Et mon coeur fait boum·L'Art du récit·S'essayer à l'Essai.

À mains nues – Amandine Dhée

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Nous sommes tous fabriqués. C’est seulement quand on l’a reconnu que l’on peut s’inventer un peu.

Tu es une enfant et découvres le monde. Les autres. Ceux que tu aimeras, fuiras, côtoieras avec plus ou moins d’aisance ou d’appréhension, de désir et de curiosité, de nervosité ou d’impatience. Il sera l’ami, elle sera l’amante, il sera un grand amour, elle sera l’histoire d’un soir, il deviendra le père de ton enfant, elle sera l’amie à qui tu diras je t’aime, il sera celui auquel tu renonceras ou que tu désireras éternellement. Ils auront des visages, des corps. Ils susciteront chez toi ce que tu ne soupçonnais pas avant de découvrir que tes désirs se vivent autant qu’ils s’assument, se verbalisent autant qu’ils se taisent, se partagent ou se gardent comme un précieux secret. Tu grandiras. Et tu sauras. Et tu tourneras un jour ces pages miroirs, du bout des doigts.

Deux corps peuvent ça. Se rencontrer, faire l’amour comme des dingues. Que ce soit joyeux, généreux, évident. C’est rare et ça la chamboule cette magnifique histoire de cul. Entorse au réel, sursis. Je recueille son miracle. Nos sourires. Et soudain, ça manque. ça me manque d’avoir mal au ventre jusqu’au bout des doigts pour quelqu’un. […] J’entends le rire de mon compagnon depuis la terrasse. Est-ce que ça lui manque, à lui aussi?

Un livre entre le témoignage et l’essai, au ton délicieusement spontané dont le propos  se veut d’une grande force et simplicité pour parler des femmes aux femmes, des femmes aux hommes. Un livre sur ces pensées intimes qui osent se dévoiler, si conscient des carcans sociétaux qui canalisent ou restreignent trop souvent la parole qui se préfèrerait libre et sans fard.

On s’évalue, on s’argus. Elle se demande combien elle vaut. Ils sont nombreux, nombreuses, planquées derrière leurs paillettes du samedi soir, à conjurer leurs doutes et leurs chagrins.

Amandine Dhée, après La Femme brouillon livre dans À mains nues un manifeste intelligent et captivant sur la condition et l’émancipation féminines. (Et soulignons, au passage, le toujours-très-délicat travail graphique autour des couvertures de cette collection.) Sa plume franche, sans emphase, donne à voir la femme dans ses silences, dans ses désirs, dans ses hésitations, dans ses envies de libertés qu’elles soient individuelles, sexuelles, féminines. Elle écrit avec l’aisance et la simplicité d’une conversation avec son lectorat qui souvent sourira, qui évidemment se reconnaîtra, qui comprendra ou vivra par procuration – ou identification – ce qui se joue dans nos silences introspectifs. De l’enfant à l’adolescente, de l’adolescente à la femme, c’est beaucoup de nous que contiennent ces pages et ces histoires de mains nues. Et c’est un immense plaisir que de lire ces mots-là.

Je n’ose pas poser la question aux femmes plus âgées que moi. […] J’ai le sentiment que certaines femmes ont laissé derrière elles ce désir, qu’elles ont laissé s’éteindre le feu. Et si ça mourait sans bruit? Je suis triste par anticipation.

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BO des pages tournées: À l’horizontale – Aloïse Sauvage 

À mains nues – Amandine Dhée

Couverture: Guillaume Heurtault

Éditions La Contrée Allée- Collection La Sentinelle


ISBN: 978-2-376650-55-3


138 pages / 16 €


Janvier 2020

14 réflexions au sujet de « À mains nues – Amandine Dhée »

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