Je place les coupelles sur les tombes de ceux qui n’ont pas de visites. Comme une compensation. Je descends un peu du ciel pour les morts. Des mots d’oiseaux.
Cela n’avait pourtant rien d’une surprise. Est-on seulement un jour vraiment prêt à entendre ces mots-là? Sonné, ailleurs, conscient que sa vie ne sera désormais plus la même sans elle, Gabriel part au lycée et annonce en plein cours comme on lance une bombe que sa mère est morte. Désarçonnés par la nouvelle, ses camarades et professeurs semblent alors marcher sur des œufs. Que faire? Que dire? Comment se montrer compatissants sans avoir ces regards de chiens battus? Comment trouver les mots justes quand le besoin de silence semble l’emporter sur l’envie de réconfort?
Les jours d’après ont le goût des responsabilités et de la paperasserie d’usage. Les obsèques auront bientôt lieu et la tante de Gabriel s’occupe tant bien que mal de cet adolescent qui semble pouvoir exploser à tout moment. C’est donc une grenade qui entre dans le cabinet notarial et la lecture du testament vient subitement la dégoupiller. Colère, effroi, stupeur. Les quelques mots manuscrits de sa mère réveillent en lui une colère difficile à contenir. Sa décision est prise, il rassemble quelques affaires, tire des plans sur la comète et s’investit d’une mission incongrue au goût d’interdit. Traînant derrière lui un petit bolide-cercueil à roulettes, il commence un voyage dont chaque pas constituera une étape décisive de son deuil. Rien ni personne ne saura entraver ses projets et lui faire renoncer à ses promesses.
Oublie-moi. Ce n’est pas à moi que tu t’es confié. Mais, si ça peut te rassurer, tu n’es pas maudit. Et puis, je ne veux pas influencer ton destin. Tu es encore sur le chemin, tu fais des choix, des rencontres. Tu n’es pas arrivé à destination, ni elle.
Tu seras un homme mon fils. Ce sont ces mots du poème de Kipling qui ont souvent résonné en moi durant la lecture de ce roman. Comme un petit refrain, lancinant. Comme un encouragement tacite, entre les questionnements du héros et le silence de sa mère. Il faut, pour aimer cette histoire, oublier les convenances, dépasser l’idée même que ce voyage ne pourrait raisonnablement se dérouler comme Alexandre Chardin nous le conte. Il faut lâcher prise avec les questionnements plus rationnels, et voir en cette errance une quête intime, symbolique qui n’a d’autre raison d’être que celle d’apprendre à grandir et à devenir adulte, en sachant défendre avec ferveur nos choix les plus fous. Le voyage – ponctué de rencontres en tout genre – rend ce récit initiatique moins monotone qu’il n’y paraît et c’est une magnifique galerie de personnages secondaires qui surgit de ces pages qui tenteront de nous aider à apprivoiser les pires douleurs, à dompter les redoutables colères et à accepter les éternelles absences.
Ne réfléchis pas, ne fléchis pas, suis ton inspiration, ça n’est pas une question de bien ou de mal. Fais ce qui te semble juste. Et si tu le peux, pardonne un jour à ton père. Quoi qu’il ait fait. Pas pour lui, mais pour toi.
BO des pages tournées: Moshé – Bensé
Le Cercueil à roulettes d’Alexandre Chardin Éditions Casterman Jeunesse ISBN: 9782203124769 15€, 384 pages, janvier 2020 Que jeunesse se fasse… |
Ce livre se trouve toujours dans ma PAL. Je le lirais peut-être entre deux classiques pour me changer les idées même si le thème du deuil de la mère m’effraie un peu.
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J’imagine bien… Il est juste « prétexte » au voyage finalement. Un sujet très curieusement abordé ici.
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(Et on ne t’arrête plus avec les classiques !)
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Il a l’air très fort. J’ai lu « Des vacances d’apache » qui est très réussi mais beaucoup plus léger.
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C’était mon premier titre de lui… J’en lirai d’autres je crois.
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je n’ai pas croisé ce roman , tu es la première personne qui m’en parle et malgré ton billet je ne suis pas tentée plus que ça.
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Tu peux sans problème passer ton chemin… 🙂
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Intéressant, j’espère que ma BM l’aura.
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Je te le souhaite aussi ! La réouverture a eu lieu?
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