D’après les médecins, ils ont un couple discordant. L’étiquette n’a rien d’enviable et l’on devine aisément que cette classification cache une réalité que les premières pages de l’album éclaireront assez rapidement. Lorsqu’ils se croisent pour la première fois au cœur d’une soirée où l’insouciance se mesure à l’alcool ingéré et à la capacité de plonger presque nu dans la piscine privée d’une villa de Genève, aucun des deux n’a idée que quelques années plus tard, sur un canapé au tissu élimé, naîtra une grande histoire d’amour.
Les gens ont souvent peur de ce qui est tout petit ou invisible..ils ont l’impression que ça peut leur faire du mal… tu vois ?
Cati entre tardivement dans la vie de Frederick, sensible quant à lui, dès les premières heures, à la fougue et la spontanéité de cette femme pétillante. Elle reviendra vers lui avec douceur, aiguisera sa curiosité qui ne demandait qu’à être entretenue, mais arrivera également avec son passé, un fils, et une saleté de virus HIV qui a pris ses quartiers d’été au creux de leur organisme… Les trois lettres fatidiques sont vite prononcées. Elles tombent comme un couperet qui aurait pu condamner la relation à ses balbutiements. Et pourtant, malgré l’angoisse permanente que cela implique pour un couple, malgré les pronostics médicaux qui semblent peu prometteurs, leur histoire d’amour se forge, se consolide, nourrie par ce lien puissant et cette grande complicité qui se tissent entre eux.
J’ai accordé une seconde de ma vie, dans ma tête et mon cœur, à tous les sentiments les plus extrêmes.
Je comprends que l’on puisse épisodiquement trouver éprouvant de regarder tous les jours sa maladie dans un miroir.
Ces pilules bleues, quotidiennes et essentielles, rythment les jours de ce trio qui apprend à vivre avec le sida et ses insidieux coups d’éclat. L’histoire que nous relate Frederick Peeters n’a rien d’une fiction larmoyante puisque c’est sa vie qu’il met en bulle dans cet album. Avec une grande simplicité de ton, il fait de cette histoire d’amour un témoignage grandiose sur un sujet on ne peut plus délicat. Discours médicaux, vie intime, maternité, parentalité, regard des autres: tout est là, justement dosé et sans aucune dramatisation fracassante. C’est d’une délicatesse absolue et si la maladie joue les épées de Damoclès, l’on comprendra avant tout qu’il s’agit de parler avant tout d’amour entre ces pages.
Comme à son habitude, Peeters s’offre au fil des cases quelques pas de côté dans le fantasque, le bestiaire lui tenant compagnie ou croisant son chemin ayant une fois de plus une grande portée symbolique. Son trait et son encrage commencent à m’être familiers après la lecture de Koma et de L’Odeur des garçons affamés et le choix du noir et blanc est une réussite d’une efficace sobriété. Autant dire qu’à chaque livre que je découvre de lui, la surprise est au rendez-vous tant il se montre un véritable touche-à-tout en matière d’histoire à raconter/dessiner…
Un album qui nous berce et nous bouscule dans nos représentations d’une maladie qui véhicule de nombreuses idées reçues et des préjugés faciles pour un témoignage qui lève le voile sur ce qui est rarement évoqué à ce sujet. Le personnage du médecin, délicieux à souhait, parvient même à insuffler une dose étonnante d’humour et de légèreté dans un contexte où la peur et la fébrilité sont pourtant de mise. Un titre plein d’espoir et de sagesse, teinté de réflexions sur la vie de couple et ses failles qui n’hésitent pas à s’extirper du carcan de la maladie. Une immersion dans l’intime sans impudeur mais aussi sans fard. Encore du grand Peeters.
– Pourquoi tu m’aimes?
– Parce que quand tu traverses un passage piéton, tu sembles faire l’amour à la rue entière… et parce que tu sens le croissant chaud en te réveillant le matin…(…) parce que je me sens bien avec toi… parce que tu me fais rire… et que tu me respectes et que tu me fais pas chier aussi…parce que tu me stimules… que tu as de l’esprit…que tu es honnête… que j’aime tes yeux, ton cul, toucher le bas de ton visage et ta nuque, ton ventre, tes mains rêches, l’inclination de tes sourcils… parce que tu es la seule personne avec laquelle je ne joue pas un jeu… parce que tu es cochonne et impudique… forte et fragile… que tu te poses les bonnes questions… que tu me fais rêver à un monde idéal… que tu me donnes l’impression d’être quelqu’un de bien…et parce que contrairement à ce que tu crois, de toutes les personnes que je connais, tu es la plus douée pour la vie…
D’autres suggestions pour prolonger cette lecture Au milieu des livres :
◊ In waves – Aj Dungo pour la vie de couple qui se conjugue avec la maladie.
◊ D’un trait de fusain – Cathy Ytak parce qu’elle évoque cette génération touchée de plein fouet par le VIH.
◊ Nos étoiles contraires – John Green. Autre histoire d’amour, autres douleurs, autre ton.
Pilules bleues de Frederick Peeters Édition Atrabile ISBN: 978-2-9700165-6-4 22€, 196 pages, octobre 2001. |
Oh m**** la dernière citation m’a mis les larmes aux yeux…
Il faut, définitivement, que je lise ce Peeters.
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Ce passage est dingue. Je suis vraiment très étonnée par ce type finalement découvert très récemment. (Alors que Pilules bleues est sur mes étagères depuis des années !)
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Pas encore lu mais il est sur ma liste depuis un moment. Maintenant que les bibliothèques ré-ouvrent, je sais ce qu’il me reste à faire 😉
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Il a dû se montrer patient aussi avec moi… (Depuis des années sur mes étagères !)
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belle citation en effet! ça donne envie d’en lire plus!
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J’avoue qu’elle laisse difficilement indifférent…
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Mon premier Peeters il y a des années déjà et un véritable uppercut…! ❤
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Coup bien reçu ici aussi!
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Encore un nom en matière de BD à découvrir pour moi ! Je note, merci !
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Les rendez-vous du mercredi ne sont que tentation!
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Je l’ai lu il y a déjà quelques années et j’avais beaucoup aimé. Je me souviens d’avoir été « surprise » par la franchise avec laquelle il se livrait. Une autre bd m’avait fait cet effet là : « Ce n’est pas toi que j’attendais » même si le sujet est totalement différent.
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Ce ton si franc m’a aussi beaucoup plu. J’ai lu le Toulmé, je comprends ton rapprochement mais je n’ai pas été aussi sensible à son album qu’à celui de Peeters.
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rien qu’à te lire j’en suis toute émue. Je note. En revanche je n’aime pas du tout la couverture, je serait passée à côté sans même un regard
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Rhhhhooo! Alors on oublie la couverture mais on garde bien le titre en tête !
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Pas encore lu de Peeters
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J’ai mis du temps à venir à lui. Et je ne m’arrête plus.
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Ces derniers mots… Ils sont à lire et seraient aussi à entendre…
Un auteur à découvrir et un album de plus dans ma wishlist 😉
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Je suis ravie qu’il s’y ajoute !
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Un thème qui m’intéresse beaucoup. Du coup, je pense que je vais ajouter cet album à ma wish!
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Tu devrais apprécier le ton et le propos je crois…
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Oh quel album dis donc… Le sujet, sa part autobiographique, son traitement. Je le note, évidemment. Merci de la découverte !
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Je t’en prie. C’est vraiment un très bel album.
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Tu en parles bien ! Il est à ma médiathèque, alors je note !
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C’est vraiment une très belle histoire !
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noir et blanc déjà à la base je ne suis pas fan mais là en + je ne suis pas tentée 😀
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C’est dommage, tu passes vraiment à côté d’une histoire magnifique.
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Un des premiers albums de BD adulte lus il y a 12 ou 15 ans… (cela ne me rajeunit pas !). J’en garde quelques vagues souvenirs, bons qui plus est, et avec tout ce que j’ai lu depuis, je dois dire que c’est déjà pas mal. En lisant ton billet, je me suis dit que c’est un album que j’aimerais bien relire, d’ailleurs…
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merci pour la découverte car tu m’as donnée très envie de découvrir cette histoire.
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Une claque semble t il ?! Je vais voir s’il est à la médiathèque
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Un titre très fort. Un témoignage qui mérite d’être lu. Et une formidable histoire d’amour.
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