Dix-sept ans, je perdais mon pucelage. Je traînais à Dublin, je rêvais de Londres. J’apprenais à boire comme un matelot. Et à fumer comme une lady.
Oscar Forrest a quitté la ville, emportant avec lui sa tristesse, son élégance et sa résignation. Derrière lui, un homme dont il chérit secrètement le souvenir dans un petit médaillon. Devant lui, un projet photographique qui lui rapporte gros, au risque de participer à un recensement immoral sur les grandes plaines poussiéreuses du Far West. Saisir les corps et les visages des peuples autochtones de son art sorcier, comptabiliser les êtres, évaluer les sols, estimer le bétail comme on dresse un état des lieux avant de s’approprier des terres convoitées. À ses côtés, Mr Stingley, un homme bourru peu scrupuleux et Milton, un jeune garçon de ferme en fugue. Ces hommes qui ont fait de la fuite un art de vivre se retrouvent alors à cohabiter sur un campement de fortune pour mener à bien cette mission au cœur d’une Amérique en profonde mutation.
Mais non loin d’eux, des regards indiscrets ne les quittent plus. Celui d’un homme cadavérique au visage émacié et menaçant qui pourrait avoir sa place dans un Freak Show. Armé et peu avenant, ses intentions sont limpides. Il faut que l’on sente la poudre et que les balles mettent les chairs à vif. Celui d’un homme dont la peau pleine de sillons se fond dans les terres ocre et arides. L’imperceptible étau oculaire se resserre ainsi inexorablement sur eux.
Moi, j’aurais adoré ce mensonge. J’aurais aimé croire à quelque chose d’impossible, qu’on me persuade que je pouvais retrouver ce que j’avais perdu.
Moi qui clame à qui veut l’entendre mon aversion pour les westerns, me voilà bien ennuyée car il s’agit là encore d’une lecture à contre-emploi qui m’a fait revoir mes jugements un peu trop arrêtés. (Ndlr: Le Sans foi ni loi de Marion Brunet a désamorcé le climat tendu entre cet univers et moi…) Derrière ce titre absolument sublime, on retrouve assurément les incontournables lieux communs des récits de cow boys et d’indiens: troupeaux de chevaux sauvages, hommes sous tension aux regards perçants, colts et grand galop… Mais très vite, l’on sent que tout cela n’est qu’un décor qui invite à déplacer et focaliser notre regard sur ce qui va lier les héros de cet album. La narration invite à se glisser dans l’intimité de ce clan itinérant et dès lors, l’on se retrouve saisi par la classe furieusement insolente d’Oscar, ce dandy mélancolique, on s’attache très vite à ce jeune blondinet bien moins naïf et frêle qu’il ne le laisse paraître, on s’agace de la grossièreté et de la bêtise crasse de leur comparse Stingley.
Dans ce monde, il y a des choses que deux garçons n’ont pas le droit de faire. À cette impossibilité, mon ami a préféré la mort.
L’album de Loo Hui Phang raconte brillamment et subtilement l’histoire d’une rencontre fulgurante et de ce qu’elle provoque ou ravive chez ses héros. On y dit le désir dans un monde souvent dépeint dans sa virilité primitive. Les bulles voient se côtoyer un mélange très juste de crudité et de poésie et l’on se laisse vite prendre au jeu de ce très beau récit, haletant et délicat. La scénariste y dit l’odeur des corps, elle y relate la puissance charnelle, celle sur laquelle personne n’a de prise, ajoutant à cela tout un monde chargé de fantômes, de croyances et de magie pour brouiller les pistes, entre réalité et fantasmagorie.
J’ai découvert cet album dans son édition de luxe – embourgeoisement quand tu nous tiens – dans sa version en noir et blanc rehaussée de deux lavis qui rythment les jours et les nuits du récit. J’avoue qu’il n’aurait pas suscité le même intérêt – et remporté ce vif succès – entre mes mains si j’avais feuilleté les pages en couleur. Faisant la part belle au trait de Frederik Peeters, le dessin se pare alternativement d’un bleu léger ou d’un rouge terreux gorgé d’eau qui souligne les ombres et apporte une discrète profondeur à chaque décor ou personnage. Épuré à souhait, ce travail graphique fait clairement son effet au fil des pages et vient souligner toute la beauté mystérieuse et vaporeuse des passages plus mystiques.
Un album coup de foudre. Aussi surprenant qu’inattendu venu allégrement bousculer les codes du genre et mes aprioris.
Que vous le vouliez ou non, on forniquera jusqu’à la fin des temps parce qu’on aime tellement ça. Rien n’est plus beau que l’odeur des garçons affamés.
Frederik Peeters au milieu des livres: Koma
L’Odeur des garçons affamés – Loo Hui Phang & Frederik Peeters
Éditions Casterman
Édition de luxe, Noir et blanc, dos toilé.
39 € / 144 pages
ISBN: 9782203110120
Avril 2016
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Ce mercredi…
La BD de la semaine est au milieu des livres!
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Chroniques des amoureux-lecteurs dans leurs bulles de confinement !
Amandine Sabine Eimelle Gambadou
Cristie Pativore Karine Mylène
Un album déroutant, oui ! Pas fan des western mais fan de Fred Peeters, alors je ne pouvais pas faire l’impasse, tout western que ce soit. Et je n’ai pas été déçue du voyage 🙂
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J’ai adoré. Et je me lance tout bientôt dans un autre Peeters qui m’attend depuis trèèèèèèèèès longtemps…
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Moi non plus je ne suis pas amzytice de western, mais ce livre semble tout de même très attirant pour des tas d’autres raisons ! Merci pour la découverte, je note !
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Ah la la cette perle que tu viens de nous trouver … Je la veux c’est clair !
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c’est vrai que cette version me semble aussi bcp plus belle ainsi qu’en couleur!
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oki, tu donnes bien envie ❤
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Oh tant mieux !
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tu me donne vraiment envie !
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Alors ça me fait vraiment plaisir car j’ai adoré cet album !
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Pas fan du genre non plus mais ce que tu en dis m’intrigue…
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Ravie d’éveiller ta curiosité…
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Lu et adoré dans sa version originale en couleurs ! Et j’ai rencontré la jeune autrice dans ma librairie pour son premier roman il y a quelques mois, elle est étonnante !
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Je ne la savais pas autrice de roman. À creuser, par curiosité.
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Je ne suis pas non plus fan des westerns mais ce que tu dis de cette BD m’interpelle.
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Elle mérite qu’on s’y attarde en tout cas…
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J’avais lu la version classique après être tombé sous le charme de son livre d’images Saccage. Peeters à une vraie touche graphique et cette odeur des garçons affamés très poétiques. Je trouve dommage que cette édition luxe n’assume pas un vrai noir et blanc. La colorisation d’origine était très bien et je trouve la bichromie un peu plate et inutile. Mais je confirme que c’est un album à lire et absolument pas un western (dans le sens attendu).
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Je l’ai découvert avec ce titre et c’est une véritable surprise (même si Pilules bleues est sur mes étagères depuis des lustres…) Et contrairement à toi, je trouve ce jeu de lavis très pertinent et bien moins criard que la version couleur…
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vu que d’habitude je suis comme toi je n’aime pas trop les western, je vais noter cette bd à découvrir.
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Oui, c’est un argument pour te convaincre. Tu me diras…
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Les dessins ne me plaisent pas mais l’histoire est sûrement bien 😉
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Assurément !
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Madame s’embourgeoise en effet (mais je suis sûr que ça te va bien au teint^^). On est certes dans le western avec cet album mais sacrément revisité quand même. J’ai adoré, même si je ne suis pas certain d’avoir tout compris à la fin.
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Ah mais oui… Complètement revisité même. Il faudrait qu’on discute de cette fin justement. Je vois deux « issues » envisageables…
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Tu me tentes, mais du coup, je me demande laquelle des deux versions (n&b ou couleurs) il vaudrait mieux que je lise pour être certain de ne pas finir déçu….
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À feuilleter plus longuement en librairie pour faire ton choix sans précipitation…
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Pas fan non plus du western mais cette bd est quand même signée par Loo Hui Phang dont j’avais apprécié Les enfants pâles.. Je ne ferme donc pas ma porte 😁
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J’ai creusé justement la question après ma lecture tant j’ai aimé ce titre et j’ai justement mis Les enfants pâles sur ma liste d’achats post-confinement. Et puis, je ne suis pas western comme je le dis dans la chronique, mais tu n’en as vraiment que le décor. Pour le reste, c’est excellent.
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Je viens de relire mon billet sur les enfants pâles et il vaut mieux attendre un peu après le confinement vu le sujet… 😁
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Arf, pas le choix de toute manière comme ma librairie est fermée…
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Je ne suis pas très western non plus… mais là, j,avoue que tu m’intrigues. Et pas à peu près! Hâte que la biblio réouvre.
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Belle surprise… Et j’espère que d’autres la partageront.
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Un petit côté désuet qui ne serait pas pour me déplaire non plus. Chouette trouvaille ! 😉
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J’ai vraiment été très agréablement surprise. Et ce n’était pas gagné d’avance.
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Jamais vu cet album avant, mais il aurait tout pour me plaire…
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Tu l’as peut-être croisé dans les chroniques de sa version couleur… (J’adhère moins en ce qui me concerne.) Mais il vaut vraiment la peine que tu t’y plonges.
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Non, même en version couleur, cela ne me dit rien… Je vais essayer de voir alors.
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Alors bonne découverte si l’occasion se présente !
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Je vais essayer qu’elle se présente. Merci !
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Je n’aime pas les westerns non plus, du coup, me v’là intriguée !!
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Et à juste titre !
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Moi j’aime les westerns ! Ce qui ne m’a pas empêché d’aimer cet album (lu en couleurs) si particulier. Un western atypique, c’est sûr !
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C’est aussi intéressant d’avoir un retour d’une amatrice de western. Ceci dit, il en reprend l’atmosphère sans pour autant faire de ce texte un pur classique du genre. Loin de là d’ailleurs…
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Effectivement, il n’y a pas tout… Mais il y a les grands espaces, la « colonisation » des terres indiennes par les blancs, les indiens…
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Ayé, j’ai rattrapé mon retard… Reste à lire les billets d’avant-hier !! Plus j’ai de temps et plus j’en manque… Komenksasfé ??
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