieusement suranné dans ses illustrations que j’aime beaucoup.
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C’est la petite touche Lejonc m’dame ! Et j’aime beaucoup ça.
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Lejonc ce génie ! Tu sais à quel point cet illustrateur m’est cher…
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J’affectionne beaucoup cette maison d’édition qui publie régulièrement de belles pépites jeunesses, je me note de découvrir absolument Régis Lejonc alors!
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J’ai déjà cliqué tu penses bien… 🙂
Et cet album, je l’avais adoré ❤
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Le joli souvenir de ces jours si curieux.
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